Correspondance 1812-1876, 4/1863/DXXVII

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DXXVII

À SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLÉON (JÉRÔME),
À PARIS


Nohant, 22 mars 1863.


Mon grand ami,

Vous seul êtes jeune et généreux, et brave ! Vous seul aimez le vrai pour lui-même ; vous seul avez le génie du cœur, le seul qui soit vraiment grand et sûr. Je vous estime et vous aime toujours de plus en plus, cher noble cœur, flamme brillante au sein de ce banc de houille qu’on appelle le Sénat ; mais ce n’est pas de la houille, on ne peut pas l’allumer. Ah ! c’est un monde de glace et de ténèbres ! Ils votent la mort des peuples comme la chose la plus simple et la plus sage, puisqu’ils se sentent morts eux-mêmes. Soyez fier de n’être pas aimé de ces gens-là. Tout ce qui vit encore en France vous en tiendra compte.

J’attends mon exemplaire, ne m’oubliez pas ; car je n’ai que l’extrait des journaux, et ce n’est pas assez.

Mes enfants sont heureux de vous avoir vu. Ma chère petite fille, qui est un enfant généreux, vous porte dans son cœur. Elle s’est trouvée malade chez vous, pourtant ; sa position intéressante amène de petits accidents peu graves, mais qui la forçaient de se sauver de partout sans dire bonsoir ; et Maurice, inquiet de la fréquence de ces évanouissements, me l’a vite ramenée. Elle va bien, à présent. Tous deux me chargent de leurs sentiments pour vous et je vous charge de nos respects à tous pour la princesse. Votre fils est beau, très beau, à ce qu’ils disent. Lina l’a regardé à pleins yeux, avec émulation. Monseigneur, ne le laissez pas élever par les prêtres !

À vous tous nos vœux et toute notre affection.

G. SAND.