Coran Savary/036

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Traduction par Claude-Étienne Savary Voir et modifier les données sur Wikidata.
G. Dufour (2p. 192-198).





I. S.


donné à la mecque, composé de 83 versets
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Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


I. S. J’en jure par le Coran qui contient la sagesse,

Tu es l’envoyé du Très-Haut.

Ta voix appelle les hommes au chemin du salut.

Celui qui est puissant et miséricordieux t’a envoyé le Coran ;

Afin que tu leur prêches une religion qui n’a point été enseignée à leurs pères ; mais ils vivent dans l’insouciance.

Le plus grand nombre d’entre eux vérifieront nos prédictions, parce qu’ils sont incrédules.

Nous avons chargé leurs cous de chaînes longues et pesantes. En vain ils voudraient lever la tête.

Une double barrière arrête leurs mouvemens. Un voile les enveloppe. Ils ne sauraient voir.

Soit que tu leur fasses entendre la parole divine, soit que tu gardes le silence, ils persisteront dans leur incrédulité.

Prêche des vérités de la religion à celui qui croit au Coran, et qui nourrit dans le secret la crainte du miséricordieux. Promets-lui l’indulgence de Dieu, et une récompense glorieuse.

Nous rendrons la vie aux morts. Leurs actions, leurs démarches seront écrites dans le livre de l’évidence.

Raconte-leur la conduite des habitans d’une grande ville, lorsqu’ils reçurent les apôtres.

Ils avaient accusé de mensonge deux messagers de la foi ; nous en envoyâmes un troisième, et ils s’écrièrent tous ensemble : Nous sommes les ministres du Seigneur.

Vous n’êtes que des mortels comme nous, leur répondit-on ; Dieu ne vous a rien révélé ; vous êtes des imposteurs.

Dieu est, ajoutèrent les apôtres, le témoin de notre mission.

Nous ne sommes chargés que de vous prêcher la vérité.

Nous augurons mal de vous, reprit le peuple, et si vous ne cessez vos exhortations, vous serez lapidés et livrés aux supplices.

Suspendez votre présage ; quand vous aurez entendu notre doctrine, peut-être que vous reviendrez de vos excès.

Un homme accouru de l’extrémité de la ville s’écria : Peuple, suivez les ministres du Très-Haut ;

Suivez ceux qui ne vous demandent point de récompense. Ils professent la vraie religion.

Pourquoi refuserais-je mon hommage à celui qui m’a créé, et auquel nous retournerons tous ?

Offrirai-je mon encens à des dieux dont la protection me sera inutile, et qui ne pourront me mettre à l’abri des châtimens célestes ?

Ce serait un aveuglement déplorable.

Je crois en votre Dieu. Peuple, écoutez……

L’ange du Seigneur lui dit : Martyr de la foi, entre dans le jardin de délices. Plût à Dieu, s’écria-t-il, que les infidèles connussent mon bonheur !

Comblé des faveurs du ciel, je suis élevé à un rang glorieux.

Nous ne fîmes point descendre des légions d’esprits célestes pour châtier les incrédules ; ce n’est point ainsi que nous les punissons.

L’ange exterminateur éleva la voix, et ils furent anéantis.

Malheur déplorable des humains ! Tous les prophètes que nous leur avons envoyés ont été l’objet de leurs railleries.

N’ont-ils pas vu les ruines des générations passées ?

Elles ne reparaîtront plus sur la terre.

Mais tous les hommes seront rassemblés devant notre tribunal.

Les campagnes stériles où nous faisons éclore les germes de la fécondité, produisent les moissons dont ils se nourrissent ; image frappante de la résurrection.

Nous faisons croître dans leurs jardins le palmier et la vigne ; nous y faisons couler le ruisseau qui les arrose.

Les fruits éclos sous leurs mains laborieuses deviennent leur nourriture. Ne seront-ils jamais reconnaissans ?

Louange à celui qui a produit toutes les plantes, tous les êtres qui couvrent la terre, et tant d’autres que l’homme ignore !

La nuit atteste notre puissance. Nous lui ôtons la clarté du jour, et la terre reste dans les ténèbres.

Le soleil parcourt sa carrière jusqu’au lieu où il se repose, ainsi que l’a ordonné le Dieu puissant et savant.

Nous avons réglé les phases de la lune, et l’instant où elle paraît suspendue comme la grappe du dattier[2].

Le soleil ne doit point l’atteindre dans son cours. La nuit ne prévient point le jour. Tous les corps célestes roulent dans leurs sphères.

Le salut de la race humaine, dans l’arche remplie, est un signe de notre puissance.

Nous avons formé des bâtimens semblables pour voguer sur les mers.

Nous pouvons les ensevelir dans les flots, et rien ne saurait les secourir ni les sauver.

Si nous laissons les hommes jouir de la vie jusqu’au terme marqué, c’est un effet de notre miséricorde.

On leur dit : Craignez celui qui était avant vous et qui sera après, si vous voulez obtenir le pardon de vos offenses ;

Mais le récit des merveilles du Seigneur ne fait qu’accroître leur aversion pour la foi.

Lorsqu’on leur recommande le précepte de l’aumône, ils répondent : Nourrirons-nous ceux que Dieu peut combler de biens ? Assurément vous êtes dans l’erreur.

Quand viendra, ajoutent-ils, l’accomplissement de vos promesses ? Parlez si la vérité vous éclaire.

Tandis qu’ils disputent, le cri de l’ange peut se faire entendre tout à coup, et ils disparaîtront de la face de la terre.

Ils n’auront pas le temps de faire un testament, et ils ne seront point rendus à leurs familles.

La trompette sonnera une seconde fois[3], et ils se hâteront de sortir de leurs tombeaux pour paraître devant Dieu.

Malheur à nous ! s’écrieront-ils. Quelle voix nous a fait quitter le repos[4] où nous étions ? Voilà l’accomplissement des promesses du miséricordieux. Ses ministres nous annonçaient la vérité.

Un seul son de la trompette aura rassemblé le genre humain devant notre tribunal.

Dans ce jour, personne ne sera trompé. Chacun recevra le prix de ses œuvres.

Dans ce jour, les hôtes du paradis boiront à longs traits dans la coupe du bonheur.

Couchés sur des lits de soie, ils reposeront près de leurs épouses, sous des ombrages délicieux.

Ils y trouveront tous les fruits. Tous leurs désirs seront comblés.

La paix habite avec vous, leur dira le miséricordieux.

Séparez-vous, dira-t-on aux impies.

Enfans d’Adam, ne vous avais-je pas dit : N’adorez point Satan, il est votre ennemi déclaré ;

Adorez-moi, c’est le chemin du salut.

Il a séduit la plus grande partie des hommes. N’aviez-vous donc pas d’intelligence ?

Voilà l’enfer dont on vous avait menacés.

Allez expier dans les flammes votre infidélité.

Dans ce jour, je poserai mon sceau sur leur bouche. Leurs mains seules parleront, et leurs pieds rendront témoignage de leurs œuvres.

Nous pouvons leur ravir la vue, et ils erreraient çà et là au milieu des ténèbres.

Nous pouvons les métamorphoser dans le lieu qu’ils habitent, et les rendre immobiles.

Celui dont nous prolongerons la vieillesse se rapproche de l’enfance. Ne le comprenez-vous pas ?

Nous n’avons point enseigné la poésie au prophète. Cet art ne lui convient pas. Son ministère est la prédication et la lecture.

Il doit exhorter celui qui a la vie, et menacer l’infidèle des vengeances célestes.

Ne voient-ils pas que les troupeaux qu’ils possèdent sont un de nos bienfaits ?

Nous les leur avons soumis. Les uns leur servent de monture, les autres d’aliment.

Ils en retirent les plus grands avantages. Ils se désaltèrent avec leur lait. Leurs cœurs ne s’ouvriront-ils point à la reconnaissance ?

Ils rendent des hommages à des divinités étrangères, et recherchent leur protection.

Elles sont incapables de leur donner du secours. L’adorateur et l’idole seront la proie des flammes.

Ne t’afflige point de leurs discours. Je connais et leurs secrets, et ce qu’ils profèrent au grand jour.

L’homme ignore-t-il que nous l’avons créé de boue ? Cependant il dispute opiniâtrement.

Il propose des argumens, et, oubliant sa création, il s’écrie : Qui pourra ranimer des os réduits en poussière ?

Réponds : Celui qui les a créés la première fois les ranimera. Il connaît toute la création.

C’est lui qui a mis du feu dans l’arbre vert, comme l’attestent les étincelles que vous en faites jaillir.

L’architecte des cieux et de la terre ne pourrait-il former des hommes semblables à vous ? Il le peut. Il est le créateur éclairé.

Telle est sa puissance qu’à sa voix les êtres sortent du néant.

Louange à celui qui tient dans ses mains les rênes de l’univers ! Tous les mortels reparaîtront devant lui.


  1. Les mahométans récitent ce chapitre dans leurs enterremens. De grandes récompenses sont attachées à sa lecture. Lorsqu’on le lit auprès d’un mourant, dix anges descendent à chaque lettre que l’on prononce ; ils se rangent autour de son lit, et prient pour lui. S’il meurt, ils assistent aux ablutions de son corps, et suivent les funérailles. L’ange de la mort respecte le fidèle qui a lu ce chapitre avant d’expirer. Il ne peut se saisir de son âme que le gardien du paradis ne l’ait vivifiée par un breuvage céleste. Le mahométan purifié par ce breuvage n’aura plus besoin de se laver dans la piscine des prophètes, pour entrer dans le séjour des délices. Zamchascar.
  2. Le dattier produit trois ou quatre grosses grappes qui naissent de son sommet et qui sont suspendues à l’entour.
  3. Entre le premier et le second son de la trompette, il s’écoulera quarante ans. Gelaleddin.
  4. Pendant cet espace de temps les morts dormiront, mais ils ne souffriront point. Gelaleddin.