Contes indiens (Feer)/III/10

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§ 10. — UN ROI PEUT-IL VOYAGER ?
— DU DEVOIR QUI LUI INCOMBE

La question qui vient d’être examinée avait été posée à l’occasion des voyages du roi. Vikramâditya voyage beaucoup : ses excursions, à la vérité, ne sont pas longues ; il a des chaussures magiques qui lui font faire en peu de temps bien du chemin, et il est si déterminé qu’il achève promptement ses entreprises. Mais ses voyages, s’ils ne sont pas longs, sont très fréquents ; pour un « oui », ou pour un « non », il se met en route ; et on le voit sans cesse hors des frontières de ses États. Deux fois on lui en fait un reproche ; la première (13), il répond en alléguant la fatalité ; c’est l’argument dont nous avons parlé tout à l’heure ; la seconde fois (21), il oppose à la négligence dont on l’accuse le respect de la loi. Un roi a beau être vigilant, s’il est injuste, sa puissance périra ; mais, quand bien même un roi serait négligent, s’il est juste, ses États prospéreront. D’ailleurs, c’est l’amour de la loi qui pousse Vikramâditya à voyager. Tel est donc l’argument : la loi ou la justice est de force à compenser et annuler les mauvais effets de la négligence. Inutile d’insister sur l’exagération manifeste de cette théorie. Il est beau d’avoir foi dans le triomphe de la justice. Mais tous les devoirs se tiennent, tous sont indispensables, et la négligence est un vice dont les conséquences désastreuses sont inévitables.