Construction des formules pour le changement des variables indépendantes, dans les fonctions de deux variables

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Solution du problème de la page 160 de ce volume.
Par M. Gergonne.
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Énoncé. Déterminer ce qu’il faut substituer à la place des cinq coefficiens différentiels partiels

dans une fonction ou une équation qui les renferme, lorsqu’on passe de l’hypothèse où est fonction de et à celle où sont toutes trois fonctions de deux nouvelles variables indépendantes et  ?

Solution. Les formules demandées sont plus compliquées que difficiles à construire, et c’est sans doute pour cette raison qu’aucun géomètre ne s’est occupé de leur recherche. Néanmoins, comme ces formules peuvent être utiles dans plusieurs rencontres, je vais suppléer, à leur égard, à l’espèce d’omission que présentent les traités de calcul différentiel.

Par l’intermédiaire de et la variable subordonnée pouvant tout aussi bien être considérée comme fonction de et que comme fonction de et on doit avoir à la fois

 ;

et par conséquent,

 ;

mais, parce que et sont, l’un et l’autre, des fonctions de et on doit avoir aussi
 ;

substituant donc dans l’équation précédente, elle deviendra

.

La différentielle complète de cette équation, par rapport à et sera

or, à cause de l’indépendance des différentielles , les équations et se partagent dans les cinq suivantes :

,
,
[1].

Si, dans ces équations, on considère comme inconnues, on tirera d’abord des deux premières

 ;

posant alors, pour abréger,

auquel cas les valeurs de et deviennent

on tirera des trois dernières équations

Telles sont les formules demandées.

Quoique le procédé que nous venons d’employer, pour parvenir au but, ne laisse rien à désirer du côté de la brièveté, on pourrait lui reprocher d’être basé sur la considération des quantités infiniment petites  ; mais on peut le présenter sous une forme analogue à celle que l’illustre auteur de la Théorie des fonctions analitiques[2] a indiquée pour le changement de la variable indépendante, dans les fonctions d’une seule variable ; ne reposant alors que sur la série de Tailor, il pourra être traduit dans toutes les notations. Voici ce qu’il faut faire pour cela.

Concevons qu’on fasse subir à et des accroissemens arbitraires et indépendans, respectivement désignés par et on pourra, par la série de Tailor, développer les valeurs correspondantes de et et en posant, pour abréger,

ces valeurs seront

comme fonction de et deviendra donc

mais comme, par l’intermédiaire de et la variable subordonnée est aussi fonction de et on peut dire également qu’elle deviendra

on doit donc avoir

mettant, dans cette dernière équation, pour et leurs valeurs, et ordonnant l’équation résultante par rapport aux puissances et produits de puissances des accroissemens et tous les termes de cette équation, en vertu de l’indépendance de ces accroissemens, devront séparément se détruire ; et, en exprimant qu’ils se détruisent en effet, on obtiendra une suite indéfinie d’équations, dont les cinq premières seront les mêmes que celles que nous avons obtenues ci-dessus, et donneront conséquemment les mêmes valeurs pour

Voici encore, pour parvenir au même but, une autre méthode qui, je crois, n’a été indiquée nulle part, et qui, sans être aussi laborieuse que la précédente, a, comme elle, l’avantage de ne dépendre aucunement de la considération des infiniment petits ; elle s’applique d’ailleurs, avec une extrême facilité, au changement de la variable indépendante, dans les fonctions d’une seule variable.

Soit l’équation dans laquelle est supposée une fonction quelconque de  ; si l’on cherche ses dérivées successives, en considérant comme une fonction de et celles du premier ordre seront

si, au contraire, dans la même équation on considère comme fonctions de deux nouvelles variables et ses deux dérivées du premier ordre seront

si maintenant, entre les quatre équations , on élimine deux quelconques des trois fonctions la troisième disparaîtra d’elle-même ; on obtiendra donc ainsi deux équations ne renfermant plus que combinés avec et , et qui donneront, pour ces deux coefficiens différentiels, les valeurs que nous leur avons déjà assignées.

Soit maintenant formé les équations du second ordre, sous l’un et sous l’autre point de vue. En considérant d’abord comme fonction de et , les équations et donneront

considérant ensuite comme fonctions de et on déduira des équations et

Alors, si entre les dix équations

, on élimine et et en outre cinq des neuf fonctions

les quatre autres disparaîtront d’elles-mêmes, et les valeurs de tirées des trois équations finales seront les mêmes que ci-dessus.

Le cas le plus simple que puisse présenter le problème général que nous venons de résoudre, est celui où l’on veut passer de l’hypothèse où est fonction de et à celle où, par exemple, est fonction de et  ; on peut poser alors

d’où

par suite de quoi les valeurs générales de deviennent

  1. Ces équations, en y changeant x et y en u et v, et vice versa, rentrent dans celles qu’a données M. Lacroix, pour une transformation analogue à celle-ci ; mais qui en diffère en ce que, dans la sienne, ce sont u et v qui sont considérés comme des fonctions de et tandis qu’ici, au contraire, ce sont ces dernières variables que nous considérons comme des fonctions des premières. (Voyez le Traité de calcul différentiel et de calcul intégral ; tome II, pages 565 et 566.)
  2. Voyez cet ouvrage, n.o 200.