Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 20

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Ernest Leroux (p. 151-158).

HISTOIRE DE SAMBA GUÉLADJIÉ[1]


Gueladjiegui était un roi du Fouta Toro, et des Denianké qui y demeurent. Il a fait campagne dans le Ouolof, dans le Sine, le Gabo : il faisait des prisonniers et prenait des bestiaux, qu’il distribuait aux guerriers. Quand il est mort, son fils Samba Gueladjié, lui a succédé, étant tout jeune encore. Il n’avait peur de rien. La femme d’un Djinn lui a donné un gri-gri : il l’a rencontré dans la brousse près d’un marigot et lui demandé de lui faire un gri-gri par charité. Elle a pris un fil blanc et lui a dit de le mettre dans sa bouche. Il l’avale et le fil sort de lui en traînant par terre. La femme du djinn le ramasse et lui dit « As-tu vu cela ? » « Oui », dit Samba. Une seconde fois il avale le fil qui ne ressort pas. Elle lui dit : « Samba ! il ne faut avoir peur de rien ». Samba prend son fusil et tire sur la femme du djinn qui lui dit : « Comment ? je te donne un gri-gri, et tu me tires un coup de fusil ? » « Il ne fallait pas me donner un gri-gri, dit-il, maintenant je n’ai peur de rien ». Il rentre à son village et trouve un campement de Maures : il dit au chef : « Montre-moi ton fusil » : le chef le lui donne et Samba le tue d’un coup de feu. Tous les Maures vont dire à son oncle qu’il a assassiné un Maure, leur chef. L’oncle le frappe avec une corde. Il attend dix jours puis s’en va en guerre et laisse Samba à la maison en lui disant : « Je te défends devenir avec moi ». Il tombe sur le Ouolof, mais il est battu. Quand il rentre dans le village, Samba monte à cheval avec son griot, Sévimalal Laya, et un tisserand, Hamasigna. Il va dans le pays où son oncle a échoué : il appelle les chefs des Ouolofs et leur dit : « Amenez-moi ici toutes les vaches du pays. Vous avez vaincu mon oncle parce que je n’étais pas là : « mais personne ne peut frapper mon oncle »[2]. « Oui, j’ai vaincu ton oncle », dit le Chef. Samba prend son fusil et le tue. Tous les Ouolofs se rassemblent et l’attaquent, Samba répond à coups de fusil, ses deux compagnons dansent. Il tue beaucoup d’ennemis, les autres se sauvent et il prend beaucoup de vaches.

Malgré sa victoire l’oncle ne veut pas voir Samba.

Samba Gueladjiegui se dispute avec son oncle et va demander au roi du Macina de lui donner des troupes pour le battre.

Il avait une jument appelée Oumoulatoma. Il part dans le Sahel. Arrivé dans un village dont le chef s’appelle Kombi Kombi, qui lui donne deux bœufs pour cadeau, mais lui n’en veut pas disant que c’est trop peu, Kombi ne veut pas lui en donner plus Samba lui tire un coup de fusil. Il ramasse tous les bœufs et les vaches et part avec.

Il va dans un autre pays et vend tout ce bétail pour de l’or. Il y avait sept villages dont le chef était Founébé Lalia : son pays était plus fort que tous les autres. Samba tombe sur lui, le tue et prend tout le bétail. Il arrive dans un village dont le chef s’appelait Elleri, et lui demande des troupes. Elleri lui dit : « Il faut me faire deux choses d’abord tuer un caïman appelé Niébardé Dallol[3] qui dort dans ce marigot, qui empêche de prendre l’eau et qui mange un homme tous les ans ». Samba le tue, et le village peut aller chercher de l’eau tant qu’il veut. Samba réclame des soldats à Elleri qui dit : « Il faut aller au village du chef Birama Gourouri et le vaincre, sans cela je ne peux te donner mes guerriers. »

Samba y va, tue Birama, pille le village et vient demander à Elleri des soldats. Elleri dit : « Je vais t’en donner ». Un homme vient dire : « Cet homme est plus fort que tous les chefs : si tu lui donnes des guerriers, il ne te les rendra pas. Comment se fait-il que dans son pays il ne soit pas le plus fort ? ». Mais Elleri dit : « Comme il a fait tout ce que je lui ai prescrit, je vais lui donner des troupes ». Il lui donne des soldats avec lesquels Samba vient jusque dans son pays. Il se bat avec ses parents, et les fait prisonniers, avec seulement la moitié de ses troupes. Il va habiter Diéol dans le Fouta et beaucoup de gens viennent habiter avec lui : ses parents viennent un à un lui demander pardon et demeurer avec lui. Il fait de nombreuses campagnes et devient un grand roi.

Tous les ans Samba faisait une expédition contre ses parents. Hamaniandou, un Koliadjio a rassemblé des guerriers et attaqué Samba. Un de ses amis Gorrel Birri, qui était très brave, accompagnait Hamaniandou : Birama Hamatchiangourou, Fouibo Tako, Lamini Olé, étaient chefs sous ses ordres : Maoudé Gali était avec Samba ainsi que Sévi, son griot, et Siré Djiagui. Les deux troupes se rencontrent. Hamaniandou vient tout seul et tire un coup de fusil sur Samba ; il le touche, mais la balle n’entre pas. Avec son sabre il essaye de le percer mais la pointe n’entre pas : il lui tire ensuite un coup de pistolet, mais la balle n’entre pas. Avec son sabre il essaye de le percer mais la pointe n’entre pas : ni un coup de couteau. Samba le regarde sans rien dire, en fumant sa pipe. Hamaniandou alors se croise les bras et dit : « Samba, mon travail est fini : c’est à ton tour ». Samba lui dit : « Eh bien ! je vais commencer, prépare-toi ». Il lui tire un coup de fusil : la balle n’entre pas : il tire sur le cheval, qui tombe. Hamaniandou retourne auprès des siens. Birama Hamatchiangourou vient aussi trouver Samba sur son cheval. Samba lui tire deux coups de fusil sans succès. Il tire sur le cheval et il tombe. Birama s’en va.

Lamini Olé le remplace : Samba tire deux coups de fusil sur lui : les balles n’entrent pas : le troisième coup il lui tue son cheval, il s’en va. Fouibo Tako le remplace. La même chose arrive. Il s’en va. Hamaniandou se sauve avec ses amis, et ses hommes sont faits prisonniers. Pendant toute cette action Sévi, le griot, dansait. Il disait : « Si Samba monte à cheval, le soleil ne se lève pas » (ce qui veut dire que son armée est si nombreuse que la poussière qu’elle fait cache le soleil). Samba part un jour avec Sévi et sa jument vierge Oumoulatoma ; ils prennent un village, Nanabadiol, dans le Sahel. Il a vaincu Founébé Lalia. Nul ne peut vaincre Samba ! »

Samba rentre dans son village. Un noble peulh, Ardo Ouali, attaque Samba avec ses soldats : il est tué et ses hommes sont faits prisonniers.

Samba part dans un autre pays : le chef du pays lui tire un coup de fusil : la balle n’entre pas, mais Samba vomit du sang. Il aurait fallu pour le guérir du Gossibigué[4]. Mais un de ses hommes dit à Samba que c’est Ouada, c’est-à-dire tabou pour lui. Un autre lui dit : « Il faut boire du gossibigué, sans quoi le sang entrera dans ton ventre. » Alors Samba boit et il meurt aussitôt.



  1. Voir Lanrezac, Légendes soudanaises, qui l’appelle Gueladji, et en raconte des anecdotes assez différentes.
  2. Je ne permets à personne de frapper mon oncle.
  3. Niabardo dans Lanrezac.
  4. Mélange de mil et de graines de coton pilées, que l’on mange avec de l’eau.