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Contes coréens/Les Orphelins

La bibliothèque libre.
Traduction par Serge Persky.
Contes coréensLibrairie Delagrave (p. 106-110).

LES ORPHELINS


Un certain Tian-Oughi se maria et sa femme lui donna deux jumeaux : un garçon et une fille.

La mère mourut et Tian épousa une autre femme. Elle se montra marâtre pour les deux petits, et quand elle eut elle-même des enfants, elle forma le projet de chasser les orphelins.

Elle dit à son mari :

« Si tu ne consens pas à me débarrasser de ces enfants, je ne reste pas un jour de plus dans ta maison. »

Alors le père consentit à chasser les enfants de sa première femme.

Par une nuit noire, les deux malheureux quittèrent la maison ; se tenant par la main, ils marchèrent jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à une pauvre chaumière, au cœur de la forêt.

Deux femmes, l’une vieille, l’autre jeune vivaient dans cette masure.

« Qui êtes-vous ? » demandèrent-elles aux enfants.

Par une nuit noire, les deux orphelins quittèrent la maison.

Ils racontèrent leur histoire et la vieille leur donna à chacun une poire. Lorsqu’ils l’eurent mangée, les femmes leur remirent trois lanternes et dirent :

« Allez droit devant vous ; vous trouverez une cabane sur votre chemin. On vous en refusera l’entrée, mais vous donnerez une lanterne. Puis, vous verrez un pont transparent qu’on ne vous laissera pas traverser, alors vous donnerez la deuxième lanterne. Enfin, quand vous arriverez à un palais vieux comme le monde, vous donnerez la troisième lanterne. »

Tout arriva comme elles l’avaient annoncé. On refusa aux enfants l’entrée de la cabane, mais ils donnèrent une lanterne et on leur ouvrit. Il faisait sombre à l’intérieur et pendant neuf jours, ils suivirent un corridor obscur. Enfin, ils revinrent au jour et aperçurent un jardin et des fleurs tels qu’ils n’en avaient encore jamais vus.

Ils arrivent à un pont transparent suspendu au-dessus d’une rivière dont l’eau avait une couleur plus douce que celle du ciel.

Ils donnèrent la deuxième lanterne et purent traverser le pont.

Alors ils se trouvèrent en face d’un palais vieux comme le monde et ils donnèrent leur troisième lanterne, afin qu’on les laissât entrer. Dans la première pièce, ils virent une femme qu’on partageait en deux avec une scie. Cette femme était leur belle-mère. Dans la deuxième pièce, on faisait cuire un homme dans un chaudron ; c’était un assassin. Dans la troisième pièce, on rôtissait un misérable sur un bûcher et on l’arrosait avec des verres d’eau-de-vie brûlante. C’était un homme qui ne s’était jamais occupé du tombeau de ses ancêtres. Dans la quatrième, on coupait les lèvres à une méchante femme.

Et les enfants traversèrent un grand nombre de salles. Dans l’une d’elles un homme mangeait des hors-d’œuvre et de bonnes choses : c’était un juste.

Dans la pièce suivante, qui était vaste et claire, ils virent une femme au visage beau et souriant. C’était leur mère.

Et Okonchanté, Dieu du Ciel lui-même vint à eux.

« Voici votre grand-père, dit la mère aux deux enfants.

— Oui, répondit Okonchanté, en les caressant, je suis votre aïeul, votre mère est ma fille. C’est moi qui vous ai envoyé les poires et les trois lanternes, grâce auxquelles vous êtes parvenus au ciel, près de moi. Vous ne retournerez plus sur la terre, dorénavant vous vivrez toujours auprès de votre mère et vous jouerez dans ce jardin. »

Il ouvrit une porte et les enfants aperçurent un jardin comme il n’y en a point ici-bas.

Et ils oublièrent bientôt la terre.