Contes populaires d’Afrique (Basset)/38

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 106-109).
b) Arabe de Tripoli.

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L’HOMME ET LE LION[1]


Il y avait un homme qui était marchand ; il achetait et vendait. Un jour il lu un voyage dans le pays ; des brigands arrivèrent et voulurent le tuer. Alors il leur dit :

— Qu’est-ce que je vous ai fait ? Si vous voulez mon argent, je vous le donne.

Un des voleurs lui dit :

— Nous voulons te tuer.

Il s’enfuit et se cacha dans une caverne souterraine. Il y rencontra un lion ; celui-ci se leva, lui fit place dans la caverne et alla vers ces gens qui étaient au dehors et voulaient tuer le marchand ; il se jeta sur eux et les dévora. Puis il rentra dans la caverne et trouva l’homme assis. De la tête, il lui fit signe de s’en aller. L’autre partit.

Après avoir un peu marché, il rencontra un autre lion.

— Seigneur, dit-il, qu’ai-je donc fait autrefois ? Les hommes veulent me tuer ; je leur échappe, je me glisse dans une caverne, je rencontre un lion ; il me délivre d’eux, je m’en vais et je rencontre un autre lion ! Seigneur, qu’ai-je fait dans le monde pour que chaque fois je trouve un danger ?

Il s’en retourna vers le premier lion et entra dans la caverne. Le premier lion vit l’autre qui voulait dévorer l’homme ; tous deux s’attaquèrent et se livrèrent bataille. Le premier tua le second qui avait menacé l’homme, puis il alla retrouver celui-ci et avec la tête lui fit signe de partir.

L’homme s’en alla en disant :

— Dieu soit loué ! D’abord des voleurs ont voulu me tuer ; un lion m’a délivré d’eux, puis je suis parti et j’ai rencontré un autre lion ; je me suis enfui et le premier m’a encore délivré. Qu’ai-je fait dans le monde, Seigneur ?

Il continua sa route et trouva un puits auprès duquel il se coucha et se mit à pleurer. À la nuit arriva une caravane. Les gens lui demandèrent :

— Pourquoi es-tu assis à pleurer au-dessus du puits ?

Il leur répondit :

— Laissez-moi, après être mort, je suis revenu à la vie.

— Quelle chose extraordinaire !

— Je vais vous la raconter. Je suis marchand ; je vends et j’achète ; je voyageais lorsque j’ai rencontré des gens qui voulaient me tuer ; je me suis enfui et je suis entré dans une caverne ; j’y ai trouvé un lion qui est sorti contre eux, m’a délivré d’eux et les a tués. Puis il m’a dit : Va-t’en. Je suis parti. J’ai rencontré un autre lion qui a voulu me tuer ; je me suis sauvé et je suis revenu vers le premier. Quand il m’a vu, il m’a laissé entrer ; il est sorti contre l’autre ; ils se sont battus et il l’a tué. Puis il m’a dit : Va-t’en. J’ai repris mon chemin et je suis arrivé à ce puits ; alors je me suis couché et je me suis mis à pleurer. Faites-moi du bien ; prenez-moi avec vous ; faites-moi revoir mes enfants. Désormais, je ne voyagerai plus dans le pays à cause de ce qui m’est arrivé. Trois fois j’étais près de mourir ; si ce n’avait été ce lion qui m’a délivré, j’aurais péri. Je désire revenir vers ma famille, la revoir, lui raconter tout ce qui m’est arrivé dans ce périlleux voyage.

Les gens de la caravane le recueillirent et lui dirent :

— Viens avec nous ; nous t’emmènerons, ne crains pas.

Ils le prirent avec eux et il marcha jusqu’à ce qu’ils arrivèrent dans son pays. Alors il revit sa femme et ses enfants et se mit à pleurer.

Ils lui demandèrent :

— Où as-tu été ?

Il leur raconta tout ce qui lui était arrivé.




  1. Stumme, Mærchen und Gedichte aus der Stadt Tripoli in Nord-Afrika, Leipzig, 1898, in-8o, Hinrich, p. 1-5.