Correspondance choisie de Gœthe et Schiller/1/Lettre 21
Texte établi par Jules (Francisque) Gérard, J. Delalain et Fils, (p. 37-38).
21.
Votre idée des Xénies[1] est admirable ; il faut la mettre à exécution. Celles que vous m’avez envoyées aujourd’hui m’ont fort amusé, surtout les dieux et les déesses que vous y mêlez. De semblables titres suffisent presque à assurer le succès. Mais je pense que, si nous voulons compléter la centaine, il nous faudra aussi nous attaquer à des œuvres en particulier, et quelle riche matière ne trouverons-nous pas là ! Ne nous ménageons pas nous-mêmes ; nous pouvons mordre sur le sacré et le profane. Quelle abondance de sujets ne nous offre pas la clique de Stolberg, Racknitz, Ramdohr[2], le monde métaphysique avec son moi et son non-moi, l’ami Nicolaï[3], votre ennemi juré, et la boutique de Leipzig, et Thümmel[4] et Gœschen, son écuyer, et tant d’autres !
- ↑ Le nom des Xénies est emprunté à Martial, le poëte latin ; le treizième livre de ses épigrammes est composé de distiques, que l’auteur appelle Xénies, du mot grec ξένια, présents d’hospitalité, dons offerts par l’hôte à ceux qu’il reçoit. Les Xénies de Gœthe et de Schiller sont des épigrammes condensées en un seul distique.
- ↑ Écrivains peu connus, auteurs de livres de philosophie et d’esthétique ; Ramdohr avait composé un ouvrage intitulé Charis ou du beau dans les arts d’imitation.
- ↑ Nicolaï (Christophe-Frédéric), né à Berlin en 1733, écrivit de concert avec Lessing et Mendelssohn les lettres célèbres sur la littérature, qui exercèrent une grande influence sur le développement des esprits en Allemagne ; il devint par amour-propre et par envie l’ennemi de Schiller et de Goethe.
- ↑ Thummel, né à Leipzig en 1738, mort à Cobourg en 1817, écrivain satirique, connu par sa Wilhelmine ou le pédant fiancé, et par son Voyage romanesque dans les provinces du midi de la France.