Contes et légendes annamites/Pour rire/01 Avares

La bibliothèque libre.
Contes et légendes annamitesImprimerie coloniale (p. 313-314).


I

AVARES.



Un avare avait trois fils. Quand il se sentit près de la mort, il les fit venir et leur demanda ce qu’ils feraient pour ses funérailles. L’aîné dit qu’il ferait un bel enterrement avec accompagnement de musique. L’avare se montra très mécontent de cette dépense inutile. « Je vous laisserai pourrir au milieu des champs », dit le second. L’avare se montra plus satisfait, mais encore ne gagnait-on rien à ce procédé. « Moi, dit le troisième, je vous salerai et je vendrai la viande. » — « Voilà qui va bien ! dit l’avare, mais ne va pas faire affaire avec un tel, c’est un mauvais payeur. »


Un couple fort avare avait trois filles. Ils marièrent l’aînée à un licencié, la seconde à un bachelier et la troisième à un acteur, parce qu’ils aimaient fort pouvoir fréquenter gratuitement le théâtre. Quand ils sentirent leur fin approcher, ils firent venir leurs gendres et leur demandèrent séparément ce qu’ils feraient après leur mort pour leurs funérailles. Le licencié dit : « Je ferai des cérémonies funèbres pendant trois mois et je tiendrai table ouverte pour gens de tout village, de tout âge et de tout sexe. » Le bachelier dit : « Je tuerai cent buffles, cent bœufs, cent porcs et tant que l’argent durera les fêtes dureront. » Les beaux parents furent navrés de cette perspective, aussi se rejetèrent-ils sur leur troisième gendre, l’acteur. Celui-ci leur dit : « Moi ! je m’en tirerai pour cinquante ligatures. — Bien ! dit le beau-père, comment feras-tu ? — J’achèterai deux grandes jarres, poursuivit le gendre, je vous découperai en morceaux et je vous mettrai dans les jarres que je jetterai à l’eau. — Pourquoi cela, dit le beau-père ? — Pour que la mer emporte l’avarice, répondit l’autre ; qu’avons-nous affaire de gens pareils ?


Un avare traitait un de ses amis ; les tasses étaient grandes, mais l’hôte se gardait bien de les remplir. « Holà ! dit l’ami, que l’on me porte un couteau » — « Pourquoi faire ? demanda l’avare. » — « Eh ! pour retrancher à cette tasse toute cette hauteur inutile. »


Un avare traitait un de ses amis, mais il n’avait acheté que du vin trempé. À peine le visiteur en eut-il goûté qu’il se mit à pleurer. L’hôte lui en demanda la raison. « J’ai toujours chéri le vin, répondit l’autre, et je le trouve là si faible qu’il faut qu’il soit mort. »


Un avare avait été saisi par un tigre. Son fils allait tirer sur le tigre quand le père lui cria : « Vise-le au bon endroit sans cela la peau serait perdue. »