Correspondance 1812-1876, 6/1870/DCCLIX
DCCLIX
À M. EDMOND PLAUCHUT, À PARIS
Toujours à la veille de voir nos communications interrompues, je veux t’écrire encore, te bénir et t’embrasser. J’ai été malade tous ces jours-ci, non de peur, je n’ai pas peur, mais du chaud et du froid qui se succèdent si brusquement, qu’on est pincé. Cela n’est rien ; je suis heureuse que ton neveu soit retrouvé. Espérons que le frère aura eu bonne chance. Ayons espoir et courage. Moi, je ne puis croire que les Prussiens ne réfléchiront pas avant d’engager une lutte à outrance. Je n’y vois pas leur avantage, nous fissent-ils beaucoup de mal.
Veux-tu, au besoin, régler un détail pour moi ? On me dit que tout le monde est tenu de loger des mobiles. Mets ton neveu chez moi, si tu veux ; mais, pour tout autre, comme on peut payer pour s’en dispenser, veille à ce que Boutet paye pour moi. Dis à Martine[1], s’il y a lieu, de s’en occuper.
Quant à préserver mon petit nid de l’invasion, de l’incendie et du pillage, nul n’y peut ; si les choses en venaient là, je ne songerais guère à mon propre dommage. Nous sommes menacés ici des bandits et des rôdeurs, plus à craindre que les soldats allemands. Nous avons un nouveau préfet qui ne nous donne pas signe de vie pour organiser et armer les gardes nationales sédentaires. Nous ne sommes pas ridiculement préoccupés de nos intérêts personnels, mais enfin nos récoltes, nos bestiaux sont pour la France et non pour les repris de justice.
Solange nous est arrivée ces jours-ci avec un programme alarmiste no 1. Nous tâchons de la calmer. Nous t’embrassons bien tendrement, mon brave enfant.
- ↑ Femme de confiance de madame Sand.