Correspondance 1812-1876, 6/1873/CM
CM
À M. LOUIS VIARDOT, À PARIS
Cher ami, merci pour le gibier, qui était, à la lettre, exquis. Je crois que votre fusil a eu la divination nécessaire pour s’adresser à un chevreuil de premier ordre. Merci bien plus pour les jours heureux que nous venons de passer avec votre adorable famille. Merci encore pour l’envoi de votre livre, athée… que vous êtes ! Un seul reproche c’est trop affirmatif. Vous êtes un homme sage, très sage, mais il faut devenir un sage. Et le sage doute assez de tout pour ne pas poser une négation comme une affirmation absolue et ardente. Il y a toujours deux faces à la vérité, et le jugement rectifie l’anthithèse des apparences. Nous ne nous convertirons pas l’un l’autre, cela est certain, et pourtant, dans un examen approfondi de certaines questions, deux sages rencontreraient le point d’accord. Je vous trouve intolérant, non envers les personnes, je suis sûre que vous êtes, au contraire, très tolérant, mais envers l’idée que vous rejetez, et vous ne songez pas assez que le prêtre est intolérant au premier chef, parce qu’il rejette absolument l’idée contraire.
Sur ce, je dis encore avec le vieux sage : Que sais-je ? Mais je sais bien que je vous aime et vous embrasse de tout mon cœur.