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Contes et fables/L’Habit neuf du tzar

La bibliothèque libre.
Traduction par Ely Halpérine-Kaminsky.
Contes et fablesLibrairie Plon (p. 41-44).


L’HABIT NEUF DU TZAR

CONTE


Un tzar aimait fort les habits somptueux et ne pensait qu’à se parer le mieux possible.

Un jour, deux tailleurs vinrent chez lui et lui dirent :

— Nous pouvons te faire un habit si beau que personne n’en a jamais possédé de pareil ; seulement, celui qui est sot ou qui n’est pas à la hauteur de ses fonctions ne peut pas distinguer notre habit. Celui qui est intelligent le verra parfaitement, tandis que celui qui est sot restera à côté sans le voir.

Le tzar se réjouit à cette proposition des tailleurs, et commanda l’habit.

On donna une pièce de drap aux tailleurs pour travailler, et on leur apporta du velours, de la soie, de l’or, enfin tout ce qu’il faut pour confectionner un habit.

Huit jours s’écoulèrent ; le tzar envoya son ministre s’informer si le nouvel habit était prêt.

Le ministre arriva et demanda l’habit aux tailleurs, qui lui répondirent qu’il était prêt, en lui désignant une place vide.

Le ministre, sachant que celui qui était sot et indigne de son emploi ne pouvait voir l’habit, feignit de le voir, et les complimenta.

Le tzar se fit apporter l’habit. On le lui apporta, et on lui désigna une place vide.

Le tzar feignit à son tour de voir le nouvel habit ; il ôta celui qu’il portait et ordonna qu’on le revêtit de ce riche habit.

Quand le tzar sortit pour se promener par la ville, tout le monde voyait que le souverain ne portait pas d’habit, mais chacun craignait de le dire, — sachant que les sots seuls n’avaient pas le don de voir le nouvel habit, — et chacun pensait que lui seul ne le voyait pas, mais que les autres plus heureux pouvaient le voir.

Ainsi se promenait le tzar, à travers la ville, et tous ses sujets admiraient son nouvel habit.

Tout à coup, un innocent aperçut le tzar et s’écria :

— Regardez ! Le tzar se promène, dans la ville, déshabillé !

Et le tzar sentit la honte le gagner, et tout le monde comprit qu’il n’avait réellement pas d’habit.