Commentaires des Principes de Newton - Exposition abrégée, 5

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CHAPITRE V. Du flux & reflux de la mer. terre. I. On ſent aiſément quelle liaiſon doit avoir le flux & le reflux de la mer avec la préceſſion des équinoxes. M. Newton déduit ſon explication du flux & reflux des mêmes Cor. de la Prop. 66. d’où l’on a vû qu’il a tiré ſon explication de la préceſſion des équinoxes ; préceflion des éces deux phénoménes font, l’un & l’autre, une fuite néceſſaire des quinoxes de la attractions de la Lune & du Soleil ſur les parties qui compoſent la Principes & de me celle de la Prop. 66. du premier Livre des. ſes Corolaires. L’explication du flux & du reAux ſe tire comI I. Erreur de Ga lilée ſur les cauflux, Galilée penfoit que les phénoménes des marées pouvoient s’expliquer par le mouvement de rotation de la terre, & par ſon mou— ſes du flux & revement de tranſlation autour du Soleil. Mais ſi ce grand homme avoit fait plus d’attention aux circonſtances qui accompagnent le flux & le reflux, il auroit vû que par le mouvement diurne les eaux doivent à la vérité s’élever vers l’équateur, ce qui doit faire prendre à la terre la forme d’un ſphéroïde déprimé vers les pôles, mais que jamais ce mouvement rotatoire ne pourroit cauſer aux eaux de la mer aucun mouvement de réciprocation, ainſi que M. Newton l’a démontré Cor. 19. Prop. 66. M. Newton fait voir auſſi dans ce même Cor. en employant ce qu’il a démontré dans les 76

Cor. 5. & 6. des loix da mouvement, que la translation de la terre dans fbn grand orbe ne doit rien changer à tous les mouvemens qui s’exécutent à ſa fiirface, ôc que par conséquent le mouvement translatif de la terre autour du Soleil, ne peut caufèr le mouvement de flux & de reflux qu’ont les eaux de la mer. 11 I.

itjte s’appercevoir, en faifànt attention aux circonftandJsofdi &dik accompagnent le flux & le reflux, que ces phénomènes dekMr’*””* dépendent de la poGtion de la terre par rapport au Soleil se à la M. Riwua a Tétoit pas dc connoître la manière dont ces deux pw astres les produisent, se la quantité dont chacun y contribue. Oti & Kune^a^’cffcts dans lesquels ces aâions font tellement confcnt liir la mer. fondues, que sans les principes de Ni. Newton ou u’auroit pû parvenir à les démêler l’une dc l’autre, ni à aflîgner leur quantité. Il écoit réſervé à ce grand homme de trouver les véritables causes du flux se du reflux, fede soumettre ces causes au calcul. Voici le chemin qu’il a suivi pour y parvenir.

I V.

Chemin qu’il H commcncc par examiner dans la Prop. 56. les principaux vei*”^ afliffaer phéuoméues qui doivent réfiilter du mouvement de trois corps chë“m“dl qui s’attirent mutuellement en raison réciproque du quarré des astres contribue * , 1 t t

à ces Phénomé— diftanccs, Ics petits tournans autour du plus grand. Après avoir vû dans les 17 premiers Cor. de cette Prop. quels font, dans un tel systême, les dérangcmens que doit causer le plus grand corps dans le mouvement du plus petit qui tourne lui-même autour du troisième, & donné par ce moyen les fondemens de la théorie de la Lune, il considére dans le Cor. 18. plusieurs corps fluides qui tournent autour du troisième, se il fùppofe ensuite que CCS corps fluides deviennent contigus & forment un anneau qui tourne autour du corps qui lui fèrt de centre, & il fait voir que cct anneau doit ſubir dans son mouvement, par Taélion du plus 77 grand corps, les mêmes dérangemens que le corps unique dont il ſuppoſe que cet anneau a pris la place ; enfin Cor. 19. il ſuppoſe que. le corps autour duquel tourne cet anneau s’étende juſqu’à lui, que ce corps qui eſt ſolide contienne l’eau de cet anneau dans un canal creuſé autour de lui, & qu’il tourne autour de ſon axe d’un mouvement uniforme, & il fait voir qu’alors le mouvement de l’eau contenue dans ce canal, fera accéleré & retardé tour à tour par l’action du plus grand corps, & que ce mouvement fera plus prompt dans les fyfigies de cette eau, & plus lent dans ſes quadratures, & enfin que cette eau devra éprouver un flux & reflux comme notre mer. Dans la Prop. 24. du Liv. 3. M. Newton applique cette Prop. 66. & ſes Cor. aux phénoménes de la mer, & il y fait voir qu’ils ſont une fuite de l’attraction combinée du Soleil & de la Lune ſur les parties qui compoſent la terre. V. Il cherche enſuite à déterminer la quantité dont chacun de ces aſtres contribue à ces phénomènes. Comme cette quantité dépend de leurs diſtances à la terre, plus ils en font près, plus les marées doivent être grandes, toutes choſes égales quand leurs actions conſpirent : & ſuivant le Cor. 14. de la Prop. 66. ces effets Newton, pour doivent être en raiſon triplée des diamétres apparens de ces aſtres. quantité. Proportions trouvées par M. déterminer cette M. Newton démontre Prop. 25. Liv. 3. que la force qui porte la Lune vers le Soleil eſt à la force centripéte qui porte la Lune vers la terre, en raiſon doublée des tems périodiques de la terre autour du Soleil, & de la Lune autour de la terre, c’eſt-à-dire, comme r à 178 22. ſelon le Cor. 17. de la Prop. 66. d’où il conclut que la force centripéte des parties de la terre vers le Soleil qui eſt proportionnelle au rayon de la terre, eſt à la force centripéte de la Lune vers la terre, en raiſon directe du rayon de la terre au rayon de l’orbe de la Lune, & en raiſon inverſe doublée du tems périodique de la terre autour du Soleil, au tems périodique de la Lune autour 78

de la terre ; ainsi la forcc du Soleil pour troubler le mouvement des corps près de la surface de la terre est àla force avec laquelle il trouble les mouvemens de la Lune, comme le rayon de la terre est au rayon de Torbe de la Lune, c’est-à-dire, comme i à 60 i* mais par cette même Prop. 25. Liv. 3. la force du Soleil sur la Lune pour altérer ses mouvemens dans les quadratures, est à la gravité à la surface de la terre comme i à 538092, 5 ; d’où M. Newton tirC) Prop. 35. Liv. j. que puisque ces forces en deicendant à la surface de la terre diminuent dans la raison de 5o à i. la force du Soleil pour déprimer les eaux de la mer dans les quadratures » c’est-à-dire à 9°. fera à la force de la gravité à la fiirface de la terre, comme i à 38504500 ; mais cette force est double dans les fyfigies de ce qu’elle est dans les quadratures, ôc dc plus agit dans un sens opposé, c’est-à-dire, pour élever les eaux ; la Ibmme de ces deux forces du Soleil sur les eaux de la mer dans les quadratures & les fyfigies, lèra donc à la force de la gravité, comme 5 à 38604600, ou comme i à 1286200rcesdeux forces réunies coro posent la forcc totale du Soleil pour mouvoir les eaux de la mer, car on peut considérer leur effet comme ſi elles étoient toutes employées à élever les eaux.dans les fyfigies, ôc qu’elles n’euffcnt aucun effet dans les quadratures.

V L

Mais ce n’est là la force du Soleil sur les eaux de la mer, , qu’en fuppolànt le Soleil dans le zénith du lieu qu’on considére, & dans fa moyenne distance à la terre,

dv- quelconque le plus grand abailfement Sc h plus élévation de Teau causes par Taélion du Soleil, fout en raisoni de la mer, dans cjireétc du fiiius vcrfc du doublc de la hauteur du Soleil sur Th®-un heu quclconrifon,

ôc en raison triplée inverlè de la distance du Soleil à la terre. L’élévationfe la dépreflîon des eaux diminuent peu à peu à melure que le Soleil s’élève de Thorifon ou s’abaiſſe vers lui, ôc ellcss’opérent plus lentement quand le Soleil commence à abandonnes79 le point de ſa culmination & de l’horiſon ; mais quand il eſt vers le milieu de ces deux points extrêmes, alors le mouvement de l’eau eſt le plus vite. VII. On a vú ci-deſſus que par le calcul de M. Newton, la force du Soleil ſur les eaux de la mer eſt à la force de la gravité ici-bas, comme 1 à 12868200 ; & on a vû dans le Chapitre qui traite de la figure de la terre, que la force centrifuge acquiſe par la révolution de la terre ſur ſon axe étant à la gravité comme 1 à 289, cette force éleve l’équateur de 85472 pieds de Paris : donc puiſque la force du Soleil eſt à la force centrifuge fous l’équateur, comme théorie que le So289 à 12868200, ou comme 1 à 44527, cette force élévera l’eau la mer de deur aux régions fous le Soleil, & oppoſées au Soleil de deux pieds de M. Newton conclut de la leil éléve l’eau de pieds. Paris environ. VIII. Comment M. Newton eſt parl’action de la Lu rées. Quant à la force de la Lune pour élever l’eau de la mer, on ne peut la conclure que par les phénoménes qui accompagnent les venu à évaluer marées ; & M. Newton a employé pour la déterminer, la compa— ne dans les maraiſon des plus grandes & des moindres hauteurs des marées dans les fyfigies & dans les quadratures : car dans les fyſigies leur plus grande hauteur eſt l’effet de la ſomme des forces du Soleil & de la Lune, & dans les quadratures leur moindre hauteur eſt l’effet de la différence de ces forces. M. Newton ſe ſert pour cette détermination, des obſervations faites par Sturminus au-deſſous de Briſtol. Cet Auteur rapporte qu’au Printems & à l’Automne l’eau dans la conjonction & l’oppoſition du Soleil & de la Lune monte environ à 45 pieds, & que dans les quadratures elle ne monte qu’à 25. Or, la premiere hauteur eſt produite par les forces réunies du Soleil & de la Lune, & la derniere par leur différence ; donc la ſomme des forces du Soleil & de la Lune ſur la mer, lorſque ces deux aſtres font dans l’équateur & dans leur moyenne diſtance So 25, à la terre, eſt à leur différence, comme 45 à 9 à ۲۰ tire Les diamètres de l’orbe dans lequel la Lune ſe mouveroit fans égard à ſon excentricité, ont été trouvés Prop. 28. Liv. 3. par M. Newton dans la raiſon de 69 à 70 : donc la diſtance de la Lune à la terre dans les fyfigies eſt à ſa diſtance dans les quadratures, comme 69 à 70, toutes choſes d’ailleurs égales ; mais les forces de la Lune pour mouvoir la mer, font par le Cor. 14. de la Prop. 66. en raiſon triplée inverſe de ſes diſtances à la terre, d’où M. Newton que la hauteur de l’eau cauſée par la ſomme des forces du Soleil & de la Lune, étant à leur hauteur cauſée par la différence de ces forces, comme 9 à 5, la force du Soleil ſur les eaux de la mer eſt à celle de la Lune, comme 1 à 4 1 environ. Or on vient de voir que la force du Soleil ſur la mer eſt à la force de la gravité ici-bas, comme 1 à 12868200 : donc la force de la Lune fur la mer fera à la force de la gravité, comme 1 à 12871400 ; & puiſque la force du Soleil éléve l’eau à la hauteur de deux pieds environ, la Lune l’élévera à neuf pieds environ, (on prend les Les deux forces nombres ronds) & ces deux forces réunies la feront monter, ſelon réunies du Soleil & de la Lune M. Newton, environ à 10 p., ce qui même pourra aller à 12 pieds élevent l’eau à 10 P & demi, & lorſque la Lune fera dans ſon périgée. M. Newton ajoute, Prop. 37. Liv. 3. qu’une telle force ſuffit pour produire toutes les marées, & qu’elles y répondent aſſez exactement, ſurtout aux rivages qui font fort voiſins de la grande mer, & où elle peut s’élever & s’abbaif fer ſans qu’aucune cauſe externe altére ſes mouvemens. Cette ation eſt à celle du Soleil, comme 4 & demi à 1, même à 12 lorſque la Lune eſt dans ſon périgée, I X. ou comme M. Daniel Bernoulli dans la Differtation ſur les marées, qui a M. Bernoulli croît que ces forces font beaucoup remporté le prix de l’Académie de l’an 1738. penſe que les forces plus grandes, que abſolues du Soleil & de la Lune pour cauſer les marées, font beaune M. Newton, coup plus grandes que M. Newton ne les ſuppoſe ; & au lieu de regarder à ſon exemple la terre comme compoſée de parties homogénes, il s’imagine que la denſité des couches de la terre augmente augmente de la circonférence au centre, ce qui eſt très-probable par pluſieurs raiſons phyſiques, & il prétend que par cette ſuppoſition on peut augmenter les forces du Soleil & de la Lune ſur la mer autant que les phénoménes le requéreront. g1 X. Ce qui a dé terminé M. Bergner en cela du Newton. Ce qui a déterminé M. Bernoulli à s’éloigner en cela du ſentiment de M. Newton, c’eſt que par la théorie qu’il a donnée dans noulli à s’éloifa piéce de 1738. il trouve dans l’hypothéfe de l’homogénéïté des ſentiment de M. parties de la terre que le Soleil ne peut élever les eaux de plus de deux pieds, & la Lune de plus de cinq : or ces deux forces combinées enſemble ne compoferoient dans les quadratures qu’une force abſolue capable de faire varier les eaux en pleine mer d’une hauteur verticale de trois pieds pendant une marée, ce qui lui paroît infuffiſant pour expliquer tous les phénoménes des marées dans les quadratures. M. Bernoulli ajoute que les hauteurs des marées dans les ports où l’on fait les obſervations, dépendent de tant de circonſtances accidentelles, qu’elles ne peuvent être exactement proportionnelles aux hauteurs des marées dans la pleine mer ; c’eſt ce qui fait que l’on trouve le rapport moyen entre les plus grandes & les plus petites marées, très différens dans les différens ports. Il en rapporte pour exemple une obſervation qu’on lui envoya de S. Malo lorſqu’il compofoit ſa diſſertation ; la plus grande & la plus petite hauteur de l’eau étoient entr’elles par cette obſervation, comme 10 à 3, & par l’obſervation de Sturmius au-deſſous de Briſtol, elles n’étoient entr’elles que comme 9 à 5 ; cependant c’eſt ſur cette obſervation de Sturmius, que M. Newton a déterminé le rapport entre les forces du Soleil & de la Lune pour opérer les marées ; & M. Bernoulli prétend qu’outre ces différences qui ſe trouvent entre les obſervations des plus grandes & des moindres hauteurs des marées dans les différens ports, la méthode d’eſtimer les forces qui les cauſent par ces plus grandes & ces moindres hauteurs, eſt encore 82

très fautive en ce que les marées font des eſpèces d’oſcillations qui ſe reſſentent toujours des oſcillations précédentes, ce qui diminue M. Bernoulli les variations des marées ; d’où M. Bernoulli conclut qu’il feroit prétend qu’il feroit plus für d’é plus für d’évaluer les forces reſpectives du Soleil & de la Lune forces du Soleil & de la ſur les marées par leur durée & leurs intervales que par leurs hauLune par la durée & t’intervale teurs, & en ſe ſervant de cette méthode, il trouve que la force des marées, que par leurs hau— de la Lune eſt dans une moindre proportion à celle du Soleil que teurs. celle que M. New ton a trouvé. On doit d’abord être étonné que la force de l’attraction du Soleil fur la terre étant aſſez puiſſante pour la forcer à tourner autour de tandis que celle de la Lune cauſe dans ſon orbite des altérations à Comment il ſe peine ſenſibles, cependant la Lune ait beaucoup plus d’influence lui, peut faire que Fattraction de la que le Soleil ſur les mouvemens de la mer. Mais ſi l’on fait attention Lune ait tant d’influence ſur les que les mouvemens de la mer viennent de ce que ſes parties font & dérange ſi peu attirées différemment de celles du reſte du globe, parce que leur eaux de la mer, le mouvement de la Terre, fluidité fait qu’elles cédent beaucoup plus facilement aux cauſes qui agiſſent ſur elles, on verra que l’action du Soleil, qui eſt très forte fur la terre entiere, attire routes ſes parties preſque également à cauſe de ſa grande diſtance de la terre, au lieu que la Lune étant beaucoup plus près de la terre, doit agir plus inégalement ſur les différentes parties de notre globe, & que cette inégalité doit être beaucoup plus ſenſible. Après avoir fait voir que l’attraction combinée du Soleil & de la Lune ſur les eaux de la mer, eſt la cauſe des marées, & avoir déterminé la quantité dont chacun de ces deux aſtres y contribue, M. Newton entre dans l’explication des circonſtances qui accompagnent les phénoménes de la mer. On a reconnu de tout tems trois efpeces de mouvement dans la ſon mouvement journalier qui fait qu’elle s’éleve & s’abaiſſe deux fois par jour, les altérations réguliéres que reçoit ce mouvement chaque mois, & qui ſuivent les poſitions où ſe trouve la Lune par rapport à la terre, & enfin celles qui ont lieu chaque année, & qui font cauſées par la plus grande proximité où la terre eſt du Soleil dans de certains tems de l’année. On diſtingue trois fortes de variations dans le mer, mouvement de la mer, Les variations diurnes s’abaif deux fois par 83 La circonſtance la plus remarquable qui accompagne les marées, c’eſt que l’élévation & l’abaiſſement des eaux arrivent toujours ſent & s’élevent deux fois dans un jour lunaire, c’eſt-à-dire, dans l’intervale de jour. tems qui s’écoule entre le paſſage de la Lune au méridien, & ſon retour au même méridien ; car la plus grande force de cet aſtre fur la mer ayant lieu lorſqu’il culmine, & que ſon action eſt perpendiculaire, elle doit être égale deux fois dans 24¹ quand la Lune paſſe au méridien du lieu au-deſſus & au-deſſous de l’horiſon ; ainſi il doit y avoir à chaque révolution de la Lune autour de la terre deux flux diftans entr’eux, du même intervale de tems que la Lune employe à aller du méridien de deſſus l’horifon à celui de deſſous, & cet intervale eſt de 12 h 24’. h Cette élévation & cette dépreſſion des eaux deux fois en 24¹, fuit de ce que M. Newton a démontré Cor. 19. & 20. Prop. 66. car cette eau ſe trouve deux fois dans cet eſpace de tems dans ſes ſyfigies, & deux fois dans ſes quadratures ; ainſi ſon mouvement doit être deux fois accéléré, & deux fois retardé. XIII. de élévation de pas dans le mode la Lune parle La plus grande élévation de l’eau devroit être préciſément dans La plus granle mouvement du paſſage de la Lune au méridien, ſi les eaux étoient reau ne le fait fans inertie, & qu’elles n’éprouvaſſent aucun frottement du lit dans ment du paſſage lequel elles coulent ; mais ces deux raiſons font que cette hauteur Méridien, arrive ordinairement deux heures & demie ou trois heures après le paſſage de la Lune au méridien dans les ports de l’océan où la mer eſt libre : c’eſt que l’inertie de l’eau fait qu’elle ne reçoit pas tour d’un coup le mouvement, & qu’elle conferve pendant quelque tems le mouvement acquis, enforte que le mouvement de la mer eſt perpétuellement accéléré pendant les ſix heures qui précédent le paſſage de l’aſtre au méridien, par l’action de l’aſtre ſur les eaux qui augmente à meſure que l’aſtre s’éloigne de l’horifon, & par le mouvement diurne de la terre qui conſpire alors avec celui de Faftre : ce mouvement imprimé à l’eau conferve pendant quelque tems ſon accélération, enforte qu’elle s’éléve de plus en plus juſqu’à Quelle en eſt la raiſon. 84

ce que le mouvement diurne qui devient contraire après le paſſage de la Lune au méridien, ainſi que l’action de l’aſtre qui s’affoiblit ſucceſſivement, diminue peu à peu la viteſſe des eaux, & les force à s’abaiſſer. On ne s’apperçoit de cet abaiſſement qu’environ trois heures après la culmination de l’aſtre, par les mêmes raiſons qui font que leur élévation retarde ſur le paſſage de l’aſtre au méridien. On ſent aiſément que le frottement des eaux contre le fond de la mer doit auſſi contribuer à retarder ces effets. M. Culler, de la diſſertation duquel j’ai emprunté beaucoup de choſes dans ce Chapitre, dit, que ſi l’on ne confidéroit que le mouvement vertical de l’eau, ſa plus grande élévation devroit avoir lieu dans le moment même du paſſage de la Lune au méridien, & même quelquefois plutôt à cauſe de l’action du Soleil, & il attribue la plus grande partie du retardement de l’élévation de l’eau à ſon mouvement horiſontal par lequel elle frotte contre le lit dans lequel elle coule. Dans les régions où la mer ne communique pas avec l’océan, les marées retardent beaucoup davantage, enforte que ce retardement va quelquefois juſqu’à 12 heures, & on a coutume de dire dans ces lieux que la marée précéde le paſſage de la Lune au méridien : au Port du Havre, par exemple, où la marée retarde de neuf heures, on croit qu’elle précéde de trois heures le paſſage de la Lune au méridien ; mais la vérité eſt que cette maréę eſt l’effer de la précédente culmination. XIV. On vient de voir que l’effet de la Lune ſur les marées, eſt à celui du Soleil comme 4 à 1 environ. Or on n’a fait attention en déterminant le tems auquel arrivent les marées qu’à l’action de la Lune, ſi on ne faiſoit de même attention qu’à l’action du Soleil, les marées devroient ſuivre immédiatement le paſſage du Soleil au méridien, en faiſant abſtraction des cauſes externes qui les retardent ; mais la mer, en obéiſſant à ces deux aſtres ſelon la quantité 85 de leur action ſur elle, acquiert ſa plus grande hauteur par une force compoſée de ces deux forces, ainſi cette plus grande hauteur arrive dans un tems intermédiaire à celui dans lequel elle auroit lieu en conſidérant l’effet de chacune de ces forces ſéparément, & ce tems répond plus exactement au mouvement de la Lune qu’à celui du Soleil, parce que la force de la Lune ſur la mer eſt, comme on l’a vû précédemment, plus grande que celle du Soleil. Le plus grand abaiſſement des eaux doit arriver quand la Lune eſt dans l’horifon, puiſque c’eſt alors que ſon action ſur la mer eſt la plus oblique, c’eſt pourquoi il n’y a pas un eſpace égal entre deux élévations de l’eau, comme cela devroit arriver ; mais la plus grande élévation qui fuit eſt d’autant plus près de celle qui l’a précédée, que l’élévation du pôle du lieu qu’on confidére fera plus grande, & que : la Lune aura plus de déclinaiſon, c’eſt-à-dire, d’autant plus qu’il y aura plus d’intervale entre le lever & le coucher de la Lune, & le cercle horaire de ſix heures après ſa culmination. X V. Voila les principaux phénoménes qui accompagnent les marées ; & qui dépendent des poſitions des différentes parties de la terre par rapport au Soleil & à la Lune dans ſon cours journalier. Les variations qui ont lieu dans Il ſe trouve des différences tous les mois dans les marées qui dépendent des changemens de poſition de la Lune par rapport à la les mois. terre, car on ſçait que la Lune fait ſa révolution autour de la terre dans l’eſpace d’un mois, X V I. Les martes font plus grandes mois à la nouLes marées font plus grandes deux fois chaque mois lorſque la Lune eſt pleine & nouvelle, c’eſt-à-dire, dans la conjonction & deux fois chaque l’oppoſition, & cela parce qu’alors les actions du Soleil & de la velle & à la plciLune conſpirent à élever les eaux. Dans les quadratures, ces forces étant contraires l’une à l’autre, on a alors les plus petites marées. ne Lune. Et plus petites dans les quadratures. 86

XVII. Les plus grandes & les plus petites marées n’arrivent cependant Les plus grandes & les plus petites n’arrivent cependant pas pas préciſément dans les fyfigies & dans les quadratures, mais ce précisément dans font quelquefois les troifiémes ou quatriémes après, & la raiſon en Ercela à cauſe eſt dans la conſervation du mouvement par l’inertie ; ſi la mer étoit de l’inertie de l’eau, dans un parfait repos quand le Soleil & la Lune agiſſent ſur elle de concert dans les fyfigies pour élever les eaux, elle ne prendroit pas d’abord ſa plus grande viteſſe ni par conſéquent ſa plus grande hauteur, mais elle l’acquéreroit petit à petit : or comme les marées qui précédent les fyfigies ne font pas les plus grandes, elles augmentent petit à petit, & les eaux n’ont acquis leur plus grande hauteur que quelque tems après que la Lune a paſſé les fyfigies. Il en eſt de même des plus petites marées qui ſuivent les quadratures, car le mouvement ſe perd par dégré de même qu’il s’acquiert, & ce phenoméne a la même cauſe que le retardement des plus grandes marées diurnes ſur le moment de l’appulfe de l’aſtre au méridien. La plus grande élévation de l’eau arrive plutôt dans le paſſage des fyfigies aux quadratures après le paſſage de la Lune par le méridien, & plus tard dans le paſſage des quadratures aux fyfigies. On a déja dit que dans les fyſigies le flux devroit précéder le paſſage de la Lune au méridien, à cauſe que le Soleil eſt alors preſque dans l’horiſon ; mais comme l’inertie retarde le mouvement des eaux, le flux doit ſuivre plutôt le paſſage de la Lune au méridien après, que dans les fyfigies, & c’eſt ce que les obſervations confirment ; il arrive le contraire dans le paſſage des quadratures aux fyfigies, parce qu’alors le flux eſt perpétuellement retardé par le Soleil. XVIII Elles font plus Enfin, toutes choſes égales, les marées font toujours plus grandes grandes toutes choſes égales dans les mêmes aſpects du Soleil & de la Lune, & lorſqu’ils ont la dans le périgée de la Lune que même déclinaiſon, lorſque la Lune eſt dans ſon périgée, que lorſqu’elle eſt dans ſon apogée, & cela doit être ainſi par la théorie, dans l’apogée. DE LA PHILOSOPHIE NATURELLE, 87 puiſque les forces de la Lune ſur la mer décroiſſent en raiſon triplée de ſes diſtances à la terre. XIX. Les variations annuelles. Les différences annuelles des marées dépendent de la diſtance de la terre au Soleil, ainſi les marées font plus fortes, toutes choſes Les marées font égales, en hyver dans les fyfigies, & moindres dans les quadratures hiver qu’en été à qu’en été, parce qu’en hyver le Soleil eſt plus près de la terre. plus grandes en cauſe de la plus grande proximité du Soleil, X X. Les marées dé pendent encore du Soleil & de la Les effets de la Lune & du Soleil ſur les marées dépendent encore de la déclinaiſon de ces aſtres, car ſi l’aſtre étoit placé dans le de la déclinaiſon pôle, il attireroit d’une maniere conſtante chaque particule d’eau, Lune, & ſon action étant toujours égale, elle n’exciteroit dans cette eau aucun mouvement de réciprocation ; ainſi il n’y auroit ni flux ni reflux ; donc l’action du Soleil & de la Lune, pour exciter ce mouvement, deviennent plus foibles à meſure qu’ils s’éloignent de l’équateur ; & M. Newton, Prop. 37. Liv. 3. dit, que la force de l’aſtre fur la mer décroît à peu près en raiſon doublée du ſinus de complément de ſa déclinaiſon ; c’eſt-là la raiſon pour laquelle les marées font moindres dans les fyfigies folftitiales, que dans les équinoctiales : & elles doivent être plus grandes dans les quadratures folftitiales, que dans les équinoctiales ; parce que dans le premier cas la Lune fait un plus grand effet que le Soleil. Les plus grandes marées arrivent donc dans les fyfigies, & les plus petites dans les quadratures des deux aſtres vers l’équinoxe, & la plus grande marée dans les fyfigies eſt toujours accompagnée de la plus petite dans les quadratures, & le Soleil étant plus près de la terre en hyver qu’en été, fait que les plus grandes & les moindres marées précédent plus ſouvent l’équinoxe du printems, qu’elles ne la ſuivent, & ſuivent plus ſouvent celle d’automne, qu’elles ne la précédent. Les deux plus grandes marées n’arrivent pas dans deux fyfigies O

continues, parce que s’il arrive que la Lune dans l’une des fyfigies ſoit dans ſon périgée, elle fera la fyfigie ſuivante dans ſon apogée : or, dans le premier cas, ſon action étant la plus grande & conſpirant avec celle du Soleil, elle fera monter l’eau à ſa plus grande hauteur ; mais comme dans la fyfigie ſuivante, où elle eſt dans ſon apogée, ſon action eſt la moindre, alors la marée ne fera plus fi forte. 88 X X I. Le tems & la hauteur des maLe flux & le reflux dépendent encore de la latitude du lieu. Car rées dépendent en diſtinguant toute la mer en deux flots hémiſphériques, l’un bode la des licux, réal & l’autre auſtral, ces deux flots qui font oppoſés l’un à l’autre, arrivent tour à tour au méridien de chaque lieu à douze heures lunaires d’intervale ; mais comme les régions boréales participent plus du flux boréal, & les auſtrales du flux auſtral, les flux feront alternativement plus grands & plus petits dans chaque lieu hors de l’équateur ; le plus grand flux, quand la déclinaiſon de la Lune fera vers le lieu qu’on conſidére, arrivera environ trois heures après le paſſage de la Lune au méridien, & le flux, quand la Lune changera fa déclinaiſon, du plus grand deviendra le plus petit, & la plus grande différence de ces flux fera vers le tems des ſolſtices. Ainfi l’hyver le flux du matin doit être plus grand, & l’été ce doit être celui du ſoir ; & l’on apprend dans la Prop. 24. du Liv. 3. qu’à Plimouth, ſelon l’obſervation de Colopreffus, cette différence va à un pied, & à Briſtol, ſelon celle de Sturnius, à 15 pouces. M. Newton (dans le Livre De Mundi Syftemate, pag. 58.) dit, que la hauteur des marées diminue dans chaque licu, en raiſon doublée des Leur hauteur ſinus de complément de la latitude de ce lieu : or, on vient de voir diminue en raiſon des ſinus de complé— que dans l’équateur elles diminuent en raiſon doublée du ſinus de ment de la fati— complément de la déclinaiſon de l’aſtre ; donc hors de l’équateur la sude, moitié de la ſomme de la hauteur à laquelle montent les marées le matin & le ſoir, c’eſt-à-dire, l’aſcenſion moyenne diminue dans la même raiſon à peu près, ainſi on peut connoître par ce moyen la 89 la diminution des marées cauſée par la latitude des lieux & la déclinaiſon de l’aſtre. X XII. flux dépend de mers. La grandeur du flux & du reflux dépend auſſi de l’étendue des La grandeur du mers dans leſquelles ils arrivent, ſoit que les mers ſoient entiere— Pétendue des ment ſéparées de l’océan, ou qu’elles n’y communiquent que par un canal très-étroit ; car ſi les mers ont 90° en longitude, le flux & lc reflux doit être le même que s’il venoit de l’océan, parce que cet eſpace ſuffit pour que le Soleil & la Lune produiſent ſur les eaux de la mer leur plus grand & leur moindre effet ; mais ſi ces mers font ſi étroites, que chacune de leurs parties ſoient élevées & déprimées avec la même force, il ne pourroit y avoir d’effet ſenſible, car l’eau ne peut s’élever dans un lieu, qu’elle ne s’abaiſſe dans un autre ; c’eſt ce qui fait que dans la mer Baltique, la mer Noire, la mer Cafpienne, & dans d’autres mers ou lacs plus étroits encore, il n’y a ni flux ni reflux, XXIII. la Méditerranée fibles. pour La mer Méditerranée qui n’a que ſoixante dégrés en longitude, Les flux dans éprouve des flux à peine ſenſibles, & M. Euler a donné une mé— font à peine fenthode déterminer leur grandeur ; ces marées peu ſenſibles peavent encore être diminuées par les vents & par les courants qui font très conſidérables dans cette mer ; c’eſt ce qui fait que dans beaucoup de ſes ports il n’y a preſque pas de flux réglé. Il en faut excepter cependant la mer Adriatique qui a plus de profondeur, driatique où its ce qui rend ſon élévation beaucoup plus ſenſible ; c’eſt ce qui fait, dit M. Euler, que les Vénitiens font les premiers qui ayent fait des obſervations ſur le flux de la Méditerranée. Il n’y a que dans la mer Afoient ſenſibles, X XIV. Ainfi, outre les cauſes aſſignables par leſquelles on peut rendre 11 entre dans compte des phénoménes de la mer, il y en a encore pluſieurs qui du flux & dù reles phénoménes 90 ſes ne font pas aſſignables. Aux pluſieurs cau— cauſent des inégalités dans ſes mouvemens, qui ne font réductibles à aucune loi, parce qu’elles dépendent d’élémens qui changent à chaque lieu ; tels font les lits ſur leſquels paſſent les eaux, les détroits, les différentes profondeurs des mers, leur largeur, les embouchures des fleuves, les vents, &c, toutes cauſes qui peuvent altérer la quantité du mouvement de l’eau, & par conſéquent retarder le flux, l’augmenter, ou le diminuer, & qui ne peuvent être foumiſes au calcul ; c’eſt pourquoi il y a des lieux où le flux arrive trois heures après la culmination de l’aſtre, & d’autres où il n’arrive que douze heures après ; & en général, plus les marées font grandes, plus elles arrivent tard, & cela doit être ainſi, puiſque les cauſes qui les retardent agiſſent pendant un tems d’autant plus long, Si le flux étoit infiniment petit, il auroit lieu préciſément dans le moment même de la culmination, parce que les obſtacles qui le retardent agiroient infiniment peu ; c’eſt en partie pourquoi les plus grandes marées qui arrivent vers la nouvelle & la pleine Lune, ſuivent plus tard le paſſage de la Lune au méridien, que celles qui arrivent vers les quadratures ; car ces dernieres marées font les plus petites. X X V. M. Euler rapporte qu’à S. Malo, dans le tems des fyſigies, le flux arrive la ſixiéme heure après le paſſage de la Lune au méridien, & la retardation augmente de plus en plus, juſqu’à ce qu’enfin à Dunkerque & à Oftende il n’arrive qu’à minuit. On peut par cette Viteffe des eaux retardation connoître la viteſſe de l’eau, & M. Euler trouve par ces obſervations, & par d’autres encore, qu’elle fait huit milles environ en une heure ; mais on ſent que cette détermination ne peut être générale. de la mer, Ces marées font toujours plus grandes vers les câtes, & pour quoi, X X V I. Les marées font toujours plus grandes vers les côtes qu’en pleine mer, & pluſieurs raiſons y contribuent ; premierement, l’eau frappe contre les rivages, ce qui doit par la réaction augmenter la hauteur ; 91 ſecondement, elle y arrive avec la viteſſe qu’elle avoit dans l’océan où ſa profondeur eſt très grande, & elle arrive en grande quantité, ce qui fait que par la grande réſiſtance que lui oppoſent les rivages, elle s’éléve beaucoup davantage ; enfin quand elle paſſe par des détroits, ſa hauteur augmente beaucoup, parce qu’étant repouſſée par les rivages, elle vient avec la force qu’elle a acquis par l’effort qu’elle a fait pour les inonder, c’eſt pourquoi à Briſtol elle monte à une ſi grande hauteur vers les fyſigies ; car ſur cette côte le rivage eſt plein de ſinuoſités & de bancs de fable contre leſquels l’eau frappe avec une grande force, & deſquels elle ne peut s’échapper auſſitôt qu’elle feroit ſi le rivage étoit uni. XXVII. C’eſt par ces principes qu’on peut rendre raiſon des flux énormes qui ont lieu dans quelques ports, comme à Plimouth, au mont S. Michel, & à Avranches, où M. Newton affure (De Syftemate mundi) que l’eau monte juſqu’à 40 & ƒ0 pieds, & quelquefois plus. du reflux. II peut arriver que le flux vienne au même port par pluſieurs Explication de chemins, & qu’il paſſe par quelques-uns de ces chemins plus vite ménes du flux que par les autres, alors le flux paroîtra partagé en pluſieurs flux ſucceſſifs, qui auroient des mouvemens différens, & qui ne reffembleroient point aux flux ordinaires : ſuppoſons, par exemple, que de tels flux ſoient partagés en deux flux égaux, dont l’un précéde l’autre de ſix heures, & qu’il arrive trois heures ou vingt ſept heures après l’appulfe de la Lune au méridien, ſi la Lune étoit alors dans l’équateur, il y auroir à ſix heures d’intervale des flux égaux qui feroient détruits par des reflux de la même grandeur, & l’eau ftagneroit pendant vingt-quatre heures ce jour là. Si la Lune déclinoit, ces flux feroient dans l’océan alternativement plus grands & plus petits, ainſi dans ce port il y auroit alternativement deux plus grands & deux plus petits flux ; les deux plus grands feroient acquérir à l’eau une plus grande hauteur qui ſe trouveroit dans le milieu de ces deux flux, & par les deux plus petits, elle acquéreroit ſa moindre hauteur au milieu de ces deux 92

plus petits flux, & l’eau acquéreroit dans le milieu de ſa plus grande & de ſa moindre hauteur une hauteur moyenne ; ainſi dans l’eſpace de vingt quatre heures, l’eau, dans ce port, ne s’éleveroit pas deux fois, comme elle fait ordinairement, mais elle n’acquéreroit qu’une fois ſa plus grande, & une fois ſa plus petite hauteur. Si la Lune décline vers le pôle élevé ſur l’horifon, ſa plus grande hauteur ſera la 3ª, la 6º, ou la 9ª heure après l’appulfe de la Lune au méridien ; & ſi la Lune décline vers l’autre pôle, le flux ſe changera en reflux. X X VIII, Tout cela a lieu à Batsham, dans le royaume de Tunquin, à 200 Explication des circonstances qui accompagnent le 5o de latitude boréale, il n’y a ni flux ni reflux le jour qui fuit le à Royaume de Tunquin. Batsham, dans le paſſage de la Lune par l’équateur ; enſuite quand elle décline vers le nord, le flux & le reflux recommencent & n’arrivent pas deux fois par jour, comme dans les autres ports, mais une fois ſeulement. L’eau arrive de l’océan dans ce port de deux côtés, l’un par la mer de la Chine par un chemin plus droit & plus court entre l’ifle de Leuconie & le rivage de Kanton, & l’autre de la mer des Indes entre la Cochinchine & l’ifle de Borneo, par un chemin plus long & plus tortueux. Or, l’eau arrive plutôt par le chemin le plus court, ainſi elle arrive de la mer de la Chine en ſix heures, & de celle des Indes en 12. donc l’eau arrivant la 3° & la 9ª heure après l’appulfe de la Lune au méridien, il en réſulte les phénomènes dont je viens de parler. e XXIX. Aux embouchures des fleuves, le flux & le reflux font encore Aux embouchures des fleuves différens, car le courant du fleuve qui entre dans la mer réſiſte au longtems que le mouvement du flux de la mer, & aide ſon mouvement de reflux, Aus, & pourquoi, le reflux dure plus & cette cauſe doit par conſéquent faire durer le reflux plus longtems le flux, & c’eſt auſſi ce qui arrive ; car Sturnius rapporte que qu’au-deſſus de Briſtol, à l’embouchure du fleuve de l’Oundale, le flux dure cinq heures & le reflux ſept ; c’eſt pourquoi encore, toutes choſes égales d’ailleurs, les plus grands flux arrivent plus tard aux embouchures des fleuves qu’ailleurs, 93 X X X, Sous les pôles il n’y a ni flux ni mais feulement dent de la révoautour la tec On a dit ci-deſſus que le flux & le reflux dépendoient de la déclinaiſon de l’aſtre & de la latitude du lieu, ainſi fous les pôles il ne doit y avoir ni flux ni reflux diurne, car la Lune étant à la même reflux diurne élévation ſur l’horifon pendant 24 heures, elle ne paſſe point au ceux qui dépenméridien du lieu, & par conſéquent elle ne peut y élever les eaux ; lution de la Lune mais dans ces régions, la mer a le flux & reflux qui dépendent de re. la révolution de la Lune autour de la terre chaque mois, ainſi la plus petite marée y arrive quand la Lune eſt dans l’équateur, parce qu’alors elle eſt toujours dans l’horiſon pour les pôles ; enſuite le flux & le reflux commence peu à peu à meſure que la Lune décline vers le nord ou vers le midi, & quand ſa déclinaiſon eſt la plus grande, elle n’éléve l’eau que de 10 pouces au pôle vers lequel elle décline, & comme cette élévation ſe fait par un mouvement très lent, la force d’inertie l’augmente très peu, ainſi il eſt à peine ſenſible, XXXI Mais il n’y & que fous les péles aucun flux diur ne, car dans la Zone glaciale, il comune dans les autres Ce n’eſt que fous le pôle que l’eau n’éprouve aucun mouvement diurne ; mais dans la zône glaciale, il y a un flux chaque jour au où il ne ſe fait lieu des deux qui ont lieu chaque jour dans la zône torride, & dans nos zônes tempérées ; & il eſt aiſé de faire voir que ce paſſage de yen a un. Fourdeux flux à un ne ſe fait pas ſubitement, mais qu’il s’opére par dé— qasdeuren z gré comme tous les effets de la nature. Car on doit ſe ſouvenir climats & qu’on a dit ci-deſſus que les deux flux diurnes de nos zônes tempérées ne ſont pas égaux : or, dans ce cas, il eſt certain que les plus petits flux feront plus voiſins l’un de l’autre, lorſque les deux flux ſucceſſifs feront inégaux, non-feulement quant à la hauteur des eaux, mais auſſi quant au tems de leur durée ; or, plus le licu eſt éloigné de l’équateur, plus il y a d’inégalité entre deux flux ſucceſſifs, tant pour leur grandeur que pour le tems pendant lequel ils durent, car le plus grand flux doit durer plus longtems que le plus petit, & cependant tous deux ceſſent en 12 heures 24’à peu près, Donc dans les régions où la Lune paſſe dans cet intervale au méridien de deſſus & au méridien de deſſous, le plus petit flux doit diſe 94

paroître entierement, & il ne doit reſter que le plus grand flux qui remplira ſeul l’intervale de 12 heures 24’; d’où il eſt clair que la Lune déclinant, l’inégalité des deux flux ſucceſſifs doit devenir plus grande à meſure qu’on approche des pôles, & enfin s’évanouir entierement fous les pôles, & alors les deux flux n’en feront plus qu’un. X X XII. Pourquoi le Soleil & la Lune Les forces du Soleil & de la Lune, telles qu’on a vú que. M. Newfaifant des effets ton les a déterminées, fuffiſent pour cauſer les marées, mais elles fi ſenſibles ſur les 9 ils ne ne peuvent produire d’autre effet ſenſible ſur la terre. Car la force tre effet ſenſible du Soleil pour élever la mer étant à la gravité ici-bas comme i à marées font point d’auFçi bas ? 12868200, & la ſomme des plus grandes forces réunies, que le Soleil & la Lune exercent ſur la mer, étant à cette même gravité comme 2032890 à 1, on voit que ces forces réunies ne pourroient pas déranger les pendules de leur ſituation verticale d’un angle égal à la dixiéme partie d’une ſeconde, & ne changeroient pas la longueur du pendule à ſecondes de de ligne ; elles ne produiroient pas un effet plus ſenſible ſur le barométre, ni n’auroient enfin aucun effet ſenſible ici-bas. XXXIII. Conjectures fur le flux & reflux Les effets de la Lune ſur notre mer, doivent nous faire juger que des mers de Ju-fi Jupiter a des mers, ſes ſatellites dans leurs conjonctions & dans piter & de ſes Satellites. leurs oppoſitions doivent y exciter de grands mouvemens, ſuppoſé que ces ſatellites ne ſoient pas beaucoup plus petits que notre Lune. Car le diamétre de Jupiter a une beaucoup plus grande raiſon à la diſtance du ſatellite qui eſt le plus loin de lui, que celle du diamétre de la terre à la diſtance de la Lune à la terre, & on a vú que l’action de la Lune ſur la mer dépend de cette proportion. Peut-être les changemens qu’on remarque dans les taches de Jupiter viennent-elles en partie des mouvemens que ſes ſatellites excitent dans les eaux de cette planete, & ſi on obfervoit que ces changemens euſſent avec les aſpects de ces ſatellites l’analogie qui fuit de cette théorie, on auroit une preuve que c’en eſt la véritable caule.