Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 19

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Ernest Leroux (p. 147-150).

L’ARBRE CREUX


Dans un village appelé Godo, vivait avec toute sa famille un Foutanké appelé Kalidou. Il va demeurer dans le Fouta, devient très malheureux, et déclare qu’il veut partir pour Saint-Louis. Un traitant appelé Niondé le prend comme travailleur, le met dans le chemin de fer avec d’autres travailleurs qui le prennent pour chef et l’envoie à Guedgi : le wagon se brise et tous tombent à l’eau. Kalidou se sauve à la nage et atteint un grand arbre creux, dont le haut était percé. Il y entre et tombe au fond. Il y trouve beaucoup d’hommes qui d’abord se sauvent puis reviennent. Quand il leur parle, ils répondent, mais ils ne se comprennent pas. Les hommes apportent un coran et un papier : ils écrivent en arabe pour lui demander comment il s’appelle et d’où il vient. Il écrit : « Je viens de Godo, je suis fatigué et malheureux, je cherche du travail », et il raconte son histoire. Les hommes lisent le papier et écrivent : « Tu veux retourner chez toi ? ». « Oui », dit-il. Ils lui donnent quelque chose pour manger, et lui disent de remonter par le trou où il était descendu. « Quand tu seras sorti du trou, tu attendras qu’un grand oiseau vienne s’y percher : tu te tiendras à ses plumes et il t’emportera ». Il le fait et l’oiseau l’emmène vers le nord. Cet oiseau (en peul liouré) prenait tous les jours un chameau dans le nord et venait le manger sur l’arbre creux du fleuve. Au moment où il prenait un chameau, Kalidou lâche les plumes et saute à terre : le berger le saisit et il lui raconte son histoire. Le berger lui dit : « Repose-toi ici et attends qu’il passe une caravane, qui t’emmènera dans ton pays ». Le berger le nourrit et un jour lui montre la route de son pays. Il part seul : les Maures le font prisonnier et lui attachent une corde au cou : il se sauve la nuit et arrive au fleuve sans pouvoir traverser. Il se met à l’eau, un caïman l’attrape et le fait entrer dans son trou sans le tuer. Un autre caïman vient pour le tuer, mais le premier s’y oppose et l’empêche d’entrer dans le trou. Kalidou creuse la terre avec ses mains pour sortir. Le lendemain, un berger vient abreuver son troupeau : une vache met le pied à l’endroit où Kalidou a creusé et y fait un trou.

Kalidou sort par là. Il arrive dans un village et demande comment il s’appelle : on lui dit : Fôri. Puis les gens lui montrent le chemin et il arrive dans son village de Fouta où il écrit tout ce qui lui est arrivé. Il va à Saint-Louis et raconte tout à Niondé, car il est le seul des travailleurs qui se soit sauvé lors de l’accident. Niondé réunit tous ses amis pour entendre le récit. L’absence de Kalidou avait duré quatre ans : Niondé lui paye tout à raison de trente francs par mois.