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Contes et légendes annamites/Légendes/102 Les cinq jumeaux

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Contes et légendes annamitesImprimerie coloniale (p. 245-247).


CII

LES CINQ JUMEAUX[1].



Deux époux avaient une fille qu’ils avaient élevée dans leur maison et surveillée avec soin jusqu’à l’âge de quinze ans. Un jour ils la menèrent à la pagode ; elle alla se promener dans le jardin et, voyant une fleur ravissante, elle la cueillit et la mangea. À partir de ce moment elle se trouva enceinte. Ses parents ne surent comment cela avait pu se faire et essayèrent de lui faire avouer qui était son amant. Quoiqu’elle protestât de son innocence, ils la chassèrent et l’envoyèrent vivre à la pagode avec le bonze qui, croyaient-ils, l’avait déshonorée.

Quand elle fut arrivée à cette pagode un génie lui apparut et lui dit : « Quand lu mettras au monde ton enfant, ne lui donne pas de nom ; demande-lui quel est son nom, et il le répondra. » Le terme venu elle accoucha de cinq garçons. Elle leur demanda comment ils se nommaient, et ils répondirent, le premier : « Je suis Le Fort »[2] ; le second : « Je suis Corps d’airain, foie de fer »[3] ; le troisième : « Je suis Regarde-nuages, Écarte-poussière »[4] ; le quatrième ; « Je suis Le Sec »[5] ; le cinquième : « Je suis L’Humide »[6].

Ces jumeaux se ressemblaient tous. Quand ils furent grands ils songèrent à se rendre utiles à leurs parents. Le Fort allait couper du bois qu’il échangeait contre du riz. Comme d’une charge de bois il remplissait la cour d’une maison, il avait beaucoup de pratiques. Sa renommée alla jusqu’aux oreilles du roi qui, un jour qu’il devait offrir un sacrifice aux ancêtres, le fit venir et lui promit de lui donner une charge de riz pour une charge de bois.

La charge de bois remplit tout le palais du roi, mais quand Le Fort eut pris sa charge de riz en échange, il se trouva qu’il avait emporté la moitié de ce que contenaient les magasins royaux. Le roi, irrité, résolut de le faire périr, et lui commanda de revenir dans dix jours. Il rentra chez lui et raconta son aventure à ses frères.

Regarde-nuages avait pénétré les mauvais desseins du roi ; il dit donc au Sec d’aller à la place du Fort. Quand Le Sec fut arrivé en présence du roi, celui-ci ordonna à ses serviteurs de s’emparer de lui et d’aller le noyer dans la mer ; mais les soldats eurent beau le tenir sous l’eau il ne mourait pas et ils le ramenèrent. Le roi le renvoya en lui commandant de revenir dans dix jours.

Regarde-nuages vit que le roi avait cette fois dessein de le brûler. Il envoya donc L’Humide. Le roi l’invita à un repas qui lui fut servi dans un pavillon à étage auquel on mit le feu. Mais L’Humide ne témoigna aucune crainte et dit simplement : « Il fait bon ici. » Le roi voyant qu’il n’avait pu le brûler le renvoya en l’ajournant à dix jours.

Cette fois Regarde-nuages envoya Corps d’airain. Aussitôt arrivé le roi commanda de le décapiter, mais les sabres ne pouvaient l’entamer et il disait simplement qu’on le chatouillait. Furieux, le roi descendit de son trône pour essayer de le décapiter lui-même. L’autre lui dit : « Mes paroles vous irritent, mais tous vos efforts sont inutiles, vous ne pouvez que me chatouiller.

Le roi irrité, mais ne sachant plus que faire, lui dit de revenir dans dix jours et qu’il lui céderait son trône. Regarde-nuages vit que cette fois le roi était sincère. Quand les dix jours furent expirés il se présenta devant le roi avec sa mère et ses quatre frères. Le roi, à la vue de ces cinq jumeaux parfaitement ressemblants, comprit qu’il avait affaire à des génies célestes ; il céda son trône à Regarde-nuages et se retira dans une pagode pour faire pénitence.



  1. Ce conte est une variante du numéro LXXV.
  2. Manh mé.
  3. Minh dong gan sâc.
  4. Xem mây cen tràn.
  5. Khô
  6. Uoc.