Correspondance 1812-1876, 2/1837/CLXXVI

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CLXXVI

À M. GUSTAVE PAPET, À ARS (INDRE)


Fontainebleau, 24 août 1837.


Cher bon vieux,

J’ai perdu ma pauvre mère ! Elle a eu la mort la plus douce et la plus calme ; sans aucune agonie, sans aucun sentiment de sa fin, et croyant s’endormir pour se réveiller un instant après. Tu sais qu’elle était proprette et coquette. Sa dernière parole a été : « Arrangez-moi mes cheveux. »

Pauvre petite femme ! fine, intelligente, artiste, généreuse ; colère dans les petites choses et bonne dans les grandes. Elle m’avait fait bien souffrir, et mes plus grands maux me sont venus d’elle. Mais elle les avait bien réparés dans ces derniers temps, et j’ai eu la satisfaction de voir qu’elle comprenait enfin mon caractère et qu’elle me rendait une complète justice. J’ai la conscience d’avoir fait pour elle tout ce que je devais.

Je puis bien dire que je n’ai plus de famille. Le ciel m’en a dédommagée en me donnant des amis tels que personne peut-être n’a eu le bonheur d’en avoir. C’est le seul bonheur réel et complet de ma vie. On prétend que j’en ai eu de faux et d’ingrats. Je prétends, moi, que non ; car j’ai oublié ceux-là, tant j’ai trouvé de consolations et de dédommagements chez les autres.

Je suis enchantée d’avoir Maurice. Je suis revenue le trouver à Fontainebleau, où nous sommes cachés tête à tête, dans une charmante petite auberge ayant vue sur la forêt. Nous montons à cheval ou à âne tous les jours, nous prenons des bains et nous attrapons des papillons. Je ne suis pas fâchée qu’il ait un peu de vacances. Quand les fonds seront épuisés (ce qui ne sera pas bien long), et que j’aurai terminé mes affaires à Paris, où je retournerai passer trois jours, nous reprendrons la route du pays. Écris-moi ici. Embrasse ton père pour moi. Et aime toujours ta vieille mère, ta vieille sœur et ton vieux camarade. Maurice t’embrasse mille fois.

GEORGE.