Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 2

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Ernest Leroux (p. 37-46).


SUITE À LA LÉGENDE DE SOUNDIATA[1].


Soundiata est un descendant de Bilali Bou Hamama Keïta qui vint de la Mecque et de Missira (el Misr)[2] : Diankouma Doga fils de Bilali eut pour fils ainé Latalakalabi qui eut pour fils aîné Toumbila Oulidjou qui eut pour fils Mansa Kourou, qui eut Mansa Kanda, qui eut Koukoumara qui eut

Dougoutamara qui eut Batan Makhan Bougari, qui eut Kourkani, qui eut Kémoro Niamara, qui eut Koto Simbou, qui a épousé Sougoulong Kanté, qui a eu pour fils Mandi Makhar Soundiata.

Celui-ci a gouverné le pays de Manding : il était infirme, ne pouvait se lever. Il envoie un homme à Sousou Simangourou pour lui dire de lui fabriquer une canne en fer aussi grosse que quarante barres de fer. Simangourou lui fait un bâton avec cent cinquante tiges de fer. Quand Soundiata s’appuie dessus, le fer se plie. Il le renvoie au forgeron pour qu’il fasse un autre bâton, lequel se plie de même. Encore une fois il fait faire un bâton avec deux mille cinq cents tiges, et il peut se lever. Sa mère dit : « C’est un beau jour, Dieu nous a fait du bien aujourd’hui ». Soundiata se lève et va cueillir de l’écorce de baobab pour une autre femme de son père.

Un nommé Mansa Dankorotouma, son frère, est parti pour Méma acheter un taureau blanc et revient pour le donner à neuf sorcières (Niaga) au village Lengué Kotofouga.

La chefesse des sorcières était Dosama Dosa, ensuite venaient Soumousou Niarhalemba, puis Diguiné Ba, puis Soumousou Kandiaba, puis Soumousou Mbadiaba, puis Dougoudiaro Koumerhoto, puis Dialimoussoundi Toumhoumania, puis Bassira Kéni, puis Soumoussou Sountounkou, puis Silarhama Da, puis Dankountolo. Elles ont tué le taureau blanc.

La mère de Mandi Makhan Soundiata lui dit : « Va dans la brousse et fais le chasseur ». Il y va et tue douze buffles (sigui), les donne aux neuf sorcières et leur demande de la chair du taureau : les sorcières refusent en lui disant : « C’est ton frère qui nous l’a donné. Donc tu n’en auras pas ». Soundiata répond : « Le taureau est gras, mais moins que douze buffles ». Il leur donne à chacune un buffle, et en disant : « Remettez-lui son nio[3] et refaites le vivre » (le taureau). Elles lui rendent l’âme, et rattachent les morceaux qu’elles avaient coupé. Alors vient Dosama Dosa avec des bracelets au bras, qui brandit ce bras vers le nord, l’est et l’ouest puis frappe le taureau qui se lève.

Soundiata dit : « Ma mère a un fils puissant » : Et sa mère chante


Sama, Sama, mousso memina sama
Ika barka oulou
Safounata oulou
Kaba oulou menka safounakounta
Ouoté kori koulou tala[4].


(il vaut mieux gagner un seul fort garçon que beaucoup de mauvais : Aujourd’hui c’est un beau jour : il y a des femmes qui gagnent des fils sales : moi j’ai gagné un fils propre comme l’or).

Mansa Dankorotouma retourne à Méma, emportant trois cents gros d’or, et les donne à Farimbougari Tounkara. Soundiata se lève va à Méma avec son arc et ses flèches et se rend chez Sira Tounkara, sœur de Farimbougari qui lui dit : « Quel est ton diamou ? » (nom de famille). Il répond « Keïta ». Le chasseur de Sira lui dit : « Tiens bien ton arc et tes flèches, ou Farimbougari te tuera ». Soundiata entre dans le village avec son arc et ses flèches. Farimbougari lui dit de lancer une flèche dans l’arbre. Il répond : « Je ne veux pas faire de mal dans le pays ». Il ajoute : « Si je fais du mauvais travail dans le pays pour de l’argent, je ne reviendrai pas avec mon âme, dans mon village de Lenguékotofouga ».

Soundiata : « Donne-moi une armée et je ferai la guerre pour toi ». Farimbougari : « Je n’ai pas d’armée à te donner ; depuis que tu es dans le pays avec ta mère, Sousou Simangourou a tué Latalakalabi et Mansa Dankorotouma ».

Soundiata vient avec une armée, se bat avec Simangourou : il a avec lui Sibingananfara Kamara, Tafaradjondingkia, le premier des Dobo, Sangaran Madiba Kanoté, Soro Siramaramba Koïta, Sounfara Moussa, Moussa Moumenina, et son père, Daouda le Diawara, et son fils Koria Mamoudou, père de Damanghilé, père de Silan Kona, père de Farim Silamarha, père de Mokoti ; Kouroupé Makhan Aouali, Télé Kamara, Kama Mamadou, Alioro Moussa Djigui, Nounou Soma, le grand père des Koulibaly, Djouali Filiké Mansa, Diolofo Mansa.

Soundiata se bat contre les villages de Taoubara, Missiriba, Tabou, Kounkagna, Balia, Kankinianfora, Kouroukambia, Darhadiala. Il a envoyé le chef de ses captifs trouver dans le Fouta, Doumba Dioubé pour acheter des chevaux ; il achète trois cents chevaux et les ramène : Diolofo Mansa les prend et lui dit : « Ton maître est un Malinké, et doit marcher à pied, pas à cheval. » Balafasigui Konté le répète à Soundiata et lui dit que beaucoup de ses parents ont été retenus par Diolofo Mansa.

Soundiata fait colonne contre celui-ci, et le met en fuite en lui tuant tous ses hommes : les gens de Tabou viennent le trouver, et ceux de Cibi viennent à Dahadiala. Il s’empare des captifs de Simangourou et devient roi.

Sangaran Madiba Konté a pris son arc, pour se battre avec Simangourou, qui se sauve à Koulikoro : il tue tous les soldats de celui-ci et retourne dans le Manding. Soundiata lui donne une femme, Nahana Tiliba parce qu’il s’est bien battu. Sangaran avait avec lui son captif Vandiaran, Moussa Sissokho, Manding Makan Soundiata, sa sœur Tafesiga, et une femme de griot, Toumbou Mania[5].

Soundiata fait le chasseur : quand il tue un buffle, sa sœur Tafésiga prend le foie, le sang et les fait cuire. Il va à Méma et tue un buffle : il donne la chair aux gens de Méma.

Sa mère Sougouloung Kanté vient à Méma et lui dit : « Allons-nous en dans le Manding ». Soundiata refuse, parce qu’il veut faire campagne contre Méma et Tabou. Alors sa mère se couche et meurt.

Farimbougari Tounkara a dit : « Soundiata, tu dois acheter la terre pour enterrer ta mère, cent gros d’or, cent gros d’argent, cent kola ». Soundiata sort l’or et l’argent. Kémoro Koubélo dit à Farim : « On doit bien préparer la terre pour la tombe de la

mère de Soundiata ». On enterre Soungouloung Kanté.

Soudiata demanda une armée aux gens de Méma, qui refusent. Il va à Tabou et trouve les forgerons qui travaillent le fer. Il fait faire une bague d’argent, la met dans un canari plein de beurre, et le fait chauffer. Alors il prend son arc et dit à ceux de Tabou. « Si je trempe ma main dans ce beurre fondu, j’aurai la main brûlée, à moins que je n’aie pas eu peur depuis mon enfance ». Alors il trempe sa main et elle n’est pas brûlée.

Il met un morceau de fer sur l’arbre et Taboung Nana Farang Kamara prend l’arc ; le fils de Farimbougari, Kounoung Bouré prend l’arc, il met sa main dans le canari et prend la bague : il n’est pas brûlé.

Le grand père de Soundiata s’appelle Toubila Ouali, son fils aîné s’appelait Mama, qui eut Bilali Bou Hamama, qui eut Lâtali Kalabi Doromani, qui eut Tanésimbou, qui eut Kanioro Simbo, qui eut Kabala Simbo, qui eut Diankoumalo Koro Simbo, qui eut Simboumba Marento Niakounkili, qui eut Fataka Makan Kégné, qui eut Soundiata.

Le premier fils de Soundiata est Diouroudi, viennent ensuite Diourouninfi, Mamady, Bélébakou, Bataman Dembougari, Dialimansa Mamadou, Mansa Kourou, Faganda, Niamaga, Dinamakan, Torokou Kanda, Diangou Baraoulé, Tenembakou Makan, Nantaoulé, Sougoulongkori, Niagaléleï, Sérébori, Sérébandiougou, Mansa Karayala, Kinié Mansamakan, Finadougou Komagan, Tankon Bougari, Ouassa Bougari, Koali Mourou Djingouma, Araco Tamba, Sinémakan, Bakama Gaï, Sétigui Kassouma, Leï Komoussa Djigui, Nagou Mansa Kansiamagan, Mourama.

La première expédition de Soundiata fut contre le village de Koukou, la deuxième contre Niani, la troisième contre Aouroma, la quatrième contre Kankinian, la cinquième contre Kétoumania et la sixième contre les Sousou.

À Kankinian, il promit de ne plus faire de colonne.



    musulmane française. Comité de l’Afrique française, 1912, p. 168.

    G. Adam : Légendes historiques du pays de Nioro. Paris. Challamel, 1904, p. 39.

    M. Delafosse : Haut Sénégal Niger. Paris. E. Larose, 1912.

    Laurezac : Légendes soudanaises. Bull. Soc. Géogr. Commerc. Oct. 1907, p. 610.

    Elle m’a été dite à Nioro par un griot Kassonké assez réputé, Kandé Kanoté : les versions que j’en ai recueillies plus tard ne m’ont donné que des variantes insignifiantes que je n’ai pas cru utile de reproduire.

  1. Racontée à Nioru par Habibou Sissoko, griot Kassonke.
  2. L’Égypte.
  3. Son âme.
  4. Dialecte Kassonké.
  5. Simangourou est enterré à Koulikoro, à Niania Kourou. Actuellement, si quelqu’un dit près de sa tombe : « Simangourou a été un grand roi », il répond : « Oui, j’ai été un grand roi ». Aussi, on ne chante rien sur Soundiata à Koulikoro. Quand on passe en barque devant le rocher de Niania, il ne faut pas prononcer le nom de Keïta (famille à laquelle appartenait Soundiata), sinon la barque coule. Quand une femme stérile veut avoir des enfants, elle se rend sur le rocher, y sacrifie un mouton, ou bien promet que son enfant s’appellera Nianenkoro, si c’est un garçon, ou Nianamba, si c’est une fille. Alors elle devient féconde.