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Contes et légendes annamites/Légendes/018 Histoire de Dang van hoa

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XVIII

HISTOIRE DE DÀNG VAN HOA.



La montagne de Cao vong est haute et vaste, d’un côté elle touche aux pays des Barbares, de l’autre à la mer. Une route impériale la traverse au col de Déo ngang, où se trouve la limite des deux provinces de Hà tinh et de Quâng binh.

Au village de My hoa, situé près de ce col de Déo ngang, l’on voit un ancien retranchement couvert d’une épaisse végétation. Dans ce retranchement les gens du village entendaient chaque nuit, à leur grand étonnement, la voix d’un écolier qui répétait ses leçons.

La quinzième année du roi Tày son Quang trung, un certain Dang van Binh, dont la femme s’appelait Nguyén thi phu’oc vit en rêve un jeune garçon qui sortait de ce retranchement pour venir dans sa maison. Le jeune garçon leur dit ; « J’ai reconnu en vous des personnes vertueuses, c’est pourquoi je viens ici. Si vous voulez me louer, je resterai avec vous. » Binh lui dit : « Combien veux-tu rester d’années ? » Le jeune garçon répondit : « Vingt ans. » — « Tu es encore tout petit, répondit Binh, si tu ne restes que vingt ans et que tu partes, je n’aurai pas eu le temps de me servir de toi ; je veux que tu restes beaucoup plus longtemps. » — « Eh bien ! dit l’enfant, combien demandez-vous d’années ? Binh dit en riant : « Je veux cent ans ! » — « Oh ! dit l’autre, voilà une famille bien exigeante ! La vie d’un homme n’est que de cent ans, et vous voulez que je m’engage pour cent ans. Dans la montagne, dit un poète, vivent des arbres âgés de mille ans, mais parmi les hommes il ne s’en trouve pas un qui atteigne l’âge de cent ans. » — « Tu es bien habile, dit alors Binh. Soit ! fixe toi-même le temps. » L’enfant dit : « Je consens à rester avec vous soixante-douze ans. » Binh consentit à le prendre dans sa maison (nuôi). Là-dessus il s’éveilla et reconnut qu’il avait fait un rêve.

Binh et sa femme avaient à cette époque plus de cinquante ans ; cependant la femme devint enceinte, et, le terme venu, donna le jour à un garçon. L’accouchement eut lieu pendant la nuit ; toute la maison fut remplie d’une clarté rouge, ce que Binh considéra comme d’un excellent augure. Quand l’enfant atteignit l’âge de dix ans, sa figure ne ressemblait pas à une figure ordinaire. Il avait des yeux gros et ronds avec une petite prunelle, sur laquelle se voyait une tache d’or ; la face carrée, les épaules larges, le nez proéminent, les oreilles blanches. Il portait le nom de Dang van Hoa, qu’il avait reçu un mois après sa naissance.

C’était l’époque de la révolte des Tây son. La huitième année de Gia long Dang van hoa eut dix huit ans. Le gouverneur de la province entendit parler de lui comme d’un enfant prodige[1], et le fit venir pour l’examiner. Hoa répondit à merveille à toutes les questions sur les choses célestes et terrestres. Il fut alors envoyé à la capitale, où l’Empereur l’interrogea devant toute sa cour. Satisfait de ses réponses, il demanda à ses mandarins quel titre il devait lui décerner. Ils demandèrent qu’on le créât Hiêp biên dai hoc si khiêm quan khân thiêm giàm su vu[2].

Sous le règne de Minh mang, il fut élevé au rang de Van minh diên dqi hoc si. Minh mang, un jour, lui donna deux vers dont il devait faire de suite la contre-partie :

 
Les dents sont dures, la langue est molle ;
La chose à nature dure ne vaut pas la chose à nature molle.


Hoa répliqua :

 
Les sourcils viennent les premiers, la barbe vient la seconde ;
Le premier né ne devient pas aussi long que le dernier né.


L’Empereur le loua de son talent et le récompensa[3].

Depuis la naissance de Dang van hoa l’on avait cessé d’entendre le petit écolier réciter ses leçons dans le retranchement du village de My hoa.



  1. Thân dông. L’enfant prodige paraît être un phénomène fréquent chez les Annamites. Du moins est-il souvent question d’enfants d’une précocité merveilleuse dont les réponses transportent d’admiration le voisinage et qui finissent par être mandés devant l’Empereur.
  2. Ceci peut se traduire par : L’un des grands maîtres examinateurs et astronome impérial. Le sens du titre suivant est : Grand maître du palais de la lumière littéraire.
  3. Le mérite de cet impromptu consiste dans le strict parallélisme des deux distiques. J’ai essayé d’en conserver quelque chose dans la traduction, mais il n’y a plus aucune grâce.