Contes populaires d’Afrique (Basset)/133

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 351-355).

LXXV. — SOUBIYA[1]

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SÉÉDIMWÉ[2]


Séédimwé était un grand animal qui faisait du mal aux hommes. Un jour que les hommes avaient été tendre des pièges aux animaux et qu’ils en avaient pris dans leurs pièges, ils les apportèrent au village et les firent cuire dans des pots. Alors ils dirent à Séédimwé :

— Mangeons maintenant.

Mais Séédimwé leur répondit :

— Je suis rassasié.

C’était un mensonge pour qu’il pût manger seul pendant la nuit. Ils s’endormirent. Au lever du soleil, ils trouvèrent que Séédimwé avait avalé pendant la nuit tous les pots. Ils demandèrent :

— Qui a mangé notre viande ?

Ensuite ils retournèrent à leurs pièges et y trouvèrent des animaux. Ils les apportèrent au village et les firent cuire. Le lendemain, ils virent que Séédimwé avait de nouveau avalé tous les pots.

Le jour suivant, ils apportèrent encore la viande des animaux et la firent cuire. Cette fois-ci, le lièvre se cacha et dit :

— Je verrai bien aujourd’hui si c’est notre chef qui mange toute notre viande.

La nuit, pendant qu’ils dormaient, le lièvre était couché près du foyer, en disant :

— Je le verrai bien.

Aussi, lorsque Séédimwé se leva pour manger la viande, le lièvre se mit à dire :

— Je te vois, oncle maternel.

Séédimwé eut peur et se recoucha. Ensuite il se leva de nouveau pendant que tous dormaient, mais le lièvre, lui, ne dormait pas. Comme Séédimwé éternuait, le lièvre cria :

— Je te vois, oncle maternel.

Il continua de faire ainsi jusqu’au matin. Lorsque le soleil fut levé, Séédimwé était couché, malade. On lui cria :

— Lève-toi et mangeons de la viande.

Il répondit :

— Je n’en veux pas, je suis malade.

Les gens mangèrent la viande : ils la mangèrent toute. Quand Séédimwé se leva, il trouva qu’il n’y avait plus rien. Alors il avala les pots et les hommes avec. Le lièvre, lui, s’était caché dans l’herbe.

Quand Séédimwé eut fini d’avaler les gens et leurs maisons, il s’en alla. Alors le lièvre rassembla tous les animaux pour lui donner la chasse et le tuer. Les premiers qui allèrent, ce furent l’élan et le zèbre. Ils allèrent, mais ils ne virent que de la poussière. Ils revinrent en disant :

— Nous ne l’avons pas vu.

Ensuite allèrent le lion et le léopard : eux aussi ne purent l’atteindre. Ensuite allèrent le gaon et le gaon blanc. Ensuite allèrent l’antilope et la gazelle. Eux aussi revinrent sans avoir rien vu. Ensuite allèrent le chien sauvage et la hyène. Ceux-ci surent trouver Séédimwé. Le chien sauvage se mit à crier :

— C’est vous qui l’avez poursuivi au loin sans succès ; vous, élan, buffle, antilope, hyène et léopard.

Alors le chien sauvage perça Séédimwé d’une flèche ; la hyène aussi le perça. Séédimwé mourut. Alors le chien sauvage et la hyène allèrent rappeler les autres animaux et les ramenèrent là ; ils rassemblèrent aussi tous les oiseaux.

L’aigle vint le premier et dit :

— Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo, ntjo.

Mon bec est cassé.

Celui que m’a donné Samokounga,

Samokounga de Léza.

Comme il disait cela, son bec se cassa.

Le martin-pêcheur vint ensuite et dit :

— Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo, ntjo, etc.

Son bec aussi se cassa.

Vint ensuite le héron ; lui aussi chanta :

— Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo, ntjo, etc.

Vint ensuite le vautour qui s’entend à dépecer les animaux. Lui aussi chanta :

— Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo, ntjo, etc.

Son bec, à lui aussi, se cassa.

Alors vint un tout petit oiseau, le Katuitui. Les animaux dirent :

— Son bec est trop petit.

Le petit oiseau se mit à chanter :

— Tuera ! tuentue ! ntuentue !

Mon petit bec est brisé.

Qui m’a été donné par Samokounga,

Samokounga de Léza.

Alors il fit un tout petit trou. Quand ils virent le petit trou, ils dirent au Katuitui :

— Va-t-en ! qu’il vienne un plus grand oiseau.

La grue vint alors et se mit à chanter :

— Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo.

Son bec se cassa. En même temps, le petit trou fait par le Katuitui se referma.

Alors ils rappelèrent ce tout petit oiseau, le Katuitui. Il revint et se mit à chanter :

— Tuere ! tuentue ! ntuentue !

Il se fit alors une plus grande ouverture au cadavre de Séédimwé. Le petit oiseau se mit de nouveau à chanter :

— Tuere ! tuentue ! ntuentue ! etc.

Alors il ouvrit le ventre de Séédimwé. Tout ce qui était dans son ventre en sortit : maisons, pots, bétails et hommes. Alors ceux-ci bâtirent des villages.



  1. Les Soubiya habitent sur la rive gauche du moyen Zambèze entre les chutes de Sioma et les chutes Victoria, dans l’Afrique australe anglaise.
  2. Jacottet, Études sur la langue du Haut Zambèze, 2e partie, fasc. I, Paris, Leroux, 1899, in-8, p. 49-54.