Contes populaires d’Afrique (Basset)/102
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DAOURA[1]
aoura eut des enfants ; quand il fut avancé
en âge et devenu vieux, il leur dit :
— Je suis vieux ; je ne peux plus gouverner le Bouganda, prenez-en possession, devenez maîtres de votre royauté.
Ils lui répondirent :
— Mon père, nous sommes jeunes, comment prendrions-nous possession du Bouganda, quand tu n’es pas mort ? Comment te succéderions-nous de ton vivant ?
Ils refusèrent.
— Puisque vous ne voulez pas vous saisir de la royauté, dit Daoura, laissez-moi.
Il appela Seroganga le Moukopi et lui dit :
— Viens, que je te mette au courant.
Seroganga se présenta. Daoura lui dit :
— Me conduiras-tu chez toi et m’y cacheras-tu ?
— Seigneur, je te cacherai.
— Bien, dit le roi, retourne-t’en ; quand il fera nuit, tu viendras ; nous partirons et tu me cacheras : la royauté m’ennuie ; je n’en veux plus.
Il dit à un de ses esclaves et à trois de ses femmes :
— Venez, partons ; cachons-nous.
Il se leva, il marcha et alla chez le Moukopi. Seroganpa le conduisit dans la forêt, y bâtit une maison et la termina.
— Mon ami, dit le roi, ne révèle à personne que je suis dans la forêt.
— Non, seigneur, je ne te dénoncerai pas.
Daoura resta dans la forêt. La femme qui l’avait enfanté demanda aux grands :
— Où est allé le roi ?
— Il a disparu, répondirent-ils.
— Allez consulter un sorcier, dit la reine-mère.
Ils allèrent chez un sorcier. Celui-ci leur dit :
— Venez demain de bonne heure, tous les gens du Bouganda. Celui qui s’habille le mieux, c’est lui qui a le roi. Quand vous verrez celui qui l’emporte par l’habillement, saisissez-le, et il vous révélera où est le roi.
Seroganga dit à Daoura :
— Seigneur, je vais à un festin.
— Ne me dénonce pas.
— Non, seigneur.
Il alla à Rousaka. La reine-mère l’appela :
— Seroganga jure en disant : Daoura, je l’ai vu hier soir.
Namasou lui dit :
— Seroganga !
Il jura encore :
— Daoura, je l’ai vu hier soir.
— Comme tu es bien habillé !
Seroganga reprit :
— Daoura, je l’ai vu hier soir.
— Daoura a disparu depuis longtemps, mais tu l’as vu hier soir.
— Seigneur, dit Seroganga, je ne l’ai pas vu ; j’ai juré simplement.
La reine-mère dit aux grands :
— Saisissez-le et allez le tuer.
Ils s’emparèrent de lui. Alors Seroganga dit :
— Ne me tuez pas, seigneurs, laissez-moi ; je vous conduirai dans la forêt, à Kanyanya chez le roi.
— Laissez Seroganga, dit la reine-mère, qu’il vous conduise dans la forêt chez le roi.
Il devança tous les grands et les chefs et les précéda sur le chemin ; ils arrivèrent dans la forêt.
Quand ils virent le roi, ils se mirent à genoux. Daoura dit à Seroganga :
— Je t’avais dit de ne pas me dénoncer aux hommes. Tu ne l’as pas fait. Qui les a conduits ici ?
— Seigneur, répondit-il, ils voulaient me tuer.
— Puisque tu m’as dénoncé, qu’ils te tuent. Daoura le tua. Ensuite il sortit de la forêt, rentra dans le Bouganda, reprit la royauté et les grands vinrent le saluer.
- ↑ Les P.P. L.L. et C. D. des Pères blancs, Manuel de la langue Iuganda, p. 174-178.