Correspondance d’Orient, 1830-1831/043

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Correspondance d’Orient, 1830-1831
Ducollet (p. 293-306).

LETTRE XLIII.

SUR LA RÉFORME EN TURQUIE.

Péra, septembre 1830.

Vous désirez, mon cher ami, que je vous parle, souvent de la révolution qui s’opère dans ce pays, vous désirez connaître son caractère, sa physionomie, ce qu’elle a fait et ce qu’elle a produit jusqu’à ce jour. Il n’est pas facile de répondre à toutes vos questions et de vous informer exactement de ce que vous voulez savoir ; vous, avez dû voir déjà que la révolution des Turcs ne se faisait pas comme la nôtre ; chez vous, c’est le peuple qui veut réformer son gouvernement, à Stamboul, c’est le gouvernement qui voudrait réformer le peuple ; d’un côté, le signal des révolutions est venu d’en haut, de l’autre une révolution vient de sortir des pavés ; 
ici un seul homme se met à la tête des réformes, il s’avance comme dans l’ombre, et la révolution
 qu’il médite est encore un des mystères du despotisme. En France, vous avez affaire à toutes les in
discrétions des partis, aux fureurs bruyantes de la 
démocratie qui veut sur toute chose qu’on la regarde et qu’on l’écoute ; chez les Turcs, la révolution se montre un jour sur les places publiques, mais tout se passe ensuite dans l’enceinte muette 
du sérail ; au dehors, pas un mot, et le silence 
même du peuple n’a rien à nous apprendre. Lors qu’une révolution vous arrive en France, la presse 
la proclame, et cent mille voix s’élèvent pour la
 discuter, la commenter ou la défendre ; il n’est 
point de cité, point de bourgade qui n’en retentisse ; on peut la comparer à un grand mélodrame 
qui se joue en plein air, dans lequel tout le monde
 est acteur ou spectateur, et dont les représentations se renouvellent sans cesse et dans mille endroits à la fois : Pour me résumer en quelques
 mots, rien n^est plus difficile en Turquie que de
 voir les révolutions qui se font ; en France, il serait impossible de ne pas les voir.

Et vous disant que la révolution des Turcs ne
 ressemble pas à la nôtre, je vous ai peut-être
 mis sur la voie de la connaître, ou d’en avoir au
 moins quelque idée. J’ajouterai seulement au petit
 parallèle que je viens de vous faire, quelques observations générales sur l’état des esprits et des opinions à Stamboul, dans le moment où je vous écris ; je joindrai à ces observations ce que j’ai appris dans mes conversations avec quelques Français éclairés qui habitent cette ville depuis plus longtemps que moi.

Je dois vous dire qu’on se fait beaucoup d’illusions à Paris et sans doute aussi dans d’autres grandes cités de l’Europe sur les progrès des lumières et de la civilisation à Constantinople ; voyons à quoi se réduisent ces progrès. Je vous ai déjà parlé des changemens dans les costumes ; le fesse rouge qui a succédé au turban, la babouche qui imite le soulier, un cafftan dont on a fait une redingote, enfin des, habits qui ont à la fois quelque chose de turc et quelque chose de français, et qui ne sont ni français ni turcs, voilà ce qui frappe d’abord un étranger qui veut savoir ce qu’a produit la réforme de Mahmoud. J’ajouterai que les nouvelles milices ont été amenées à faire l’exercice en commun, à s’aligner, à garder, leurs rangs, à manier le fusil et la bayonnette à peu près comme nos soldats ; on sait combien d’obstacles il a fallu vaincre pour arriver là ; ces changemens méritent sans doute notre attention, et doivent jusqu’à un certain point exciter notre surprise ; mais je crains bien que tout cela ne soit encore au fond que de la barbarie de la barbarie vêtue à la franque et disciplinée à l’européenne.

La civilisation, et surtout celle qu’on emprunte, ne saurait faire des progrès rapides chez un peuple à qui on répète tous les jours qu’il est le premier des peuples, et dans une société qui se croit toujours le modèle des sociétés. Pour arriver d’ailleurs à une civilisation quelconque, il faudrait en avoir au moins une première idée et savoir ce que c’est ; ici notre civilisation est tout-à-fait comme une terre inconnue, comme un monde nouveau ; il est difficile de marcher droit vers un but qu’on ne connaît pas, et de marcher vite lorsqu’on ne sait pas précisèrent où l’on va ; il n’y a point de véritable zèle, parce qu’il n’y a point de conviction ; le sultan lui-même ne croit pas toujours à sa propre révolution ; de là ces hésitations qui ressemblent au découragement, et qui font croire quelquefois que tous les projets de réforme sont abandonnés.

Vous, savez quel fut l’enthousiasme qui suivit la chute des janissaires ; cet enthousiasme est tombé sans que le sultan Mahmoud en ait profité pour la révolution qu’il voulait faire. Il y a cinq ans que la réforme est commencée, et je ne crains pas de dire que, sous certains rapports, on est moins avancé que le premier jour. On a pu voir en Turquie ce qui est arrivé et ce qu’arrivera sans doute encore dans d’autres pays où les révolutions, au moins pour ceux qui les font, n’ont qu’une belle journée, c’est la première. Tout le monde est dans l’ivresse, parce qu’on croit que tout est là, que tout est fini ; lorsqu’on est obligé de recommencer le lendemain, les esprits se refroidissent, les opinions se divisent ; d’un côté la lassitude, de l’autre la discorde, n’y a-t-il pas là plus qu’il n’en faut pour revenir au point d’où on était parti, ou tout au moins, pour porter ses regards en arrière ? Au premier jour d’une révolution, tout est simple, tout est facile ; à mesure qu’on avance, tout, se complique, tout devient problème, contrariété. La grande difficulté pour tous ceux qui font des révolutions, c’est de les conduire ; les révolutions, même celles qui ont pour mobile la nécessité des temps, ressemblent à nos aérostats, qu’on peut facilement lancer dans les nues avec un peu de gaz inflammable, mais qui, montés brusquement au plus haut du ciel, deviennent le jouet des vents, parce que le génie de l’homme n’a point trouvé le secret de les diriger.

Mahmoud sera-t-il plus heureux que tant d’autres ? À sa cour, les vieux Osmanlis hésitent à le suivre ; les uns craignent d’être supplantés par des jeunes gens, impatiens d’arriver aux affaires, et qui se prêtent plus facilement aux nouveautés ; les autres, et c’est le plus grand nombre, restent en arrière par la raison que leur pli est pris, et qu’ils ne peuvent changer leurs habitudes. Il n’y a rien de plus difficile dans le monde que d’apprendre à vivre, et le tort des révolutions est d’exiger qu’on retourne à l’école et qu’on désapprenne la vie. Je me rappelle ce que me disait le disdar d’Athènes : Les révolutions sont bonnes pour les jeunes gens. Cette nécessité de changer sa vie doit être plus pénible encore en Turquie que partout ailleurs ; il n’est pas de pays où l’on se règle plus d’après le passé. Le respect pour le passé est un caractère ineffaçable chez les Turcs ; ils le montrent en toute occasion, dans la politique comme dans la morale, dans les affaires sérieuses comme dans celles qui ne le sont pas ; si vous demandez à un Osmanli pourquoi le monde existe, il n’en verra pas d’abord d’autre raison, si ce n’est que le monde existait hier. C’est le passé qui est pour lui la vérité, qui est la justice, qui est la loi, qui est Dieu. Vous pouvez juger combien ce caractère doit être favorable aux abus, lorsqu’ils ont vieilli, et combien il est peu propre à seconder une réforme quelle qu’elle soit.

Nous avons vu les ulémas s’associer d’abord à la révolution du sultan Mahmoud ; ils ont bien cotisent à la destruction d’une milice rebelle, mais à condition qu’ils deviendraient les seuls conseillers du trône, et que par-là ils seraient les maîtres d’arrêter le mouvement où ils voudraient. Comme ils sont les interprètes de la loi religieuse, et que la loi religieuse se mêle à tout, il n’est point d’amélioration ou de réforme qu’ils ne puissent empêcher avec un article du Coran. Autrefois, les ulémas se servaient des janissaires pour faire de l’opposition au gouvernement. Ils s’appuient maintenant, pour conserver leur domination, sur ce qui est resté dans le peuple de l’esprit séditieux des janissaires.

La résistance qu’on oppose à Mahmoud est d’autant plus opiniâtre qu’elle est toute religieuse ; je ne sais si je me trompe, mais il me semble que l’ascendant de la raison ne devait pas suffire pour réformer un peuple qui n’est point éclairé et qui n’est que superstitieux. Pour prendre son rang parmi les grands législateurs, Mahmoud aurait mieux fait de se présenter aux Turcs comme un inspiré, comme un prophète, que comme un philosophe et un ami des lumières ; les dévots musulmans l’accusent d’avoir oublié les préceptes du Coran ; pour moi, je lui reproche d’avoir oublié l’exemple de Mahomet, qui ne faisait pas, comme on sait, de la philosophie avec ses disciples, et qui, pour accréditer sa législation, ne s’est pas adressé à la sagesse humaine ; quand on veut réformer un peuple, il faut s’appuyer sur les passions, sur les opinions, et sur les préjugés qui existent, et non sur ce qui n’existe pas encore, sur ce qu’on ne connaît pas ; je ne crois pas qu’on puisse jamais faire une révolution politique en Orient, sans parler à l’imagination et à l’esprit religieux des peuples. Chez des nations où la foi n’arrive qu’à la suite des prodiges, il restait encore au sultan réformateur un dernier moyen d’influence, c’était la victoire. Malheureusement, depuis que son œuvre est commencée, Mahmoud n’a éprouvé que des revers ; en voyant ses flottes détruites, ses armées vaincues, sa capitale menacée, les peuples ont pu se persuader que Dieu n’approuvait pas les desseins de sa politique ; dans l’opinion des Musulmans, un prince que la fortune des armes abandonne n’est point celui que le grand Allah a dû choisir pour leur donner des lois.

Si Mahmoud s’était trouvé à la tête d’une de nos sociétés d’Europe, il aurait pu s’adresser au patriotisme des peuples ; mais le patriotisme, tel que nous le connaissons est une vertu ignorée des Osmanlis. Le seul nom du pays où nous sommes nés, le nom de la ville, de la nation dont chacun de nous tire son origine, nous fait battre le cœur. On ne retrouve point ce sentiment chez les Turcs ; Stamboul n’est pour les Osmanlis qu’un lieu où leur nation est venue camper, qu’une ville dont l’islamisme a pris possession. Comme ces plantes de nos jardins, qui se tournent sans cesse vers le soleil, un bon Osmanli, quelle que soit la contrée qu’il habite, tient toujours ses regards attachés vers les lieux d’où la foi lui est venue, et c’est là qu’est sa terre promise, sa terre de prédilection ; il n’est pas un vrai croyant qui ne donnât la capitale de L’empire pour racheter la Mecque et Médine ; aussi, invoque-t-on plutôt, dans ce pays, le nom de Mahomet et celui des califes que les traditions nationales. Les lois des Turcs sont moins celles du pays qu’ils habitent, que celles de la religion qu’ils professent. Pour me résumer, les Osmanlis ne sont pas les citoyens d’une ville, les sujets d’un empire, ce sont des Musulmans plus ou moins fidèles à leur foi, et chez lesquels tout ce qui pourrait ressembler au patriotisme, est tout-à-fait subordonné au fanatisme religieux.

Les secours que Mahmoud ne trouve point dans son empire, il ne peut les recevoir des étrangers, car les ulémas ne laissent point oublier au peuple ces paroles du prophète : Celui qui prend les étrangers pour amis devient semblable à eux, et Dieu n’est pas le guide des pervers. Cette maxime, qui a long-temps séparé les Ottomans des nations de l’Europe, élève encore une barrière presque invincible entre la Turquie et les peuples policés. Lorsque le czar Pierre voulut civiliser les Russes, il fut plus heureux que Mahmoud. Après s’être délivré de la milice des strélitz, il eut quelque peine à faire tomber la barbe des Boyards et à les faire voyager hors de leur pays ; mais il put lui-même aller chercher en Europe les lumières dont il avait besoin ; il pût employer à son service des étrangers habiles, qu’il associa à la gloire de son entreprise. Le sultan Mahmoud, loin de pouvoir aller lui-même au-devant d’une civilisation inconnue dans son pays, n’a pu consulter jusqu’ici que quelques hommes qu’il oserait à peine avouer devant son peuple, et ne connaît nos lumières que par les donneurs d’avis établis sur la colline de Péra. Le sultan ne pourrait employer ostensiblement, ni dans la paix, ni dans la guerre, les hommes les plus capables de le servir, s’ils n’ont répété que Dieu est Dieu et Mahomet son prophète. Les chefs les plus renommés de nos armées, les hommes d’état que notre Europe admire, ne pourraient jouer, dans la réforme des Turcs, qu’un rôle semblable à celui du souffleur sur nos théâtres.

Ce qui doit affliger ceux qui s’intéressent à la régénération de l’empire ottoman, et qui ont cru que notre civilisation pouvait s’y introduire, c’est de voir que cette civilisation est tout-à-fait incompatible avec le caractère et le génie des. Turcs ; il n’est que trop vrai de dire que les Musulmans ne peuvent arriver à la civilisation telle que nous l’entendons, que par une extrême corruption, que par l’oubli absolu de leurs mœurs, de leurs usages, et de leurs traditions religieuses. Une civilisation acquise à ce prix ne serait-elle pas cent fois pire que la barbarie ? Où prendrait-elle ses racines ? à quoi pourrait-elle se tenir pour avoir quelque durée ? Je sais bien qu’une révolution absolue dans les mœurs des Turcs n’est guère possible, mais alors qu’arrivera-t-il ? Que voyons-nous déjà arriver pour l’époque présente ? Les esprits, si on en juge par la capitale, ne sont pas assez corrompus pour adopter les idées nouvelles, et le sont assez cependant pour ne pas revenir aux idées anciennes ; on a détruit le vieil enthousiasme, d’où venait quelquefois l’opposition ; aucun sentiment généreux et fort ne l’a remplacé. Serait-il donc vrai que l’empire ottoman, qui avait tant de peine à subsister avec les janissaires, ne pût vivre sans eux ? Ce corps redoutable imprimait un mouvement à la nation, et depuis qu’il n’est plus, il n’y a dans les esprits qu’incertitudes, contradictions, découragement. Partout l’absence de ce qui fait la puissance et la vie des sociétés. Les Turcs n’ont plus ni la volonté d’obéir, ni la force de résister ; ils ne peuvent ni s’associer à la révolution présente, ni en faire une autre. Lorsqu’on examine ce singulier état d’une nation, on ne s’étonne plus de l’esprit de fatalisme qui s’accrédite chaque jour davantage et qui consiste à laisser aller les choses comme il plaît à Dieu.

Je ne vous ai parlé jusqu’ici que des Turcs de Stamboul ; l’impulsion qu’on a voulu donner à la nation, si on en croit, ceux qui ont parcouru les provinces, n’a guère dépassé les murailles de Constantinople ; dans l’Anatolie, comme nous avons pu le voir, rien n’est changé aux vieilles opinions ; à Brousse qui n’est qu’à vingt lieues de Constantirnople, tous les Osmanlis portent encore la barbe, la robe flottante et le turban tel qu’on le portait avant la révolution. À mesure qu’on avance vers le Taurus, la répugnance pour le fesse et pour tous les signes de la réforme devient plus grande et plus générale : les Turcs de l’Asie-Mineure, plus superstitieux, plus ignorans que ceux du reste de l’empire, ne voient dans la réforme qu’un fatal présage ; quand on leur dit que le sultan de Stamboul, le vicaire du prophète, le représentant d’Allah, a pris le costume des Giaours, ils ne peuvent s’expliquer une révolution semblable que par la pensée que le monde va finir ; les plus fanatiques regardent Mahmoud comme le dejéal ou l’Ante-Christ dont l’apparition doit annoncer la fin des siècles ; déjà ils croient voir le soleil se lever du côté de l’Occident, comme cela est dit dans le Prophète, et tous ces bruits de changemens et de révolutions ne sont que les sinistres avant-coureurs de la destruction du monde et du dernier jugement. Dans la Turquie d’Europe ou la Romélie, la réforme ne trouve guère de dispositions plus favorables, dans le peuple ; vous avez pu juger de la situation des esprits par ce qui s’est passé à Andrinople à l’arrivée des Russes. Une ville musulmane tombée au pouvoir des infidèles aurait réveillé autrefois le courage du désespoir parmi les Osmanlis, mais on ne voit plus aujourd’hui dans une conquête des chrétiens qu’une punition de Dieu qu’on doit souffrir avec résignation. Dans les contrées les plus belliqueuses, on ne s’en est pas tenu à une désapprobation muette et inactive : les Albanais et les Bosniaques ont montré leur opposition, les armes à la main.

Tel est l’état des esprits dans la capitale et dans les provinces ; examinons maintenant quelles sont les forces que le sultan peu opposer à ces mécontentemens du peuple osmanli. Toutes les espérances de la réforme reposent sur l’armée nouvelle ; les milices dressées à la tactique européenne, représentent pour ainsi dire toute la révolution de Mahmoud, et ce sont elles qui doivent naturellement la défendre ; il ne m’appartient point de juger les progrès de la discipline ; si j’en crois les hommes du métier, les soldats ne manquent pas de zèle et d’obéissance ; mais l’armée n’a point d’officiers instruits ; on peut dire de la réforme militaire ce que nous avons dit de la civilisation ; personne ne sait ici ce que c’est ; il faut des lumières pour discipliner une armée comme pour réformer un peuple ; et tant qu’il n’y aura ni lumières ni instruction chez les Turcs, la société restera barbare, et l’armée sans discipline. Toute la science des nouveaux tacticiens consiste à imiter les Francs, mais ne faut-il pas connaître ce qu’on imite ? Comme la tactique européenne fait chaque jour de nouveaux progrès, n’est-il pas à craindre que les Osmanlis, même en nous imitant, ne restent toujours en arrière ? D’un autre côté, les armées, irrégulières sont toujours là ; on les a conservées dans la crainte sans doute de quelque mécontentement qui aurait amené de nouveaux embarras ; ainsi dans les armées comme partout ailleurs, la barbarie et la civilisation restent toujours en présence l’une de l’autre ; les progrès de la discipline dépendaient beaucoup du choix des instructeurs ; les Turcs ont choisi leurs instructeurs comme ils choisissent leurs médecins ; car on est persuadé en Turquie qu’il suffit de venir du pays des Francs pour savoir la médecine et la tactique ; on a pris tous ceux qui se sont présentés, et les plus habiles ont été le plus mal accueillis, parce que ce sont ceux-là qu’on comprenait le moins.

Ce n’est pas assez d’ailleurs que la discipline ait fait quelques progrès ; il ne suffit pas de passer des revues et d’exercer des soldats devant une caserne ; il faudra que toutes ces milices soient soumises à une dernière épreuve, à celle du champ de bataille. Toute guerre étrangère étant impossible, la guerre civile peut seule offrir à Mahmoud l’occasion et les moyens d’achever sa réforme commencée. La révolte des Albanais est, dit-on, apaisée ; mais que de rebellions peuvent naître encore dans une époque de décadence qui encourage toutes les ambitions ! Si la nouvelle armée du sultan triomphe des ennemis ou des révoltés qu’elle aura devant elle, alors la réforme aura la sanction de la victoire, et le succès sera pour les Turcs comme une décision du ciel ; si les milices succombent, il faudra bien se résigner, et dire avec les mécontens fanatiques que Dieu veut la ruine de l’empire d’Osman.