Confitou/Chapitre XXX

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XXX


Quant à lui, il n’avait plus le droit de se tuer depuis que Confitou lui avait enlevé l’arme des mains. Et puis, s’il avait perdu une femme, il avait trouvé un fils. Et ce n’est pas tous les jours que les cœurs trahis reçoivent sur leurs blessures un baume aussi enchanté ! Par quel miracle cet enfant, qui aurait pu être foncièrement Allemand, s’épanouissait-il en une fleur de France aussi éclatante ? Cela, il fallait le demander au grand mystère de la Création qui a fait naître du même père et de la même mère, Caïn et Abel.

Dehors, il entendit la voix de l’enfant qui disait :

— Tu comprends, Gustave ! je savais qu’il avait un secret pour tuer les Français, c’est ce que j’ai dit à papa… alors, je l’ai tué ! Depuis que je savais ce secret-là, je ne pensais qu’à le tuer ! Aussitôt que j’ai pu lui chiper son revolver, ça n’a pas été long, tu as vu !…

— Et tu t’es sauvé sans lâcher le revolver dit Gustave ! Tu es vraiment épatant !…

— Heureusement, continuait Confitou… Heureusement que je l’avais gardé, le revolver !… Il m’a servi… Au coin de la rue de la Mairie, il y a un grand escogriffe de hussard de la mort qui veut m’arrêter !… Pan ! je lui ai fait passer le goût du pain !…

— Ah ! bien !… faisait Gustave… Ah ! bien !

— Et ce n’est pas tout… au coin de la rue des Hallettes, un uhlan, tu entends, un uhlan se jette dans mes jambes !… Pan ! n’en parlons plus !…

Dans son immense désespoir, Raucoux-Desmares ne put s’empêcher de sourire.

Confitou exagérait, mais ce n’était pas Gustave qui eût trouvé quelque chose à y redire. Gustave était trop fier d’avoir assisté à un pareil événement pour en diminuer l’importance.

Quinze jours plus tard, si l’on avait écouté Gustave, c’était Confitou qui avait gagné la bataille de la Marne…