Coran Savary/033

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Traduction par Claude-Étienne Savary Voir et modifier les données sur Wikidata.
G. Dufour (2p. 169-179).





LES CONJURÉS.


donné à la mecque, composé de 73 versets
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Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


O prophète ! crains le Seigneur, et ne suis pas les désirs des infidèles et des impies. Dieu est savant et sage.

Aucune de vos actions n’échappe à sa connaissance. Obéis à ses révélations.

Mets ta confiance en lui. Sa protection est un bouclier puissant.

Dieu n’a pas donné deux cœurs à l’homme. Il n’a pas accordé à vos épouses les droits de vos mères, ni à vos fils adoptifs[1] ceux de vos enfans. Ces mots ne sont que dans votre bouche. La parole de Dieu est la vérité. Elle conduit au chemin du salut.

Rendez vos fils adoptifs à leurs pères. Cette action est équitable aux yeux de Dieu. Si vous ne connaissez pas les auteurs de leurs jours, que la religion vous les fasse chérir comme vos frères, comme vos proches. Une erreur involontaire qui vous écarterait du précepte ne vous rendra point coupables. Vous le serez si votre cœur y participe. Le Seigneur est indulgent et miséricordieux.

Le prophète aime les croyans plus qu’ils ne s’aiment eux-mêmes. Ses femmes sont leurs mères. Ses parens seront plus honorablement cités dans le livre de Dieu, que les fidèles, que ceux qui combattent pour la foi ; mais tout le bien que vous ferez à vos proches y sera écrit.

L’alliance que nous avons contractée avec les prophètes[2], avec toi, avec Noé, Abraham, Moïse, et Jésus, fils de Marie, doit être inviolable.

Dieu demandera aux justes compte de leur justice. Il a préparé aux infidèles des peines terribles.

O fidèles ! rappelez-vous les faveurs du ciel. Une armée ennemie fondait sur vous[3] ; nous déchaînâmes contre elle un vent impétueux, et des milices invisibles. Dieu observait vos démarches.

Enveloppés par les ennemis, vous détourniez vos regards consternés. Vos cœurs, en proie aux plus vives alarmes, formaient de Dieu des pensées différentes.

Les fidèles furent tentés, et éprouvèrent de violentes agitations.

Les impies et ceux dont le cœur est gangrené disaient : Dieu et le prophète ne nous ont annoncé que des mensonges.

Enfans de Médine, s’écriaient-ils, il n’est point ici d’asile pour vous. Retournez sur vos pas. À ces mots une partie des croyans dirent au prophète : Permets-nous de nous retirer ; nos maisons sont sans défenseurs. Elles ne l’étaient pas, mais ils voulaient éviter le combat.

Si dans cet instant l’ennemi se fût approché de Médine, et leur eût proposé un schisme, ils l’auraient accepté ; mais ils n’y auraient pas demeuré long-temps.

Ils avaient promis à Dieu qu’ils ne prendraient point la fuite, et il leur demandera compte de leurs sermens.

Dis-leur : La fuite vous sera inutile. Vous avez cru vous dérober à la mort, en évitant le combat ; vous jouirez peu de votre lâcheté.

Qui pourra s’opposer à Dieu soit qu’il veuille vous punir ou vous faire grâce ? Hors lui vous ne trouverez ni appui ni protecteur.

Dieu connaît ceux qui arrêtent les croyans, et qui les engagent à suivre leur parti. Il en est peu qui marchent sous l’étendard de la foi.

Ils sont jaloux de votre bonheur. Au sein des alarmes vous les voyez tourner leurs regards vers le prophète, et rouler les yeux comme celui qu’environnent les ombres de la mort. À peine la crainte s’est-elle dissipée, qu’animés par l’envie, ils vous déchirent de leurs langues acérées. Ils n’ont point la foi. Dieu anéantira leurs œuvres. Cela est facile à sa puissance.

Les conjurés se croyaient invincibles. S’ils reviennent, ils se mêleront avec les Arabes du désert. Ils s’informent de vos démarches. Quand ils seraient de votre parti, peu d’entre eux suivraient vos drapeaux.

Le prophète vient d’offrir un exemple admirable[4] à celui qui espère en Dieu, qui attend le jour de la résurrection, et qui craint le Seigneur.

A la vue des conjurés, les fidèles s’écrièrent : voilà ce que Dieu et son apôtre nous avaient annoncé ; leurs promesses sont véritables. La présence des ennemis redoubla leur foi et leur constance.

Plusieurs des croyans accomplirent le pacte fait à la face du ciel ; plusieurs arrivèrent au terme de leurs jours ; beaucoup d’autres l’attendent, et n’ont point violé leur serment.

Dieu récompensera ceux qui ont été fidèles à leur pacte. Il punira les parjures, ou leur fera grâce à son gré ; il est indulgent et miséricordieux.

Il a rejeté les traîtres chargés de sa colère. Ils n’ont obtenu aucun avantage. L’appui de son bras a suffi aux fidèles pendant le combat. Il est fort et puissant.

Il a forcé les juifs qui avaient secouru les idolâtres, à descendre de leur citadelle. Il a jeté l’épouvante dans leurs âmes. Vous en avez tué une partie, et vous avez mené les autres en captivité.

Il vous a donné pour héritage, leurs terres, leurs maisons, leurs richesses. Vous possédez un pays où vous n’aviez point encore porté vos pas. La puissance de Dieu est infinie.

O prophète ! dis à tes femmes : Voulez-vous jouir des plaisirs brillans de la vie ? Venez ; je comblerai vos vœux, et je vous répudierai honorablement.

Mais si Dieu, son apôtre, et le séjour éternel sont l’objet de vos désirs, une récompense glorieuse sera le prix de vos vertus.

Épouses du prophète, si quelqu’une de vous se souille d’un crime, elle subira un châtiment plus rigoureux. Cette vengeance est facile à Dieu.

Mais celle qui, dévouée au Seigneur et à son ministre, aura pratiqué la vertu, recevra une récompense magnifique, et occupera une place honorable.

Épouses du prophète, vous êtes distinguées des autres femmes. Si vous avez la crainte du Seigneur, bannissez de votre langage les mollesses de l’amour. Que celui dont le cœur est blessé n’ose espérer. Répondez avec une noble fermeté.

Restez au sein de vos maisons. Ne vous parez point, comme aux jours de l’idolâtrie. Faites la prière et l’aumône. Obéissez à Dieu et à son ministre. Il veut écarter le vice de vos cœurs. Vous êtes de la famille du prophète. Purifiez-vous avec soin.

Gardez le souvenir de la doctrine divine, qu’on vous lit dans vos maisons. Dieu a l’œil ouvert sur ses créatures.

Les croyans, les fidèles des deux sexes qui ont la piété, la justice, la patience, l’humilité, qui font l’aumône, qui observent le jeûne, et qui vivent dans la continence, pénétrés du souvenir du Seigneur, chéris du ciel, recevront le prix glorieux de leurs vertus.

Lorsque Dieu et son ministre ont porté une loi, le fidèle ne doit plus douter. Celui qui est rebelle à Dieu et au prophète, est dans une erreur évidente.

Lorsque tu dis à celui que Dieu avait enrichi de ses grâces, que tu avais comblé de biens, garde ton épouse et crains le Seigneur, tu cachais dans ton cœur un amour que le ciel allait manifester ; tu appréhendais les discours des hommes, et c’est Dieu qu’il faut craindre. Zaïd répudia son épouse[5]. Nous t’avons lié avec elle, afin que les fidèles aient la liberté d’épouser les femmes de leurs fils adoptifs, après leur répudiation. Le précepte divin doit avoir son exécution.

Le prophète n’est point coupable d’avoir usé d’un droit autorisé par le ciel, conformément aux lois divines établies avant lui. Les préceptes du Seigneur sont équitables.

Les ministres que Dieu chargea de ses volontés, le craignaient, et n’avaient point d’autre crainte. Son approbation leur suffisait.

Mahomet n’est le père d’aucun de vous. Il est l’envoyé de Dieu, et le sceau des prophètes[6]. La science de Dieu est infinie.

O croyans ! ayez toujours présente la pensée du Seigneur. Louez-le le matin et le soir.

Il est plein de bonté pour vous. Les anges le prient de vous tirer des ténèbres, et de vous conduire dans le droit chemin. Il est miséricordieux pour les fidèles.

Ils se salueront au jour de la résurrection, et se souhaiteront la paix. Dieu leur a préparé une récompense éclatante.

O prophète ! nous t’avons envoyé pour être témoin, et pour annoncer nos promesses et nos menaces.

Tu appelleras les hommes à Dieu ; tu seras la lumière qui les éclairera.

Annonce aux croyans les trésors de la libéralité divine.

N’obéis ni aux infidèles, ni aux impies. Ne leur nuis point. Mets ta confiance en Dieu, sa protection est un sûr asile.

O croyans ! si vous répudiez une femme fidèle avant d’avoir eu commerce avec elle, ne la retenez point au delà du terme prescrit. Donnez-lui ce que la loi ordonne, et la renvoyez avec honneur.

O prophète ! il t’est permis d’épouser les femmes que tu auras dotées, les captives que Dieu a fait tomber entre tes mains, les filles de tes oncles, et de tes tantes qui ont pris la fuite avec toi, et toute femme fidèle qui te livrera son cœur. C’est un privilége que nous t’accordons.

Nous connaissons les lois du mariage que nous avons établies pour les croyans. Ne crains point d’être coupable en usant de tes droits. Dieu est indulgent et miséricordieux.

Tu peux, au gré de tes désirs, accorder ou refuser tes embrassemens à tes femmes. Il t’est permis de recevoir dans ta couche, celle que tu en avais rejetée, afin de ramener la joie dans un cœur où régnait la tristesse. Ta volonté sera leur loi. Elles s’y conformeront. Dieu connaît le fond de votre âme. Il est savant et vigilant.

Tu n’ajouteras point au nombre[7] actuel de tes épouses ; tu ne pourras les changer contre d’autres dont la beauté t’aurait frappé ; mais la fréquentation de tes femmes esclaves t’est toujours permise. Dieu observe tout.

O croyans ! n’entrez point sans permission dans la maison du prophète, excepté lorsqu’il vous invite à sa table. Rendez-vous y lorsque vous y êtes appelés. Sortez séparément après le repas, et ne prolongez point vos entretiens ; vous l’offenseriez. Il rougirait de vous le dire ; mais Dieu ne rougit point de la vérité. Si vous avez quelque demande à faire à ses femmes, faites-la à travers un voile ; c’est ainsi que vos cœurs et les leurs se conserveront dans la pureté. Évitez de blesser le ministre du Seigneur. N’épousez jamais les femmes avec qui il aura eu commerce ; ce serait un crime aux yeux de l’Éternel.

L’action que vous produisez au grand jour, celle que vous ensevelissez dans l’ombre, sont également dévoilées à ses yeux.

Vos épouses peuvent se découvrir devant leurs pères, leurs enfans, leurs neveux, leurs femmes, leurs esclaves. Craignez le Seigneur ; il est le témoin de toutes vos actions.

Dieu et les anges sont propices au prophète. Croyans, adressez pour lui vos vœux au Seigneur ; invoquez pour lui la paix.

Ceux qui offenseront Dieu et son envoyé, maudits dans ce monde et dans l’autre, seront dévoués à des peines ignominieuses.

Quiconque blessera injustement la réputation des fidèles sera coupable d’un mensonge et d’un crime.

O prophète ! prescris à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyans, d’abaisser un voile sur leur visage. Il sera la marque de leur vertu, et un frein contre les discours du public. Dieu est indulgent et miséricordieux.

Si les impies, les hommes corrompus, et les séditieux ne se corrigent, nous t’armerons contre eux, et Médine les verra bientôt disparaître.

La malédiction les accompagnera partout, et partout où ils seront arrêtés on les mettra à mort.

Tel est l’arrêt du ciel prononcé contre leurs semblables : ses arrêts sont immuables.

Ils te demanderont quand viendra le jour du jugement. Réponds : Dieu s’en est réservé la connaissance. Il veut te laisser ignorer si sa venue est prochaine.

Il a maudit les infidèles, et leur a promis le feu.

Ils y demeureront éternellement, sans intercesseurs, et sans secours.

Le jour où ils tourneront leurs regards sur les flammes, ils s’écrieront : Fasse le ciel que nous eussions obéi à Dieu et au prophète !

Seigneur, nous avons suivi nos princes et nos chefs, et ils nous ont écartés du droit chemin.

Seigneur, redouble l’horreur de leurs supplices ; accable-les de ta malédiction.

O croyans ! ne ressemblez pas à ceux qui offensèrent Moïse. Dieu le lava de leur calomnie, et lui donna une place distinguée dans le ciel.

O croyans ! craignez le Seigneur. Que la vérité préside à vos discours.

Dieu accordera un mérite à vos actions, et expiera vos fautes. Celui qui suit Dieu et son ministre jouira de la félicité suprême.

Nous avons proposé la foi au ciel, à la terre, aux montagnes : ils n’ont osé la recevoir. Ils tremblaient de porter ce saint fardeau. L’homme l’a reçu, et il est devenu injuste et insensé.

Dieu punira les impies et les idolâtres. Il pardonnera aux infidèles, parce qu’il est clément et miséricordieux.


  1. Mahomet ayant épousé Zainab que Zaïd, son fils adoptif, avait répudiée, les juifs et les impies blâmèrent cette alliance. Dieu les reprend dans ce chapitre en leur déclarant que ces mariages sont permis, et qu’un fils adoptif n’a pas les droits d’un propre fils. Gelaleddin.
  2. Lorsque Dieu tira la postérité d’Adam de ses reins, il contracta une alliance avec tous les prophètes à venir.
  3. La cinquième année de l’Hégire, dix mille Coreïshites, auxquels se joignirent plusieurs tribus arabes, vinrent assiéger Mahomet dans Médine. Les fidèles chancelaient dans la foi. Le prophète les soutint par son courage. Après vingt jours d’efforts inutiles, les ennemis, ayant vu leurs tentes renversées par les vents terribles du sud-est, furent obligés de lever le siége. (Voyez Vie de Mahomet.)
      Mahomet fit envisager aux croyans cet événement comme une faveur du ciel, et parut à leurs yeux disposer des élémens.
      Dans l’Arabie et l’Égypte, le vent de sud-est commence à souffler aux approches du printemps. On le nomme khamsin qui signifie cinquante, parce qu’il se fait sentir à différentes reprises dans l’espace de cinquante jours. C’est un vent impétueux qui porte ordinairement avec lui des tourbillons d’une poussière brûlante. Au mois de mai 1779 j’étais à Alexandrie. L’air était pur et serein. Le thermomètre depuis plusieurs jours se tenait à vingt-trois degrés, chaleur tempérée du climat. Le vent de sud-est commença à souffler, et dans un instant le thermomètre monta à trente-trois degrés. Un nuage universel formé d’un sable fin et brûlant enveloppa le ciel. Le soleil ne jetait plus qu’une lumière pâle et obscure. Cette poussière enflammée, que le vent roulait en tourbillons, pénétrait dans tous les appartemens. Il fallait tenir son mouchoir à la bouche pour ne la pas respirer. On rapporta à la ville plusieurs personnes que l’on trouva étouffées dans les sables. Le thermomètre monta jusqu’à trente-six degrés, et le nuage de sable se dissipa après avoir duré environ trois heures ; mais la chaleur continua jusqu’au lendemain.
  4. Cet exemple est le courage et la constance avec lesquels il soutint les assauts des ennemis.
  5. Voyez vie de Mahomet, cinquième année de l’Hégire.
  6. Les musulmans regardent Mahomet comme le sceau des prophètes, Khaten Elnabüm. Ils disent qu’il est venu confirmer la mission de ceux qui l’ont précédé et qu’il n’en est point paru depuis lui.
  7. Mahomet avait alors neuf femmes.