Confessions d’un ex-libre-penseur/Conclusion

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Letouzey et Ané (p. 405-406).

CONCLUSION




Un homme a été assez malheureux pour blasphémer, pendant une longue suite d’années, la religion sainte que Dieu est venu lui-même apporter aux hommes. Ce même Dieu, par un miracle de sa grâce, le touche en un moment ; Dieu éclaire son esprit et parle à son cœur ; le voile tombe, et, devenu chrétien, et chrétien pénitent, il reconnaît que sa vie a été une suite des égarements les plus honteux et les plus coupables, même devant les hommes. Il lève les yeux au ciel, et compare un si long endurcissement à la bonté du Dieu qui l’en a retiré, et qui lui promet encore grâce, si sa conversion est sincère et durable. Ce contraste effraie sa raison : il ne peut comprendre comment il est possible qu’il obtienne un pardon dont il sent qu’il est indigne. En songeant à la justice de Dieu, il est prêt à douter de sa miséricorde ; mais l’Évangile lui répond par la voix d’un de ses apôtres : « Dieu a tant aimé les hommes, qu’il leur a envoyé son Fils et l’a livré à la mort pour eux. » C’est alors que le pécheur pénitent comprend cet ineffable mystère : sa raison orgueilleuse et aveugle l’avait rejeté ; son amour contrit et humilié le sent profondément. Il croit parce qu’il aime ; il croit parce qu’il est reconnaissant ; il croit parce qu’il voit toute la bonté du Créateur, proportionnée aux misères de la créature. Ô mon Dieu ! tous vos mystères sont des mystères d’amour, et c’est pour cela qu’ils sont divins. L’homme n’inventerait pas ainsi ; cela est trop au-dessus de lui : un Dieu seul a pu nous le dire, parce qu’un Dieu seul a pu le faire. Si l’homme refuse de croire, c’est qu’il est ingrat ; et il est ingrat, parce qu’il est aveugle. Ô Dieu ! qui avez tant aimé les hommes, donnez la lumière aux aveugles, et touchez les ingrats…

Ô mon Dieu ! je sais bien que ces vérités que j’écris sont la condamnation de ma vie entière. C’est vous qui me les avez apprises, et je les avais oubliées si longtemps, et je me croyais éclairé ! Tel est donc l’aveuglement des passions, que je ne comprenais même pas ce qui me paraît aujourd’hui si simple et si clair. Vous avez daigné m’ouvrir les yeux en un moment. Achevez, ô mon Dieu ! après m’avoir fait connaître mes fautes, apprenez-moi à les réparer autant qu’il est en moi : donnez-m’en le temps et les moyens, si tel est l’ordre de vos miséricordes, et que l’aveu que je fais ici puisse être utile à mes frères, dont aucun n’a été un aussi grand pécheur que moi. Et qu’ils disent avec moi : « Cognovi, Domine, quia æquitas judicia tua ; mon Dieu, j’ai reconnu que vos jugements sont l’équité même. »

(La Harpe.)