Contes et légendes annamites/Légendes/025 Histoire de Nguyen trai
XXV
HISTOIRE DE NGUYEN TRAI.
Nguyén trai était le premier ancêtre du roi Gia long ; il était gardien des forêts sous la dynastie Lé. Un jour, il alla avec sa troupe dans la forêt pour couper du bois ; les soldats trouvèrent un nid de serpents. La femelle, qui était de grande taille, fut entourée par les soldats qui cherchèrent à la tuer, mais elle put s’échapper. La nuit suivante, Nguyén trai vit en rêve une femme qui lui dit : « Je vous prie de me sauver moi et mes enfants et d’empêcher les soldats de nous tuer. » il se réveilla et pensa que les soldats, en coupant le bois, avaient peut-être fait du mal à quelqu’un, aussi, quand parut le jour, s’empressa-t-il de se rendre sur les lieux et de demander aux soldats s’ils n’avaient blessé personne. Ceux-ci lui répondirent que non. Nguyén trai revint à son campement et la nuit suivante fit encore le même rêve. Au matin, il retourna au chantier et vit que les soldats avaient tué le serpent femelle.
Comme il s’en revenait, il trouva sur ses pas le serpent qui s’était transformé en une jolie petite fille pleurant au milieu du chemin. Il en eut pitié et l’emporta. Il l’éleva, et plus tard la donna pour femme au roi. La mère du roi avait mal aux yeux et nul ne pouvait venir à bout de la guérir. La jeune femme lui lécha les paupières et le mal disparut. La reine lui demanda comment elle avait ce pouvoir. Elle répondit que c’était un secret qu’elle tenait de sa famille.
Par la suite, le roi eut mal à la langue ; la femme lui dit de tirer la langue pour qu’elle la lui guérit, mais elle la lui coupa avec les dents et le roi mourut de sa blessure. Les seigneurs de la cour firent tuer cette femme. Nguyén trai qui l’avait donnée au roi fut accusé et condamné à être enterré vivant avec un de ses soldats. On creusa une grande fosse où on les enferma, et l’on en boucha l’ouverture, les abandonnant à leur sort. La femme du soldat parvint à pénétrer dans cette prison, mais son mari était déjà mort.
Nguyén trai lui dit : « Je suis condamné injustement, et ton mari aussi a péri à cause de moi. Soit ! mais tends la main, que j’y crache dedans pour servir de signe. » Il lui cracha dans la main. Elle s’en retourna chez elle et bientôt après devint enceinte et donna le jour à un fils qui fut la souche de la famille royale des Nguyén[1].
- ↑ D’après une version un peu différente Nguyén trai repoussa les avances d’une con tinh (génie femelle malfaisant) et alla même jusqu’à la frapper. Celle-ci, ne pouvant se venger autrement, s’incarna dans une fille que la femme de Nguyén trai mit au monde quelque temps après. Cette fille devint la femme du roi et le fit périr comme il est dit dans notre texte. La famille de Nguyén trai fut alors exterminée, et lui-même allait mourir quand la femme d’un de ses soldats se dévoua pour perpétuer la race.
Ce fut en 1443 que Nguyén trai fut exécuté, après la mort du roi Lé thanh tong qui avait péri dans une maison de campagne appartenant à Nguyén thi lo, femme de Nguyen trai. L’on peut voir le récit tiré des Annales et aussi une partie des légendes dans l’Histoire annamite de M. P. Truong vinh ky, tome II, p. 16 et suivantes.