Correspondance (Diderot)/60

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Correspondance générale, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierXX (p. 45-48).


LX

AU COMTE DE MUNICH[1]
Le 31 janvier 1774.
Monsieur le comte,

Voilà les principales questions sur lesquelles je vous supplie de m’instruire. Quand vous m’aurez appris ce que vous en savez, personne n’en saura plus que moi. Pardonnez cette importunité à un étranger qui voudrait bien ne pas s’en retourner tout à fait ignorant. Songez que je serai assailli d’interrogations, et qu’il faudra pourtant satisfaire à quelques-unes. Si vous aviez écrit quelque chose sur l’administration politique, civile, militaire, etc., et que vous m’estimassiez assez pour me confier vos réflexions, je vous jure que je n’aurai aucune répugnance à me parer de vos plumes.

Je suis, etc.


Questions renvoyées par Sa Majesté Impériale à M. le comte de Munich.

1. À combien peut s’évaluer la production annuelle en grains de toute la Russie ? Cela se sait-il ?

2. À combien peut s’évaluer le produit annuel du chanvre et du lin, année commune ?

3. Quelle quantité l’étranger en tire-t-il ?

4. Sur les détails du tabac, renvoyé à M. le comte de Munich.

5. Quel était le prix du bail de la douane en 1749 ?

6. Quelle quantité de chaque sorte de bois sort-il annuellement des forêts de Russie ?

7. Sur la poix, le goudron et le brai, renvoyé à M. le comte de Munich.

8. Ce qu’il pourra savoir sur la production, la manière de recueillir, le transport et la rente de la rhubarbe.

9. Quelle est la quantité de chevaux tirés de l’étranger, année commune ?

10. Ce qu’il saura sur le commerce du miel et de la cire.

11. La quantité de l’exportation annuelle des poteries et des cuirs. Celle des cuirs verts est-elle permise ?

12. La population approchée de l’empire, de Pétersbourg, de Moscou, des principales villes de l’empire.

13. Je lui serai bien obligé de me débrouiller le dédale du commerce des eaux-de-vie.

14. Quelle quantité d’huile tirée de l’étranger, année commune ?

15. À combien s’évalue l’exportation du poisson et du caviar, année commune ?

16. Quel est le rapport du salaire du journalier au prix des denrées nécessaires ou combien un ouvrier journalier pourrait-il acheter de pain avec son salaire ?

Ce que vaut la livre du pain qu’il mange.

17. Que paye-t-on pour avoir le droit d’exercer librement son métier de tailleur, de perruquier, etc., et à qui ce droit se paye-t-il ?

18. Saurait-on à peu près le nombre des métiers-battants de l’empire ?

19. Où sont les fabriques de savon ?

20. Y a-t-il plusieurs manufactures de glaces ?

Où en est celle qui a été établie par Pierre le Grand ?

21. A-t-on des métiers à bas ?

22. Quel est le salaire des matelots ? Quel est le fret ?

Quel est le cabotage de port à port ? Emploie-t-il beaucoup de navires ?

23. Y a-t-il quelques banques ou compagnies d’assurances ?

Quel est le cours dans les temps de paix ?

Y a-t-il quelques usages de jurisprudence sur ce point ?

24. Sa Majesté Impériale prie (oui, prie) M. le comte de Munich de tâcher de me trouver un tableau le plus complet qu’il se pourra : des poids et mesure, longueur, largeur et profondeur, itinéraires, de solide, de fluide, etc.

25. Même prière pour les monnaies (autre tableau). Les espèces d’or et d’argent, leur titre ou grain de fin.

26. Quel est le revenu total de l’empire ?

27. Quelle est la dette publique ?

28. Pour combien de papier ?

29. Comment et où se fait l’échange des espèces étrangères ?

Y a-t-il des changeurs en titre et privilégiés ?

30. Les tributaires de la couronne payent-ils en argent ou en denrées ?

Si en denrées, que deviennent-elles ?



  1. Inédite. Communiquée par M. Étienne Charavay. Le comte de Munich a publié : Ébauche pour donner une idée de la forme du gouvernement de l’empire de Russie, Copenhague, 1774, in-12. Les questions que Diderot lui adressait semblent indiquer le projet de faire pour la Russie ce qu’il a fait pour la Hollande. Faut-il croire, comme le dit M. Depping, que l’état peu satisfaisant de l’empire en 1774 l’ait détourné de son projet ?