Contes du lit-clos/Le Vieux jaloux

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Contes du Lit-ClosGeorges Ondet, Éditeur (p. 213-214).
LE VIEUX JALOUX




Que te voilà bien attiffée,
Vieille coquette à cheveux blancs !
On dirait d’une belle Fée
Qui s’en va quérir des galants !

T’as mis ta jupe la plus belle
Et ton Justin le plus mignon,
Ta grande coiffe de dentelle
Qui, de loin, semble un papillon…

Ton cou, ton bras et ton oreille
Sont parés d’affiquets d’argent !…
Mais ton Vieux auprès de sa Vieille
Aura l’air d’un pauvre Saint-Jean !

Bah ! tant pis ! Donne-moi ma canne,
Prends par la main le petit-fieu :
Et partons visiter Sainte Anne
La Mère-Grand de l’Enfant-Dieu !

. . . . . . . . . . . .


— Las ! ne faudrait point de la sorte
Bonjourer tous les beaux passants ;
C’est que t’es encor bien accorte
Malgré tes soixante et deux ans !


Ne ris point : ne souris point même :
Si je suis jaloux c’est tant mieux !
On n’est jaloux que tant qu’on aime,
Et l’on peut aimer… quoique vieux !

Or, malgré l’âge, ton bonhomme
T’estime encor par-dessus tout :
Dam ! quoique ridée une pomme
N’en garde pas moins son bon goût !








(Musique de Théodore Botrel. — G. Ondet, éditeur.)