Correspondance 1812-1876, 6/1872/DCCCLXXII
DCCCLXXII
À MADAME EDMOND ADAM, AU GOLFE JOUAN
Tout le monde va bien à Nohant, ma Juliette. Maurice vient de repartir pour une excursion entomologique dans la forêt d’Orléans, après avoir exploré la Sologne il y a quelques jours. Il ne va pas mal et c’est toujours la gaieté de la maison.
Nous avons été à la mer en juillet et août, je crois vous l’avoir écrit ; les petites y ont laissé leur coqueluche. Moi, j’ai rapporté la mienne, mais j’y suis habituée, ça ne me gêne plus. Nous avons eu, pendant tout septembre, quinze et vingt convives, danse, marionnettes, musique surtout. Ah ! quelle musique ! Pauline Viardot et ses deux filles ! Les joies du beau que vous avez eues à Venise, nous les avons eues à Nohant.
Tourguenef aussi est venu et notre ami le général Ferri ; je ne vous parle pas des autres, que vous ne connaissez pas. J’ai eu avec tout cela un gros travail à finir. À présent, je me dispose à aller passer quelques jours à Paris, pour y retourner ensuite un peu plus longtemps, et peut-être aurai-je alors la joie de vous y trouver.
Plauchut est revenu ici en même temps que madame Viardot. Il m’attend pour retourner à sa niche du boulevard des Italiens. Il chasse, c’est-à-dire son chien chasse, et il le suit nonchalamment ; nous le taquinons toujours et, comme toujours, il nous le rend en riant comme un gros bossu qu’il est.
Lolo rapprend à lire ; elle avait fait semblant d’oublier pendant les vacances ; mais, comme je ne me fâche pas et fais semblant de la croire, elle commence à s’ennuyer de ce jeu et à lire très bien. Elle est superbe de santé et toujours très bonne fille. Titite reprend aussi à vue d’œil.
Voilà toute notre existence ; elle ne change pas au fond, on s’aime et on s’entend. Que Dieu vous donne ce bonheur, chère enfant ! Que votre gendre soit pour vous ce que Lina est pour moi, et vous serez bien récompensée de votre amour pour cette charmante Alice. Je les embrasse tous deux, et je vous embrasse avec Adam. Saluez pour moi le cher Bruyères tout entier ; ma nichée vous envoie mille tendresses.
Je lirai votre Journal du siège en volume, je ne peux pas lire les feuilletons ; — vous me le donnerez ?