Correspondance 1812-1876, 5/1865/DLXXXV

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DLXXXV

AU MÊME


Palaiseau, 9 mars 1865.


Cher prince, vous me disiez bien que rien n’était fait puisqu’il y avait encore à faire. Le désaveu de M. Duruy et de votre généreuse inspiration ne vous surprend peut-être pas ; mais il doit vous fâcher. Moi, je n’en suis pas contente, oh ! non. Mais c’est partie remise, j’espère, et vous emporterez d’assaut la citadelle à la première occasion. Il y a là une belle question à plaider devant le pays. Vous la plaiderez, n’est-ce pas ?

Je ne sais pas si on vous a envoyé, comme je l’avais demandé, l’épreuve de mon article sur la Vie de César. Je n’ai pas dû me demander si elle plairait ou non à l’illustre auteur.

Tout en rendant hommage au talent réel et considérable, je ne puis accepter la thèse, et j’ai failli dire que, comparer l’œuvre de César, cet acheteur de consciences, à l’œuvre peut-être blâmable à certains égards, mais du moins intègre et vraiment fière de Napoléon 1er, me paraissait un blasphème. Je l’aurais dit si je n’eusse craint d’empiéter sur le domaine de la politique, interdite au petit journal où j’insère cet article, à la demande de mon éditeur.

Vous m’avez fait espérer que je vous verrais un de ces jours, mon grand ami. J’ai tellement peur de vous manquer, que je ne bougerai pas de la semaine.

Je vous aime de tout mon cœur.

G. SAND.