Contes secrets Russes/Le peigne

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Contes secrets Russes (Rousskiia Zavetnia Skazki)
Isidore Liseux (p. 121-126).

XLVI

LE PEIGNE


Un pope avait une fille encore innocente. L’été venu, il se mit en devoir de faire couper son foin, mais en stipulant avec chacun des ouvriers qu’il ne les paierait pas, si sa fille sautait par-dessus le foin qu’ils auraient fauché. Plusieurs acceptèrent cette condition et durent retourner chez eux sans avoir touché le prix de leur travail : dès qu’ils avaient fait une meule de foin, arrivait la fille du pope qui sautait par-dessus.

Voilà qu’un gars audacieux se présente à son tour pour faire la fenaison chez l’ecclésiastique ; ce dernier lui apprend quelles sont les conditions ; le jeune homme y souscrit et commence à travailler ; quand il a coupé une certaine quantité de foin, il en fait un tas et se couche à côté ; puis il tire son υιτ de son haut-de-chausses et le met en érection. Sur ces entrefaites la fille du pope vient voir comment l’ouvrier travaille et, le surprenant dans cette occupation, lui demande : « Qu’est-ce que tu fais là, moujik ? — J’arrange mon peigne. — Qu’est-ce que tu peignes donc avec cela ? — Si tu veux, je vais te peigner, couche-toi sur le foin. » La jeune fille obéit et l’ouvrier la peigna de la façon qu’on devine[1]. « Quel bon peigne ! » dit la popovna quand elle se fut relevée. Ensuite elle voulut sauter par-dessus le foin, mais elle n’y parvint pas et ne réussit qu’à mouiller ignoblement son linge.

Elle alla trouver son père et lui dit : « La meule de foin est fort grande, je n’ai pas pu sauter par-dessus. — Ah ! ma fille, pour sûr, nous avons là un excellent ouvrier. Je vais l’engager pour un an. » Lorsque le moujik vint demander son salaire, le pope ne consentit pas à le laisser partir. « Je désire te conserver pendant un an, mon cher. — Bien, batouchka. » L’ouvrier resta donc chez le pope, à la grande satisfaction de la popovna qui, la nuit, se rendit auprès de lui. « Peigne-moi un peu ! » commença-t-elle. — « Non, je ne te peignerai pas pour rien ; donne-moi cent roubles, et ainsi tu achèteras le peigne. » La jeune fille alla chercher cent roubles et les remit à l’ouvrier qui, dès lors, la peigna chaque nuit. Mais, à quelque temps de là, le moujik, ayant eu une querelle avec le pope, se fit régler son compte et s’en alla. La popovna n’était pas chez elle à ce moment. De retour au logis, elle demanda où était l’ouvrier. « Il a pris congé de moi, » répondit le pope, « je lui ai payé ce que je lui devais et il vient de partir. — Ah ! mon père, qu’avez-vous fait ? Il a emporté mon peigne. » Ce disant, la jeune fille s’élança à la poursuite de l’ouvrier ; elle le rejoignit près d’un petit cours d’eau. Il retroussa son pantalon et entreprit de traverser le rivière à gué. « Rends-moi mon peigne ! » lui cria la popovna. Le moujik ramassa une pierre et la jeta dans l’eau : « Prends-le ! » dit-il ; après quoi, étant passé sur l’autre rive, il gagna le large. La jeune fille releva sa robe, entra dans l’eau et se mit à chercher le peigne, mais elle eut beau fouiller le lit de la rivière, ce fut peine perdue.

Vint à passer un barine en équipage. « Qu’est-ce que tu cherches, ma chère ? demanda-t-il. « Un peigne ; je l’avais acheté cent roubles à notre ouvrier, mais, en partant de chez nous, il l’a emporté ; je me suis mise à sa poursuite et il l’a jeté à l’eau. » Ce barine descendit de voiture, ôta son pantalon et entra dans la rivière pour chercher le peigne avec la jeune fille. Tout à coup son υιτ attira l’attention de la popovna, elle l’empoigna aussitôt des deux mains en criant : « Ah ! barine, tu devrais être honteux ! c’est mon peigne, rends-le-moi[2] ! — Qu’est-ce que tu fais, déhontée ? » dit l’autre ; « lâche-moi ! — Non, c’est toi-même qui es un déhonté ! Tu veux prendre ce qui ne t’appartient pas. Rends-moi mon peigne ! » Et, tenant toujours le barine par le υιτ, la popovna le ramena chez son père.

Celui-ci était à sa fenêtre ; il vit sa fille qui tirait le barine par l’endroit le plus sensible et ne cessait de crier : « Rends-moi mon peigne, coquin ! » tandis que le pauvre homme suppliait plaintivement : « Batouchka ! sauve-moi d’une mort que je n’ai pas méritée ! Je ne t’oublierai pas ! » Que faire ? l’ecclésiastique sortit de son pantalon sa verge de pope, la montra par la fenêtre à sa fille et cria : « Fillette ! eh ! fillette, voilà ton peigne ! »

— « En effet, c’est le mien, » dit-elle, « oui, il est rouge au bout ! Et moi qui croyais que le barine l’avait pris ! » Aussitôt elle lâcha sa victime et entra précipitamment dans la maison. Le barine détala au plus vite.

À peine chez elle, la fille du pope demanda : « Papa, où est donc mon peigne ? » Son père l’apostropha vivement : « Ah, vaurienne que tu es ! » et il cria ensuite à sa femme : « Regarde, matouchka, elle n’a plus son honneur ! — Assez, batouchka, » répondit l’épouse à son mari, « regardes-y toi-même et mets ordre à cela. » Le pope ôte à l’instant son pantalon et βαισε sa fille ; au fort de la jouissance, il hennit et crie : « Non, non, notre fille n’a pas perdu son honneur… — Batouchka, » dit la popadia, « rentasse-lui bien son honneur. — Sois tranquille, matouchka, il ne tombera pas, je viens de le consolider. Mais notre fille est encore jeune : elle ne sait pas lever les jambes comme il faut. — Lève-les plus haut, fillette, plus haut ! » fait la mère. — « Ah, matouchka, » reprend le pope, « elle est encore toute en tas ! » C’est ainsi que la popovna retrouva son peigne, et dès lors le pope vécut maritalement avec sa fille comme avec sa femme.


  1. Variante. — Il y avait dans un village un pope qui vivait avec sa fille unique Catherine et un ouvrier. Un jour, tandis que la jeune fille chauffait le poêle, l’ouvrier se tenait devant le feu et son membre très excité pointait sous sa chemise. La popovna le remarqua. « C’est, » demanda-t-elle, « une fusée qui fait ainsi saillir sous ta chemise ? — Ah ! mademoiselle, ce n’est pas une fusée, mais un peigne. — Comment, un peigne ? Est-ce que tu ne peux pas me peigner une fois ? — Quels yeux convoiteurs tu as, mademoiselle ! Tu ne peux rien voir sans le demander ! » Sur ce, l’ouvrier se mit à peigner la popovna et il renouvela l’opération jusqu’à ce que la jeune fille se trouvât dans un état de grossesse avancé. Alors il se fit régler son compte par le pope et décampa.
  2. Variante. — La popovna chercha son peigne dans la rivière ; arriva le pope qui se mit à fouiller avec elle au fond de l’eau ; il releva sa soutane ; quant à son pantalon, il l’avait laissé sur la rive. La jeune fille, apercevant le υιτ de son père, commença à crier : « Batouchka, rends-moi mon peigne ! » Le pope resta interloqué, mais sa fille poursuivit de plus belle : « Rends-moi mon peigne ! »