Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 9

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Ernest Leroux (p. 111-114).


LA HYÈNE, L’HIPPOPOTAME ET L’ÉLÉPHANT[1]


La hyène va trouver l’éléphant et lui emprunte une vache : elle en emprunte une autre à l’hippopotame. Comme elle ne leur a jamais rien rendu ni à l’un ni à l’autre, ils lui réclament sans cesse leur vache, quand elle était dans la brousse ou qu’elle allait boire au fleuve. Un jour elle prend une grande corde et va trouver l’éléphant en lui disant : « Tiens bien le bout de cette corde, car à l’autre bout j’ai attaché une grosse vache. Quand je tirerai sur la corde, tu amèneras la vache à toi. Maintenant je ne te dois plus rien ». Elle fait saisir à l’hippopotame l’autre bout de la corde en lui tenant le même discours. Chacun tire de son côté la corde à lui pendant deux jours : tantôt c’est l’éléphant qui fait sortir l’hippopotame du fleuve, tantôt c’est l’hippopotame qui attire l’éléphant sur le bord de l’eau. Enfin, l’éléphant impatienté tire l’hippopotame de l’eau et ils se rencontrent, se demandent ce que cela signifie et s’expliquent la ruse de la hyène. L’éléphant dit : « Dès maintenant j’interdis à la hyène de venir dans la brousse : toi, empêche-là de venir boire au fleuve ». La hyène qui n’avait plus où demeurer trouve une biche morte dans la brousse et toute pourrie. Elle se glisse dans la peau et va pour boire. L’hippopotame ne la reconnait pas et lui dit : « Eh là, biche ! Qui t’a arrangé la peau de la sorte ?». « C’est la hyène : je lui avais prêté une vache : je l’ai réclamée et elle m’a donné cette maladie ». L’hippopotame dit : « Si tu rencontres la hyène, dis-lui que je la tiens quitte de sa dette ».

Elle monte dans la brousse et va trouver l’éléphant, qui lui demande pourquoi elle a une maladie de peau. Elle explique que c’est la hyène qui la lui a donnée parce qu’elle a réclamé une dette. L’éléphant lui dit : « Si tu rencontres la hyène, dis-lui que je lui remets sa dette et qu’elle pourra se promener tout à son aise dans la brousse ».

Au bout de deux jours, la hyène, qui a jeté sa peau de biche, va trouver l’éléphant qui lui dit : « Où donc étais-tu pendant ces deux jours ? ». La hyène : « J’ai été loin d’ici pour chercher une vache pour te rendre celle que je t’ai empruntée ». « Comment, dit l’éléphant : tu n’as donc pas rencontré une biche malade ? Je l’avais chargée de te dire que je te remets ta dette. »

La hyène va au fleuve trouver l’hippopotame. Même conversation qu’avec l’éléphant. La hyène va alors au village et se loge dans une maison. Les gens ne la connaissaient pas ; elle leur dit : « Je suis un toucouleur : voulez-vous me prendre pour berger ». Bien, disent les gens : tu prendras le troupeau, et avec le samedi tu le ramèneras ». On lui donne le bétail, et elle s’en va. « Vous m’avez dit de ramener le troupeau avec le samedi. J’ai ramené le samedi et c’est pourquoi je suis revenue ». « Va-t-en, disent les gens, nous ne pouvons garder un berger comme toi. Où est le samedi ? » La hyène va à la porte et dit : « Es-tu là, Samedi ? ». Et elle répond : « Oui ! » Alors les gens du village la renvoient.




  1. Cf. le conte du lièvre cultivateur, passim, et L’éléphant, l’hippopotame et le lièvre, in : Étude sur les Soninké ou Sarakolé, par F. Daniel : Anthropos : 1910, fasc. 1.