Contes secrets Russes/Premiers rapports d’un prétendu avec sa future

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Contes secrets Russes (Rousskiia Zavetnia Skazki)
Isidore Liseux (p. 34-36).

XX

PREMIERS RAPPORTS D’UN PRÉTENDU AVEC SA
FUTURE


Un vieillard avait un fils arrivé à l’âge adulte, un autre avait une fille nubile. Et ils s’avisèrent de les marier ensemble. « Allons, Ivanouchka, » dit le père du jeune homme, « je veux te faire épouser la fille du voisin, tâche de la rencontrer, aborde-la gentiment et accorde-toi avec elle. » De son côté, l’autre vieillard dit à sa fille : Allons, Machourka, je veux te donner en mariage au fils du voisin ; quand tu le verras, parle-lui gentiment et établis de bons rapports avec lui. » Les deux jeunes gens se rencontrèrent dans la rue et se souhaitèrent le bonjour. « Mon père m’a ordonné, Ivanouchka, de faire ta connaissance, » commença la jeune fille. — « Et le mien m’a aussi donné le même ordre, » répondit le gars. — Comment donc faire ? Où couches-tu, Ivanouchka ? — Dans le vestibule. — Et moi dans l’ambar[1] ; viens me trouver la nuit, nous serons mieux pour causer. » Ivanouchka fut exact au rendez-vous et se coucha près de Machourka. « Tu as passé à côté du goumno ?[2] » — lui demanda-t-elle. — « Oui. — Eh bien ! tu as vu un tas de μερδε ? — Oui. — C’est moi qui l’ai χιέε. — Il n’y a pas à dire, il est gros ! — Comment donc faire pour nous mettre d’accord ? Il faut voir si tu as un bon instrument. — Tiens, regarde, » dit-il en déboutonnant son caleçon, « sous ce rapport je suis riche ! — Mais il est trop grand pour moi ! Vois un peu comme je l’ai étroit ! — Laisse, je vais essayer si cela ira. »

L’effet suivit aussitôt les paroles. Dans le premier moment, la jeune fille se mit à crier de toutes ses forces : « Oh ! qu’il me fait mal, comme il mord ! — N’aie pas peur, il n’a pas assez de place, voilà pourquoi il est fâché. — Vois-tu ! je te le disais bien qu’il n’y avait pas de place pour lui ! — Attends un peu, tout à l’heure il sera plus au large. » Quand elle commença à jouir, Machourka s’écria : « Ah ! mon âme, avec ton trésor on pourrait gagner de l’argent ! » À la fin ils s’endormirent ; elle s’éveilla la nuit et baisa le derrière de son amant, croyant l’embrasser sur le visage. Le jeune homme, qui avait trop bien soupé, lâcha un vent. « Eh ! Vania, » dit Machourka, « tu as l’haleine d’un scorbutique ! »


  1. Endroit où l’on met le grain, la farine et quelquefois d’autres denrées.
  2. Enclos où l’on place des meules de blé.