Conversations de Goethe/Avertissement

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Conversations de Goethe, pendant les dernières années de sa vie : 1822-1832
Traduction par Émile Delerot.
G. Charpentier et E. Fasquelle, Éditeurs (Bibliothèque-Charpentier) (Tome premierp. xxiii-xxiv).

AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR

Qu’il me soit permis de dire quelques mots sur cette traduction. Elle est aussi littérale qu’il m’a été possible. J’ai, en général, préféré l’exactitude un peu dure à l’élégance un peu infidèle. Je n’ai pas effacé les libertés familières de la conversation ; Goethe se contentait de parler d’or, et ne cherchait jamais à parler « comme un livre. » L’ouvrage d’Eckermann est reproduit intégralement pour toute la partie qui regarde Goethe ; je n’ai pas supprimé une seule de ses pensées. Quant aux récits qu’Eckermann nous fait sur lui-même, je n’avais pas les mêmes raisons pour les respecter, je les ai abrégés ou même supprimés. Eckermann, sans s’en douter, s’est laissé aller parfois, avec une grande bonhomie, à écrire ses mémoires particuliers en même temps que ceux de Goethe. Ces confidences n’intéressent personne, même en Allemagne. Ce sont les conversations de Goethe, et non celles d’Eckermann, que l’on désire connaître. Peut-être trouvera-t-on que j’ai été encore trop sobre de coupures de ce genre ; je répondrai avec les paroles d’un spirituel écrivain, placé dans une situation semblable à la mienne : « Pour éviter l’ennui, c’est un excellent moyen que d’abréger, mais il ne faut pas en abuser. » — En échange des pages toutes personnelles d’Eckermann que je retranchais, j’ai donné d’importants fragments de la correspondance de Gœthe avec Zelter, Reinhard et Boisserée, des extraits de Viehoff, et une partie considérable du petit livre de Falk. Les passages intéressants de cet ouvrage que je n’ai pas traduits, parce qu’ils ont trait à la jeunesse de Goethe, se trouvent dans l’introduction si complète que M. Blaze de Bury a placée en tête du Faust. — Dans un Appendice, j’ai traduit un certain nombre de morceaux de critique, tirés des Mélanges de Gœthe. Tous se rapportent à des sujets traités dans les Conversations, dont ils forment comme les pièces justificatives. J’ai cherché à réunir là à peu près tout ce que Goethe a écrit sur la France et à donner en même temps un échantillon de sa critique universelle. Plusieurs de ces fragments ne sont que de simples notes très-courtes, dictées rapidement par Goethe, pendant les dernières années de sa vie ; cependant les moins remarquables me semblent avoir au moins un grand intérêt de curiosité.

Ainsi complété, l’ouvrage d’Eckermann forme l’Introduction la plus naturelle et la plus intéressante aux écrits de Goethe, et elle en fait pressentir la profondeur et la variété. On a dit que le livre le meilleur était celui qui avait une page pour chaque lecteur ; celui-ci est un de ceux qui satisfont le mieux à cette condition. Poëte, artiste, philosophe, savant, philologue, historien, politique, peintre, compositeur, acteur, directeur, décorateur de théâtre, que sais-je encore ? tous peuvent venir écouter ces conversations : Goethe leur adressera la parole dans leur langue, et tous puiseront dans ses discours quelque bon conseil. Je souhaite surtout qu’ils y puisent le désir de faire une étude sérieuse et approfondie de ses grands chefs-d’œuvre, si riches en leçons vivantes et fécondes.

En terminant, c’est pour moi un devoir et un plaisir d’adresser les plus vifs remerciments à M. le Docteur Kœhler, conservateur de la bibliothèque grand’ducale, à Weimar. Toutes les fois que j’étais embarrassé, je me suis adressé à lui, et je lui dois une foule de renseignements qu’il s’est empressé de mettre à ma disposition, avec ce zèle de complaisance et cette générosité qui caractérisent le vrai savant.