Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 40

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Ernest Leroux (p. 231-232).

LE ROI ET LE FOU


Toutes les choses se perdent si elles sont en grande abondance. Seule la réflexion n’est jamais trop grande.

Si tu veux éprouver un homme, raconte un mensonge devant lui : s’il est intelligent, il te dira que c’est un mensonge : si c’est un imbécile, il t’approuvera par complaisance.

Un roi s’appelait Noumân, qui avait un fou chez lui. Le roi demande du vin : on l’apporte et il en boit un peu : il en donne un verre au fou. Le fou lui dit : « Je ne peux le boire : je vais te poser une question : si tu y réponds, je boirai, si non, non. » « Parle, » dis le roi. « Si tu bois du vin et que tu t’enivres, dit le fou, tu deviendras comme moi : si je m’enivre, comme quoi deviendrai-je ? ». « Quoi, dit le roi, quand je suis ivre, je te ressemble ? ». « Oui », dit le fou. « Eh bien ! maintenant je ne boirai plus. »

Le roi veut lui faire un présent, mais le fou lui dit : « Ce que tu me donneras, tu l’as pris à quelqu’un ; plutôt que de me le donner, rends-le lui ! ».

Le roi dit : « Combien y a-t-il de fous ? » Le premier fils du roi vient voir le fou, la femme et la fille viennent aussi le voir. Il dit : « Roi, je suis le premier fou : ton fils aîné le second, ta femme la troisième, ta fille la quatrième, et toi le cinquième. » Le roi dit : « Tu es vraiment fou ». Là dessus il part.

Le roi veut lui faire un présent et l’envoie chercher : « Je ne veux pas de son cadeau, dit le fou : Dieu pourvoiera à ma subsistance ».