Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 39

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Ernest Leroux (p. 227-230).

L’ÉPREUVE[1]


Un mauvais homme raconte des mensonges : un brave homme fait du bien avant d’en parler.

Il vaut mieux être vivant et entendre dire partout que l’on est un méchant, que d’être mort et entendre dire qu’on est bon.

Il vaut mieux faire une bonne action que d’en parler.

Un roi s’appelait Diésimati Labrach, roi puissant, disant toujours la vérité : il avait un ami, un général, très brave et subtil, qui vint à mourir, laissant un fils. Le roi voulait qu’il remplaçât son père. Les sujets ne voulaient être commandés que par un homme d’une intelligence éprouvée. Le roi décida de faire l’épreuve en public promettant de lui donner la place de son père s’il la subissait avec succès.

Le roi buvait des sorbets avec ses amis et des chats au nombre de douze portaient chacun une lumière. Il appelle le fils du général devant tout le monde et lui demande : « Qu’est-ce qui vaut mieux, un métier que l’on choisit ou un métier qu’on vous impose ? » Le jeune homme répond : « C’est le métier qu’on choisit ». Le roi dit : « C’est faux : le métier qu’on t’a fait apprendre vaut mieux. Vois ces chats qui tiennent chacun une lumière : on leur a appris ce métier et ils le font bien ». « C’est vrai, dit le fils : mais laisse-moi voir si c’est le métier choisi ou le métier appris qui est le meilleur ». « Bien », dit le roi. Le garçon sort, va chercher quinze rats et les met dans un panier fermé avec un chiffon. Quand le roi va sortir il les apporte. Les chats tenaient les lumières : il lâche les rats.

Les chats jettent les lumières à terre et sautent sur les rats. On est dans l’obscurité. Les chats reviennent à leur place, mais les lumières étaient éteintes devant le roi. Le fils du général dit : « Mon père le roi, le métier des chats est d’attraper les rats, et ils ont laissé le métier que vous leur avez appris, sitôt qu’ils ont vu les rats ».

Tous les assistants admirèrent son esprit. Le roi dit : « Je vais lui demander quatre choses devant vous : s’il y répond bien, je lui donnerai la place de son père. » Il demande : « Qu’est-ce qui distingue les bons rois ? » Le fils répond : « Beaucoup de braves guerriers ». « Que faire pour avoir beaucoup de bons guerriers ? ». « Il faut avoir beaucoup de richesse ». « Et comment avoir beaucoup de richesse ? ». « En commandant beaucoup de pays ». « Comment avoir beaucoup de pays ? ». « En étant sérieux. »

Le roi dit : « Tout le monde a bien entendu ces réponses ? » « Oui », répond la foule. Alors il lui a donné la place de son père.



  1. Tiré de Horo Abou’l Kaïs.