Commentaires des Principes de Newton - Exposition abrégée, 4

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CHAPITRE QUATRIÉME. Comment M. Newton a expliqué la préceſſion des Equinoxes. I. tems que l’axe de voit toujours ſon On a ſuppoſé longtems que l’axe de la terre gardoit toujours On a cru longla même poſition pendant qu’elle fait ſa révolution dans ſon grand la terre_conferorbe, & cette ſuppoſition étoit bien ſimple : car la théorie fait voir parallélifime, que ce paralléliſme doit réſulter des deux mouvemens qu’on connoît à la terre, je veux dire le mouvement annuel & le mouvement diurne ; & effectivement ce paralléliſmę ſe conferve ſenſiblement pendant un aſſez longtems.. Mais la continuité & l’exactitude des obſervations, ont fait découvrir que les pôles de la terre ne répondoient pas toujours aux mêmes fixes, & que par conſéquent ſon axe ne reſtoit pas toujours paralléle à lui-même, 68 I I. Hipparque s’eſt apperçu le preHipparque fut le premier, au rapport de Ptolomée, qui ſoupçonna mier de la révo— le mouvement de l’axe de la terre. Ptolomée examina ce ſoupçon d’Hipparque, & l’ayant vérifié, il fixa ce mouvement à un dégré Jution des pôles de la terre. Ptolomée a fixé en cent ans, ce qui donnoit 36500 ans pour la révolution entiere la durée de cente de la fphére des étoiles fixes, qu’il fuppofoit être la cauſe de cette révolution,

On appelloit apparence ; & on croyoit du tems de Ptolomée qu’après cette révocette révolution du tems de Pto— lution, qu’on appelloit la grande année, tous les corps céleſtes rela grande année. tournoient à leur premiere poſition. Ulughbeig Arabe corrigea le Les Arabes s’apperçurent que Ptolomée avoit fait ce mouvement tems que Ptolomée avoit déter— plus lent qu’il ne l’eſt en effet, Ulughbeig le fit d’un dégré en 72 c’eſt ce qu’on ap pelle la préceſſion des équinoxes. sminé révolution des Pô— ans, & les Aftronomes du dernier fiécle en le fixant à 5r" environ Ics de la terre. Les Aftrono— par an, ont confirmé la découverte d’Ulughbeig ; ainſi cette révomes des derniers lution des pôles de la Terre n’eſt que de 25920 années. cems l’ont trouI I I. vée comme ULughbeig de 51" par an, & qu’elle s’acheve en 25920 ans. Ce mouvement de l’axe de la terre fait rétrograder les points équinoctiaux qui s’appelle la préceſſion des équinoxes. équinoctiaux, & IV. Et cette régreſſion cauſe un mouvement apparent dans les Etoiles fixes, Les points équinoctiaux changent en même tems & de la même quantité que les pôles du monde, & c’eſt ce mouvement des points Quoique les étoiles fixes ſoient immobiles, du moins pour nous, comme la commune interſection de l’équateur & de l’écliptique rétrograde, il eſt néceſſaire que les étoiles qui répondent à ces points paroiffent changer continuellement, & qu’elles paroiffent avancer vers l’Orient ; d’où il arrive que leurs longitudes, qu’on a coutume de compter dans l’écliptique du commencement d’Aries, c’eſt-à-dire, du point d’interſection de l’équateur & de l’écliptique au printems, augmentent continuellement, & les fixes paroiffent avancer en confequence ; mais ce mouvement n’eſt qu’apparent & vient de la régreſſion en ſens contraire du point de l’équinoxe du printems, 69 V. Elle eſt cauſe que l’interſection de l’équateur ne mêmes & tions du ZodiaCette régreſſion eſt la cauſe pour laquelle toutes les conſtellations du zodiaque ont changé de place depuis les obſervations des de l’écliptique & premiers Aftronomes. Car la conſtellation d’Aries, par exemple, répond plus aux qui au tems d’Hipparque répondoit à l’interſection de l’équateur que les conſtella& de l’écliptique au printems, & qui a donné ſon nom à cette que ont changé portion de l’écliptique, eſt à préſent dans le ſigne du Taureau, le Taureau eſt dans les Gémeaux, &c. ainſi elles ont pris la place l’une de l’autre ; mais les parties de l’écliptique où elles étoient placées autrefois, ont toujours retenu le même nom qu’elles avoient du tems d’Hipparque. de place, V I. On ignoroit avant M. Newton la cauſe phyſique de la préceſſion des équinoxes, & on va voir comment il a déduit ce mouvement, de ſes principes ſur la gravitation. On a vu dans le Chapitre de la figure de la terre, que cette figure eſt celle d’un ſphéroïde aplati vers les pôles & élevé vers l’équateur. Lemmes d’où M. Newton part mouvement. M. Newton pour expliquer la préceſſion des équinoxes, commence par donner trois Lemmes dans ſon troifiéme Livre, pour pour trouver ce préparer à la démonſtration qu’il donne dans la Prop. 39. de ce troifiéme Livre, que cette révolution des points équinoctiaux eſt cauſée par l’attraction réunie du Soleil & de la Lune ſur la protubérance de la terre à l’équateur. VII. Il ſuppoſe dans le premier de ces Lemmes, que toute la matiere dont la terre conſidérée comme un ſphéroïde excéderoit le globe inſcrit à ce ſphéroïde, ſoit reduite à un ſeul anneau qui envelopperoit l’équateur, & il prend la ſomme de tous les efforts du Soleil fur cet anneau, pour le faire tourner autour de l’axe qui eſt la commune ſection du plan de l’écliptique avec le plan qui pafferoit par 70

le centre de la Terre, & feroit perpendiculaire à la droite tirée de ce centre à celui du Soleil. Il cherche dans le ſecond Lemme le rapport qui eſt entre la ſomme de toutes ces forces, & la ſomme de celles que le Soleil exerce ſur toute la partie de la terre qui environne le globe. Dans le troifiéme il compare la quantité de mouvement de cet anneau placé à l’équateur, avec celle de toutes les parties de la Terre. VII E Pour déterminer la force du Soleil ſur cette protubérance de l’equateur de la terre, M. Newton prend pour hypothéfe, que ſi la terre étoit annihilée, & qu’il ne reſtât que cet anneau qui décrivit ſeul autour du Soleil l’orbe annuel, & qui tournât en même tems par le mouvement diurne autour de ſon axe incliné à l’écliptique de 23° 1, le mouvement des points équinoctiaux feroit le même, ſoit que cet anneau fût fluide, ſoit qu’il fût compoſé de matiere ſolide. M. Newton, après avoir cherché en quel rapport la matière de cet anneau ſuppoſé, c’eſt-à-dire, de la protubérance de l’équateur, eſt à toute la matiere qui compoſe la terre, & avoir trouvé, en prenant le rapport des axes de la terre de 229 à 230, que cette matiere eſt à celle de la terre, comme 459 à 52441, fait remarquer que fi la terre & cet anneau tournoient enſemble autour du diamétre de cet anneau, le mouvement de l’anneau feroit au mouvement du globe intérieur, c’eſt-à-dire, au mouvement de la terre autour de ſon axe, comme 4590 à 485223, & que par conſéquent le mouvement de l’anneau feroit à la ſomme du mouvement de Fanneau & du globe, dans la raiſon de 4590 à 489813. Il avoit trouvé Prop. 32. du 3° Liv. que le moyen mouvement des nœuds de la Lune dans un orbe circulaire, eſt de 20º, 11’, 461. en antécédence dans une année ſidérale ; & il avoit remarqué dans le Cor. 16. de la Prop. 66. que s’il y avoit pluſieurs Lunes, le mouvement des nœuds de chacune de ces Lunes feroit comme leurs tems périodiques. Delà il conclut que le mouvement des nœuds. h DE LA PHILOSOPHIE NATURELLE, 71 d’une Lune qui feroit ſa révolution près la ſurface de la terre en 23¹ 56’, feroit à 20° 11′ 46″, qui eſt le mouvement des nœuds de notre Lune dans une année, comme 23 h 56ª, qui eſt la révolution diurne de la terre, à 27 jours 7¹ 43", qui eſt le tems périodique de la Lune, c’eſt-à-dire, comme 1436 à 39343 ; & ce feroient les mêmes proportions ſelon les Cor. de la Prop. 66. pour les nœuds d’un aſſemblage de Lunes qui entoureroit la terre, ſoit que ces Lunes ne fuffent pas contigues, ſoit qu’elles le devinſſent en ſuppoſant qu’elles ſe liquefiaffent, & qu’elles formaſſent un anneau continu & fluide, ſoit enfin que cet anneau ſe durcit & devint inflexible. M.Newton confidére la protubé. rance de la terre à l’équa eur 2 comme un anneau de Lunes Donc, en conſidérant l’élévation de la terre à l’équateur comme un anneau de Lunes adhérent à la terre, & révoluant avec elle, puiſque la révolution des nœuds d’un tel anneau eſt à celle des nœuds de la Lune, comme 1436 à 39343, ſelon le Cor. 16. de la adhérent au gloProp. 66. & que le mouvement de l’anneau eſt à la ſomme des mouvemens de l’anneau & du globe auquel il adhére, comme maniere 4590 à 489813, par la Prop. 39. du Liv. 3. le mouvement annuel Soleil ſur l’élé des points équinoctiaux d’un corps compoſé de l’anneau & du globe à l’équateur cauauquel il adhére, feroit au mouvement annuel des nœuds de la des équinoxes. Lune, c’eſt-à-dire, à 20° 11’46", en raiſon compoſée des deux raiſons ci-deſſus trouvées, c’eſt-à-dire, comme 100 à 292369. be de la terre. Il tire de cette ſuppoſition la dont i’attraction du vation de la terre ſe préceflion Mais M. Newton a trouvé dans le Lemme 2. du troiſiéme Liv. que nous venons de citer, que ſi la matiere de l’anneau ſuppoſé étoit répandue ſur toute la ſuperficie du globe pour produire vers l’équateur la même élévation que celle de l’équateur de la terre, la force de toutes les particules de cette matiere pour mouvoir la terre, feroit moindre que celle de l’anneau ſuppoſé à l’équateur dans la raiſon de 2 à 5 : il faut donc que la régreſſion annuelle des points équinoctiaux ne ſoit à celle des nœuds de la Lune, que comme 10 à 73092, & par conſéquent elle feroit de 9 « 5 » 50¹ dans une année ſidérale, ſans l’inclinaiſon de l’axe à l’écliptique, laquelle fait que ce mouvement doit encore être diminué en raiſon du coſinus de cette inclinaiſon (qui eſt 72

de 23º) au rayon. Ce mouvement ne doit donc être que de 9 « 7 » 20 iv, & cela en ne conſidérant que l’action du Soleil. I X. Quantité dont l’action du Soleil M. Newton donne ainſi la quantité moyenne du mouvement des contribue fui— points équinoctiaux. Mais ce n’eſt pas ſans examiner les différentes vant M. Newton, à la régreſſion des variétés de l’action du Soleil ſur la protubérance de la terre à l’équateur, toujours en employant la conſidération de cet anneau. points équinoc tiaux. Il fait voir dans les Cor. 18. 19. & 20. de la même Prop. 66. que par l’action du Soleil les nœuds d’un anneau qui feroit ſuppoſé entourer un globe comme la terre, feroient en repos dans lės fyfigies, qu’ils ſe mouvroient en antécédence dans les autres lieux, &z qu’ils iroient le plus vite dans les quadratures, que l’inclinaiſon de cet anneau varieroit, que ſon axe ofcilleroit pendant chaque révolution annuelle du globe, qu’au bout de chaque révolution il reviendroit à ſa premiere poſition, mais que ſes nœuds ne reviendroient pas au même lieu, & qu’ils iroient toujours en antécédence.. X. La plus grande inclinaiſon de l’anneau doit ſe trouver lorſque ſes nœuds font dans les fyfigies, enſuite dans le paſſage des nœuds aux quadratures cette inclinaiſon diminuera, & par l’effort que fait alors l’anneau pour changer ſon inclinaiſon, il imprime un mouvement au globe, & ce globe doit retenir ce mouvement juſqu’à ce que l’anneau ou la protubérance de l’équateur (car c’eſt la même choſe ſuivant M. Newton) par un effort contraire le lui ôte, & lui en imprime un nouveau dans le ſens oppoſé. Cette aftion du Soleil ſur la On voit par-là que l’axe de la terre doit changer ſa poſition protubérance à par rapport à l’écliptique, deux fois dans ſon cours annuel, & rel’équateur, doit cauſer la nuta— venir deux fois à la même poſition. tion annuelle de l’axe de la Terre. X I. A chaque révolution de la Lune autour de la terre, l’axe de la 73 re doit avoir auf la terre doit éprouver une pareille nutation, c’eſt-à-dire, qu’à L’axe de la ter chaque mois périodique de la Lune, l’axe de la terre doit éprouver ſi chaque mois les mêmes variations que dans ſon orbe annuel. une nutation par l’action de la Lune. XII. Si la terre étoit élevée vers les l’étre à l’équaéquinoctiaux alieu de rétrograM. Newton a fait voir dans le Cor. 21. de la Prop. 66. que l’exubérance de la matiere de la terre vers l’équateur faiſant rétrogra— pôles au lieu de der les nœeuds, plus cet excès de matiere vers l’équateur ſeroit teur, les points grand, plus cette régreſſion feroit grande, & qu’elle doit diminuer vanceroient au quand cette protubérance diminue ; ainſi s’il n’y avoit aucune élé— der. vation vers l’équateur, la régreſſion des nœuds n’auroit pas lieu, & les nœuds d’un globe, qui au lieu d’être élevé à l’équateur y ſeroit abaiſſé, & qui auroit par conſéquent ſa matiere protubérante vers les pôles, ſe mouvroient en conſéquence. XIII. Et dans le Cor. 22. de la même Prop. 66. il ajoute, que par la même raiſon que la forme du globe fait juger du mouvement des nœuds, auſſi on peut conclure du mouvement des nœuds la forme du globe ; & par conſéquent, ſi les nœuds vont en antécédence, le globe fera élevé vers l’équateur, & il y fera abaiſſé au contraire, s’ils vont en conſéquence, ce qui eſt encore une preuve de l’aplatif— des pôles de la fement de la terre vers les pôles. Ce qui prouve l’aplatiſſement terre, XIV. Que la Lu ne contribue au points équinociv On n’a conſidéré juſqu’à préſent que l’action du Soleil en expliquant la préceſſion des équinoxes, & on a vu que par cette ac— mouvement des tion les points équinoctiaux ne feroient que 9 « SG » S4³v en une tiaux. année. Mais la Lune agit ſur la terre par ſa gravité, & cette action eſt très-ſenſible dans le phénoméne que nous examinons ici. lévation de la terM. Newton trouve, par ſa théorie, que l’action de la Lune ſur les eſt plus puiſſante points équinoctiaux, eſt à celle du Soleil comme 4. 4815. à 1. envi— feil. Et en quelle ron ; & en ſuivant cette proportion, on trouve que la Lune fait proportion, Que l’action de la Lune ſur l’ére à l’équateur, que celle du So74

Quantité totale rétrograder les nœuds dans le tems d’une révolution dans le grand dont les actions du Soleil & de orbe de 40 « 52 » 54 iv & que par conſéquent la préceſſion an3 la Lune, font rétrograder, fe— nuelle des équinoxes, cauſée par les deux forces réunies de la Lune lon la théorie de M. Newton, les & du Soleil, eſt de so « o » 12 iv, ce qui eſt à peu près, comme points équinocriaux dans une on voit, la quantité dont les meilleurs obſervateurs l’ont déterannée. minée. X V. Cette quantité s’accorde avec Ainſi les points équinoctiaux après une révolution entiere de la celle qui a été dé— terre dans le grand orbe, au lieu de revenir au même point, s’en terminée par les obſervations. éloignent de 51" environ, & ils ne reviennent à ce même point qu’après avoir parcouru le cercle entier, ce qui compoſe leur révolution de 25920 années, comme on l’a dit ci-deſſus. X V I. Quelque AftroQuelques Aftronomes ont ſoupçonné qu’indépendament de la nomes ont ſoupçonné que l’an— nutation de l’axe de la terre dont j’ai parlé, & par laquelle ſon gle que de la terre fait avec inclinaiſon à l’écliptique change & ſe rétablit deux fois chaque l’écliptique diminuoit continuel— année, cet axe s’éloignoit continuellement de l’écliptique par un lement. mouvement imperceptible. Et l’on ne fçait pas ſi le mouvement des nœuds, celui des apſides, l’excentricité de la terre, celle de la Lune, Elémens qui les actions des autres planetes ſur la terre, tous élémens qui n’enentrer dans la cauſe de trent point dans la détermination des changemens qui arrivent dans cette diminution. la poſition de l’axe de la terre pour cauſer la préceſſion des équinoxes, ne pourroient apporter quelque changement dans l’angle l’axe de la terre fait avec l’écliptique. que XVII, Le Chevalier de Le Chevalier de Louville prétendoit que cet angle diminuoit Louville croyoir que cette dimi— d’une minute en cent ans, & l’opinion de cette diminution paroît nucion étoit d’une minute en cent ans, juſtifiée par les différences qui ſe trouvent entre les obſervations que d’habiles Aftronomes ont fait de cette obliquité. Mais on eſt bien loin de pouvoir prononcer en faveur de ce ſavant. Car fi cette diminution de l’angle que fait l’axe de la terre avec l’écliptique rien décider fur mouvement ſoupçonné dans 75 a lieu, on ſent, par la lenteur dont elle s’opére, qu’il faut un plus On ne pourra grand nombre d’obſervations que celui qu’on a juſqu’à préſent. Et ce dans les choſes qui dépendent de différences ſi fines, on ne peut l’axe de la terrien ſtatuer ſur les obſervations des Aftronomes qui ont précédé la en aura un trèsperfection qu’on a donné aux inftrumens aſtronomiques dans le d’obſervations dernier fiécle. re, que lorſqu’on grand nombre très-exactes.