Constitution marocaine de 2011/Titre VII : Du pouvoir judiciaire

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Commission consultative de révision de la Constitution
(p. 19-21).

TITRE VII

DU POUVOIR JUDICIAIRE

De l'indépendance de la justice

Article 107

Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Le Roi est le garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Article 108

Les magistrats du siège sont inamovibles.

Article 109

Est proscrite toute intervention dans les affaires soumises à la justice. Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d'injonction ou instruction, ni être soumis à une quelconque pression. Chaque fois qu'il estime que son indépendance est menacée, le juge doit en saisir le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Tout manquement de la part du juge à ses devoirs d'indépendance et d'impartialité, constitue une faute professionnelle grave, sans préjudice des conséquences judiciaires éventuelles.

La loi sanctionne toute personne qui tente d'influencer le juge de manière illicite.

Article 110

Les magistrats du siège ne sont astreints qu'à la seule application du droit. Les décisions de justice sont rendues sur le seul fondement de l'application impartiale de la loi.

Les magistrats du parquet sont tenus à l'application du droit et doivent se conformer aux instructions écrites émanant de l'autorité hiérarchique.

Article 111

Les magistrats jouissent de la liberté d'expression, en compatibilité avec leur devoir de réserve et l'éthique judiciaire.

Ils peuvent appartenir à des associations ou créer des associations professionnelles, dans le respect des devoirs d'impartialité et d'indépendance et dans les conditions prévues par la loi.

Ils ne peuvent adhérer à des partis politiques ou à des organisations syndicales.

Article 112

Le statut des magistrats est fixé par une loi organique.


Du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire

Article 113

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire veille à l'application des garanties accordées aux magistrats, notamment quant à leur indépendance, leur nomination, leur avancement, leur mise à la retraite et leur discipline. A son initiative, il élabore des rapports sur l'état de la justice et du système judiciaire, et présente des recommandations appropriées en la matière.

A la demande du Roi, du Gouvernement ou du Parlement, le Conseil émet des avis circonstanciés sur toute question se rapportant à la justice, sous réserve du principe de la séparation des pouvoirs.

Article 114

Les décisions individuelles du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir devant la plus haute juridiction administrative du Royaume.

Article 115

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire est présidé par le Roi. Il se compose :

— du Premier-président de la Cour de Cassation en qualité de Président-délégué ;

— du Procureur général du Roi près la Cour de Cassation ;

— du Président de la Première Chambre de la Cour de Cassation ;

— de 4 représentants élus, parmi eux, par les magistrats des cours d'appel ;

— de 6 représentants élus, parmi eux, par les magistrats des juridictions du premier degré, une représentation des femmes magistrats doit être assurée, parmi les dix membres élus, dans la proportion de leur présence dans le corps de la magistrature ;

— du Médiateur ;

— du Président du Conseil national des droits de l'Homme ;

— de 5 personnalités nommées par le Roi, reconnues pour leur compétence, leur impartialité et leur probité, ainsi que pour leur apport distingué en faveur de l'indépendance de la justice et de la primauté du droit, dont un membre est proposé par le Secrétaire général du Conseil Supérieur des Oulémas.

Article 116

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire tient au moins deux sessions par an. Il dispose de l'autonomie administrative et financière.

En matière disciplinaire, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire est assisté par des magistrats inspecteurs expérimentés.

L'élection, l'organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, ainsi que les critères relatifs à la gestion de la carrière des magistrats et les règles de la procédure disciplinaire sont fixés par une loi organique.

Dans les affaires concernant les magistrats du parquet, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire prend en considération les rapports d'évaluation établis par l'autorité hiérarchique dont ils relèvent.


Des droits des justiciables, des règles de fonctionnement de la justice

Article 117

Le juge est en charge de la protection des droits et libertés et de la sécurité judiciaire des personnes et des groupes, ainsi que de l'application de la loi.

Article 118

L'accès à la justice est garanti à toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts protégés par la loi. Tout acte juridique, de nature règlementaire ou individuelle, pris en matière administrative, peut faire l'objet de recours devant la juridiction administrative compétente.

Article 119

Tout prévenu ou accusé est présumé innocent jusqu'à sa condamnation par décision de justice ayant acquis la force de la chose jugée.

Article 120

Toute personne a droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable. Les droits de la défense sont garantis devant toutes les juridictions.

Article 121

Dans les cas où la loi le prévoit, la justice est gratuite pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour ester en justice.

Article 122

Les dommages causés par une erreur judiciaire ouvrent droit à une réparation à la charge de l'État.

Article 123

Les audiences sont publiques sauf lorsque la loi en dispose autrement.

Article 124

Les jugements sont rendus et exécutés au nom du Roi et en vertu de la loi.

Article 125

Tout jugement est motivé et prononcé en audience publique dans les conditions prévues par la loi.

Article 126

Les jugements définitifs s'imposent à tous.

Les autorités publiques doivent apporter l'assistance nécessaire lorsque celle-ci est requise pendant le procès. Elles sont également tenues de prêter leur assistance à l'exécution des jugements.

Article 127

Les juridictions ordinaires ou spécialisées sont créées par la loi.

Il ne peut être créé de juridiction d'exception.

Article 128

La police judiciaire agit sous l'autorité du ministère public et des juges d'instruction pour tout ce qui concerne les enquêtes et les investigations nécessaires à la recherche des infractions, à l'arrestation des délinquants et à l'établissement de la vérité.