Contes populaires d’Afrique (Basset)/150

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 396-399).

LXXXVIII. — DOUALA[1]

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LE POT SUR LA TÊTE[2]


Il y avait une fois un homme qui avait deux femmes : l’une s’appelait Mbango, l’autre Loko ; le nom de l’homme était Tanga.

Celui-ci aimait la seconde et ne pouvait souffrir la première. Tanga allait dans toutes les réunions ; il en était le personnage le plus important, recevait les présents à chaque assemblée et les donnait à Loko. Celle-ci faisait sa cuisine, et, quand il mangeait, il ne donnait pas la moindre chose à la pauvre Mbango qui rassemblait les os et les mettait sur le sol. Lorsqu’elle avait réuni beaucoup d’os et qu’ils étaient desséchés, elle les triturait, les cassait en petits morceaux et les mélangeait avec toute sorte de racines dont on pouvait sentir de loin la bonne odeur ; elle faisait cuire aussi des bananes et quand son mari était dans une réunion, elle et son enfant mangeaient un peu de bananes et du beau plat d’os. Il en était resté une assez grande quantité ; elle les prit, les cacha et s’en alla aux champs après avoir dit à son fils :

— Quand ton père viendra de la maison de réunion, ne lui donne à manger que des bananes et s’il te demande : Qu’est-ce qui sent si bon, ne lui dis pas que j’ai fait cuire un beau plat d’os.

Tanga revint à la maison, entra et voulut manger. Son fils prit seulement des bananes et les lui donna comme sa mère le lui avait recommandé. Tanga flaira l’odeur qui venait du sol et demanda à son fils :

— Qu’est-ce que ta mère a fait cuire qui sent si bon ?

L’enfant répondit :

— Ma mère n’a rien fait cuire de plus.

Comme Tanga était assis là, son cœur n’était pas satisfait, car il flairait la bonne odeur ; il prit une échelle, monta au grenier. Là, il commença à chercher sous les pots, trouva celui où était la nourriture et le descendit. Il en prit un peu avec la cuillère et goûta ; le ragoût d’os lui parut très bon. Il en prit encore et encore, si bien qu’il mangea le tout. Quand il eut fini, le goût agréable le poussa à lécher l’intérieur du pot ; mais celui-ci lui couvrit la tête et tint bon. Tanga se mit à courir çà et là, heurtant de sa tête le poteau de la case qui en craqua, afin de briser le pot. Mais celui-ci résista et faisait seulement Kling-Klang. Mbango était alors aux champs.

Alors Tanga s’élança dans la rue et trouvant une très grosse pierre qui était là, il la heurta plusieurs fois avec sa tête. Mais le pot résonnait seulement comme s’il avait voulu dire :

— Mon excellent ami, nous ne nous séparerons plus.

Mbango vint des champs et demanda à son fils :

— Qu’est-il arrivé au pot pour que ton père l’ait sur la tête ?

L’enfant répondit :

— Tu m’avais recommandé de ne rien lui dire du pot. Mais il est monté au grenier pour le chercher. Quand il en a flairé l’odeur, il a commencé par en manger, puis il a fini par le lécher avec sa langue. Alors il a eu le pot sur la tête.

Mbango entra, frappa sur sa cuisse et dit :

— Ô pot, aussi vrai que tu as été façonné sur cette cuisse, lâche immédiatement la tête de Tanga.

Alors le pot s’éloigna de la tête. En se voyant délivré, Tanga saisit Mbango et se mit à la battre tant et plus. Elle cria sous les coups :

— Malheur ! ô pot, aussi vrai que je t’ai fait au tour, reviens sur la tête de Tanga.

De nouveau, il se plaça solidement sur sa tête et lui couvrit entièrement les yeux. Alors il cessa de frapper Mbango. Celle-ci se leva et, sans tarder, elle prit sa course et s’en revint dans la maison de son père. On dit bientôt qu’ils s’étaient quittés et aujourd’hui le pot est encore sur la tête de Tanga.



  1. Le douala est parlé sur la côte occidentale d’Afrique, dans la colonie allemande du Kameroun.
  2. Meinhof, Ein Mærchen aus Kamerun, ap. Büttner, Zeitschrift für africanische Sprachen, t. III. Berlin, Asher, 1889-1890, p. 241-246.