Correspondance (Diderot)/68

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Correspondance générale, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierXX (p. 71-72).


LXVIII

À BEAUMARCHAIS.
À Sèvres, ce 5 août 1777.

Vous voilà donc, monsieur, à la tête d’une insurgence[1] des poètes dramatiques contre les comédiens. Vous savez quel est votre objet et quelle sera votre marche ; vous avez un comité, des syndics, des assemblées et des délibérations. Je n’ai participé à aucune de ces choses, et il me serait impossible de participer à celles qui suivront. Je passe ma vie à la campagne, presque aussi étranger aux affaires de la ville qu’oublié de ses habitants. Permettez que je m’en tienne à faire des vœux pour votre succès. Tandis que vous combattrez, je tiendrai mes bras élevés vers le ciel, sur la montagne de Meudon. Puissent les littérateurs qui se livreront au théâtre vous devoir leur indépendance ! mais, à vous parler vrai, je crains bien qu’il ne soit plus difficile de venir à bout d’une troupe de comédiens que d’un parlement. Le ridicule n’aura pas ici la même force. N’importe, votre tentative n’en sera ni moins juste, ni moins honnête. Je vous salue, et vous embrasse. Vous connaissez depuis longtemps les sentiments d’estime avec lesquels je suis, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.



  1. Allusion à ce qu’on appelait alors l’insurgence des Américains, dont Beaumarchais se mêlait avec la même vivacité et au même moment que de l’insurgence des auteurs. (Note de M. de Loménie, qui a publié cette lettre dans son grand travail sur Beaumarchais, et l’a, en outre, confiée à G. Bourdin qui en a donné un fac-similé dans l’Autographe.)