Correspondance 1812-1876, 6/1871/DCCCXXXII

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Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 173-174).


DCCCXXXII

À M. HENRY HARRISSE, À PARIS


Nohant, 21 octobre 1871.


Merci de vos très bons feuilletons, mon cher ami. Si vous avez le cœur encore malade, vous avez du moins l’esprit très net et très vif. Quand j’aurai lu la pièce, je vous donnerai mon avis. D’avance je vous dis que je ne suis pas de ceux qui prétendent que faire servir l’art à soutenir une thèse, c’est le rabaisser. Je suis de l’avis tout contraire. Le but élevé élève l’art, et, quand on pense autrement, c’est peut-être qu’on embrouille une question mal posée. On dit que l’art ne doit prouver qu’en manifestant. Eh bien, le Parthénon manifeste le beau, et certes il a voulu le prouver. Dumas montre le mal pour le faire haïr. Si, comme Michel-Ange à la chapelle Sixtine, il peint l’enfer de main de maître, il a réussi ; si, comme les sculpteurs des cathédrales du moyen âge, il ne montre que le hideux et l’obscène, il a échoué ; mais je ne crois pas qu’il soit dans le dernier cas. Cela ne se peut, car il est un maître et non un manœuvre.

Trouvez-vous que Paris se relève intellectuellement, l’aimez-vous toujours ? Moi, je crains de le revoir.

Toutes les amitiés de Nohant, et tous mes remerciements pour vos bonnes et charmantes lettres.

G. SAND.