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Contes fantastiques/Le spectre fiancé

La bibliothèque libre.
Traduction par François-Adolphe Loève-Veimars.
Eugène Renduel (4p. titre-tdm).


LE SPECTRE FIANCÉ.
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Le conte qu’on vient de lire est un tableau satirique qui eut un immense succès en Allemagne, et surtout à Berlin, où l’on crut en reconnaître les personnages. Il paraît cependant certain qu’Hoffmann n’avait pas dessein de peindre des individualités, mais les types des ridicules dominans dans les différentes classes de la société actuelle dans le Nord. Il a jeté, au milieu de ce monde positif, toutes les images capricieuses de son génie. Ce morceau donne une idée de la manière dont Hoffmann traite ce genre merveilleux, où il excelle ; c’est un avant-goût des compositions étranges qui lui ont assigné une place à part dans une littérature où les idées bizarres ne manquent guère, et que je publierai bientôt. Le conte qui suit, et qui termine ce premier recueil, est entièrement établi sur les idées du magnétisme animal dont Hoffmann était grand partisan. Le temps peu éloigné où l’on riait de cette science immense pour se dispenser de l’approfondir, est heureusement passé, et l’on sait qu’il y a au fond de ce sens nouveau et inconnu un trésor de révélations précieuses pour l’humanité. Mais ce n’est pas ici le lieu de plaider en tout sérieux une cause que les hommes les plus profonds de notre temps s’étudient, dans le secret, à défendre ; et nous ferons bien de nous borner à répéter avec Hamlet, au sujet du personnage principal de ce conte : « Touching this vision here it is an honest ghost, that let me tell you. Quant à cette vision, c’est un digne fantôme ; vous pouvez m’en croire. »

J’éprouvais le besoin de donner cette explication, parce qu’il me semble fâcheux de voir mal interpréter les intentions d’un auteur, et qu’après avoir lu le Choix d’une Fiancée on pourrait croire facilement qu’Hoffmann a encore eu le dessein de faire une histoire merveilleuse. Mais nullement : selon lui, selon moi, selon beaucoup d’autres, tout ce récit n’offre rien de surnaturel ; la prescience du comte Aldini, la puissance magique de sa volonté, les sympathies de la jeune Marguerite, la chaîne de sensations qui remuent tous ces êtres divers, tout cela est dans le magnétisme : j’ai vu moi-même une somnambule saisie d’une attaque de nerfs violente au moment où le docteur Chap... , à qui ses fréquentes expériences magnétiques ont communiqué une grande puissance d’électricité, passait dans la rue voisine. Ce fait, je puis l’affirmer, et nommer le lieu où il s’est passé. Si l’on consultait les annales du magnétisme, l’histoire du comte Aldini paraîtrait une anecdote fort ordinaire.

Assez sur le magnétisme à propos d’un conte : « — Plus persévérerions, plus on diroist que les aureilles nous cornoyent, » dit quelque part Pantagruel.

Le Trad.