Contes des landes et des grèves/L’homme et la couleuvre

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Contes des landes et des grèvesHyacinthe Caillière Editeur (p. 180-182).

XVII

L’HOMME ET LA COULEUVRE


Il était une fois une vieille fée de Crokélien qui avait pris à son service un vieillard de la Ville-Doualan.

Un jour qu’il était à garder les bestiaux de sa maîtresse, il vit une couleuvre morte, suspendue à une branche de chêne. Le soir, il en parla à sa maîtresse, qui lui dit d’aller la lui chercher.

La fée la mit à bouillir, et, quand elle fut cuite, elle en coupa un petit morceau qu’elle mangea, et elle mit le reste sur son lit. Tous les matins, en se levant, elle en coupait un petit morceau et le mangeait.

— Ma foi, dit le domestique, puisque ma maîtresse mange de cette couleuvre, et qu’elle ne meurt pas, il faut que j’en goûte aussi moi.

Un matin que la fée n’était pas à la maison, il mangea un peu de la couleuvre, et alla garder ses bestiaux comme d’habitude. Mais il fut bien surpris de comprendre ce que les oiseaux disaient. Il y en avait un qui était perché sur un chêne, et qui disait aux autres :

— Ce vieillard n’est pas dégourdi, de garder tous les jours les bestiaux de la fée qui est si riche. Si j’étais à sa place, j’irais à son trésor qui est placé au-dessous de sa grotte, je prendrais une bonne charge d’écus, et la vieille ne s’en apercevrait pas.

Le vieillard voulut alors prendre de l’argent dans le trésor de la vieille Margot ; mais, comme il allait entrer dans sa grotte, elle se présenta devant lui et lui dit :

— N’as-tu pas mangé de la couleuvre ?

— Oui, répondit-il, j’en ai goûté un petit morceau.

— Dis-moi ce que tu as entendu en gardant tes bestiaux ?

— Quand je suis allé à la pâture, j’ai entendu les oiseaux qui se parlaient entre eux, et je comprenais leur langage.

À ce moment, la vieille fée lui souffla dans la bouche, et depuis il ne comprit plus le langage des oiseaux.


(Conté en 1885, par Jean-Marie Hervé, du Gouray, âgé de 20 ans.)