Correspondance de George Sand et d’Alfred de Musset/Texte entier

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Texte établi par Félix DecoriE. Deman, libraire-éditeur (p. --250).
IL A ÉTÉ TIRÉ 60 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS


10 sur Japon Impérial


50 sur Hollande Van Gelder.

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Alfred de Musset, par lui-même.

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George Sand, par A. de Musset (1833).
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À mon Ami Émile AUCANTE


Mon cher Émile,

Vous connaissez toutes les lettres qui m’ont été écrites par Alfred de Musset, et toutes celles qu’il a reçues de moi. Vous savez que cette correspondance est la meilleure réfutation des calomnies dont j’ai été l’objet.

Parmi toutes ces calomnies, il en est quelques-unes qui m’ont blessée profondément, quelque habituée que je sois à tout supporter en ce genre ; et voici celles que je tiens à réduire à néant : L’accusation de jalousie littéraire ! Celle d’avoir été la cause d’une grave maladie, en suscitant à Alfred de Musset des chagrins antérieurs à cette maladie ; celle de l’avoir mal soigné, négligé, abandonné durant cette maladie ; de l’avoir affligé, menacé, chassé durant sa convalescence celle, enfin, de l’avoir rappelé et ramené à moi pour l’affliger et le menacer encore.

Tout cela est odieux et stupide, et si étranger à mon caractère, si contraire à mes instincts, que je n’éprouve aucun besoin de m’en justifier durant ma vie. Il me semble que la plupart de mes contemporains se lèveraient pour me dire que c’est inutile, que l’œuvre de toute ma vie proteste contre la haine de quelques-uns, et que je n’ai rien à prouver devant la conscience publique. Mes contemporains ont su que si, à cause de lui, j’avais été mal jugée, à cause de moi, lui aussi avait été accusé, parfois condamné. J’ai donc jugé à propos, pour lui comme pour moi, non de raconter notre histoire, mais de présenter, sous le voile de la fiction, une certaine situation, où d’autres que nous ont pu se trouver, et qu’il est facile d’expliquer avec logique, avec droiture, avec le sentiment de l’équité surtout.

Ce tableau d’une lutte morale, c’est Elle et Lui, un roman dont le sujet n’a rien de réel, mais dont le fond est profondément vrai et porte avec soi son enseignement utile pour tous : l’historique de certains états de l’âme, au siècle où j’ai vécu.

Mais l’appréciation de tout ceci peut devenir confuse pour ceux qui nous survivront. Quand notre présent sera leur passé, il en sortira un peu de légende, et la légende qui n’est qu’un ensemble de versions diverses, s’emparera du fait actuel et n’y laissera peut-être plus rien de vrai. Voilà pourquoi je tiens, dans l’intérêt de la vérité, à ce que la correspondance que je vous confie puisse être publiée un jour.

C’est votre avis, c’est celui de tous les amis sérieux que j’ai consultés.

Avant toute autre mesure, il s’agissait de mettre les autographes en sûreté. Nous y avons pourvu ensemble.

Quant à la publication, vous avez bien voulu vous en charger. Pleine de confiance en votre amitié dévouée, je vous donne ce mandat avec reconnaissance.

Mais vous me demandez des instructions écrites, et vous désirez qu’elles soient nettes et précises, autant du moins qu’il est possible de les formuler en pareil cas, sans vous enlever toute liberté d’action.

Il ne faut pas, en effet, qu’on puisse jamais vous accuser d’avoir trahi mes véritables intentions.

Voici donc ce qui est, de ma part, l’expression d’une volonté réfléchie et arrêtée :

1° La correspondance ne pourrait être publiée de mon vivant qu’autant que je viendrais à y consentir. Je tiens, vous le savez, à ce qu’elle soit publiée le plus tard possible. Il ne s’agit pas pour moi de réduire mes ennemis actuels au silence. Je ne m’occupe pas d’eux. Il s’agit de rétablir, au moyen de preuves irrécusables, le fait des choses accomplies.

2° Après ma mort, vous serez seul juge de la question de mode et d’opportunité de la publication. S’il vous paraît suffisant de ne faire paraître d’abord qu’une partie de la correspondance, sauf à la publier tout entière plus tard, vous serez libre de le faire. Vous conserverez aux lettres leurs véritables signatures, ou vous emploierez des noms fictifs, ou vous les publierez anonymes.

Au besoin, vous consulterez ma famille et mes autres amis ; mais vous resterez le maître de faire prévaloir votre propre appréciation.

3° Il ne devra être rien changé aux lettres, ni un mot, ni une virgule. Vous respecterez les suppressions, d’ailleurs peu nombreuses, que j’ai cru devoir faire de certains passages relatifs à des tiers, bien que vous me blâmiez énergiquement de ce que vous appelez, à ce propos, mon excès de mansuétude.

4° La publication faite, les lettres autographes devront être déposées, pour y rester à tout jamais, soit à la Bibliothèque impériale, soit dans telles autres archives publiques qu’il vous plaira de choisir, afin que toute personne puisse vérifier l’exactitude de la publication.

5° Les sommes formant le produit net de la publication, ou représentant les droits d’auteur, seront versées par vous dans la caisse d’un bureau de bienfaisance ou employées à de bonnes œuvres quelconques.

6° En prévision du cas où vous viendriez à mourir avant d’avoir publié ces lettres, j’ai choisi M. Alexandre Dumas fils pour vous remplacer, et, par respect de la vérité autant que par attachement pour moi, il s’est empressé, comme vous, de m’engager sa parole.

Mais une autre éventualité est à prévoir ; vous pouvez nous survivre à tous les deux, et cependant mourir vous-même avant d’avoir rempli la mission que je vous confie. Personne n’aurait plus alors aucun pouvoir pour publier.

Donc je vous autorise, s’il arrivait que, de nous trois, vous fussiez le survivant à déléguer à M. Louis Maillard, ou, à son défaut à une personne de votre choix, après vous être assuré de son acquiescement, le mandat que contient cette lettre, afin que cette personne puisse au besoin, après vous, exécuter toutes mes instructions.

Si c’est, au contraire, M. Alexandre Dumas qui nous survit, ce sera lui qui prendra les mêmes précautions.

Tout ceci réglé, je me repose sur vous, mon cher Émile, du soin d’accomplir avec une loyale affection pour moi, et un grand respect pour la mémoire d’Alfred, les volontés que je viens d’exprimer.

Signé : Aurore DUPIN
George SAND.
Montmorency, 30 mars 1903.


À Monsieur Félix DECORI,
avocat à la Cour d’appel de Paris.


Cher Monsieur,

Le 10 mars 1864, George Sand me confiait sa correspondance avec Alfred de Musset et sa lettre m’instituait « seul juge de la question de mode et d’opportunité de la publication ». — Elle m’autorisait en même temps à déléguer à toute personne à mon choix le mandat qu’elle me conférait. »

Ce précieux dépôt est encore entre mes mains.

Mais, aujourd’hui, en raison de mon grand âge et de mes infirmités, je ne serais plus en état d’accomplir jusqu’au bout la mission que j’avais reçue de Madame Sand, quand bien même des circonstances viendraient en imposer et en justifier l’exécution complète.

Je me vois donc contraint de transmettre les pouvoirs qui m’avaient été donnés.

Or, nul ne me paraît plus qualifié que vous pour me succéder dans l’exécution de ce mandat. — Vous êtes lié d’une vieille amitié avec la famille Sand et vos connaissances professionnelles vous permettront mieux qu’à qui que ce soit, de remplir la mission que je vous remets en toute confiance.

En conséquence, je vous transmets le dépôt qui m’avait été confié et vous substitue dans tous les pouvoirs que m’avait conférés Madame Sand, m’en rapportant à vous du soin de remplir, selon les inspirations de votre conscience, les instructions de mon amie vénérée.

Agréez, cher Monsieur, l’assurance de ma haute estime et de mes sentiments bien cordiaux.

Em. AUCANTE.
Décembre 1903.


Le précieux dépôt de la correspondance de George Sand et d’Alfred de Musset devait être remis en des mains plus dignes que les miennes. Mais les illustres amis que George Sand avait désignés pour cette haute mission, Louis Maillard, Noël Parfait, Alexandre Dumas fils, ont été successivement emportés par la mort et c’est à leur défaut que j’ai reçu ce fardeau des mains fidèles mais défaillantes d’Émile Aucante.

J’ai accepté cette tâche avec tous ses devoirs. En conscience il me semble aujourd’hui que je dois m’en acquitter.

La liaison de George Sand et d’Alfred de Musset semble contenir encore un irritant mystère. Faute d’avoir eu sous les yeux la correspondance entière et d’avoir pu par conséquent démêler les véritables sentiments des deux grands écrivains, leurs partisans se sont abandonnés à toutes les hypothèses qu’enfantait leur admiration féconde. Des polémiques se sont engagées, des thèses se sont échafaudées et tous les pseudo-psychologues ont prétendu les étayer à l’aide de citations incomplètes ou tronquées, de fragments de lettres opposés les uns aux autres de façon arbitraire et pour les besoins de leur démonstration. Cette année même deux livres de ce genre ont paru.

Afin de permettre au public de porter sur les héros de ce roman d’amour un jugement éclairé, impartial et définitif il m’a semblé qu’il était indispensable de faire enfin connaître leur correspondance complète, intégrale, d’après les originaux eux-mêmes, conservés et classés par George Sand.

Aussi n’ai-je pu déférer au désir manifesté par l’illustre morte et n’ai-je point respecté les suppressions qu’elle avait cru devoir faire de certains passages relatifs à des tiers.

J’avais le devoir de mettre sous les yeux du lecteur la reproduction textuelle des originaux : j’ai rempli ma mission intégralement.

Cette divulgation, d’ailleurs, les deux amants l’ont désirée. Alfred de Musset avait remis à George Sand les lettres qu’il avait reçues d’elle et manifesté sa ferme volonté de l’en laisser disposer seule et, d’autre part, en les confiant à Émile Aucante, George Sand demandait qu’un jour ou l’autre, quand l’heure serait propice, elles fussent publiées.

Il m’a paru qu’après tant d’années — quand on va célébrer le centenaire de George Sand — cette heure était enfin venue, que les passions d’autrefois devaient être apaisées et que le vœu commun pouvait être exaucé : aussi je me décide à faire, sans aucun commentaire, cette publication.

Puisse-t-elle ramener autour de ces grands morts le calme et la paix ! Puisse-t-on surtout n’y pas voir une œuvre de rancune ou de haine, mais un pieux monument élevé par la postérité respectueuse à ces deux amants passionnés.


Félix DECORI.


PREMIÈRE SÉRIE

Paris — 1833

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LETTRE N° 1.[1]

Madame, je prends la liberté de vous envoyer quelques vers que je viens d’écrire en relisant un chapitre d’Indiana, celui où Noun reçoit Raymond dans la chambre de sa maitresse. Leur peu de valeur m’aurait fait hésiter à les mettre sous vos yeux, s’ils n’étaient pour moi une occasion de vous exprimer le sentiment d’admiration sincère et profonde qui les a inspirés.

Agréez, madame, l’assurance de mon respect.

Alf. de Musset.


COMPLÉMENT DE LA LETTRE N°1


Sand, quand tu l’écrivais, où donc l’avais-tu vue
Cette scène terrible où Noun à demi nue
Sur le lit d’Indiana s’enivre avec Raymond ?
Qui donc te la dictait, cette page brûlante
Où l’amour cherche en vain d’une main palpitante
Le fantôme adoré de son illusion ?

En as-tu dans le cœur la triste expérience ?
Ce qu’éprouve Raymond, te le rappellais-tu ?
Et tous ces sentiments d’une vague souffrance,
Ces plaisirs sans bonheur, si pleins d’un vide immense,
As-tu rêvé cela, George, ou l’as-tu connu ?

N’est-ce pas le Réel dans toute sa tristesse
Que cette pauvre Noun, les yeux baignés de pleurs,
Versant à son ami le vin de sa maîtresse,
Croyant que le bonheur c’est une nuit d’ivresse
Et que la volupté, c’est le parfum des fleurs ?

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Et cet être divin, cette femme angélique
Que dans l’air embaumé Raymond voit voltiger,
Cette frêle Indiana dont la forme magique
Erre sur les miroirs comme un spectre léger,

Ô George ! n’est-ce pas la pâle fiancée
Dont l’Ange du désir est l’immortel amant ?
N’est-ce pas l’Idéal, cette amour insensée
Qui sur tous les amours plane éternellement ?

Ah, malheur à celui qui lui livre son âme !
Qui couvre de baisers sur le corps d’une femme
Le fantôme d’une autre, et qui, sur la beauté.
Veut boire l’idéal dans la réalité !

Malheur à l’imprudent qui, lorsque Noun l’embrasse
Peut penser autre chose en entrant dans son lit,
Sinon que Noun est belle et que le Temps qui passe,
A compté sur ses doigts les heures de la nuit !

Demain viendra le jour, demain, désabusée,
Noun, la fidèle Noun, par sa douleur brisée,
Rejoindra sous les eaux l’ombre d’Ophélia.
Elle abandonnera celui qui la méprise ;

Et le cœur orgueilleux qui ne l’a pas comprise
Aimera l’autre en vain — n’est-ce pas, Lélia ?

24 juin 1833.


LETTRE N° 2.

Voilà, madame, le fragment que vous désirez lire et que je suis assez heureux pour avoir retrouvé, en partie dans mes papiers, en partie dans ma mémoire. Soyez assez bonne pour faire en sorte que votre petit caprice de curiosité ne soit partagé par personne.[2]

Votre bien dévoué serviteur,
Alfd de Musset.

Mardi.


LETTRE N° 3.

Votre aimable lettre a fait bien plaisir, madame, à une espèce d’idiot entortillé dans de la flanelle comme une épée de bourgmestre. Il vous remercie bien cordialement de votre souvenir pour une sottise qui n’en valait pas la peine et dont il est bien fâché de vous avoir rendu témoin[3]. Que vous ayez le plus tôt possible la fantaisie de perdre une soirée avec lui, c’est ce qu’il vous demande surtout.

Votre bien dévoué,
Alfd de Mt.


LETTRE N° 4.

Je suis obligé, madame, de vous faire le plus triste aveu ; je monte la garde mardi prochain ; tout autre jour de la semaine, ou, ce soir même, si vous étiez libre, je suis tout à vos ordres et reconnaissant des moments que vous voulez bien me sacrifier.

Votre maladie n’a rien de plaisant, quoique vous ayez envie d’en rire. Il serait plus facile de vous couper une jambe que de vous guérir. Malheureusement on n’a pas encore trouvé de cataplasme à poser sur le cœur. Ne regardez pas trop la lune, je vous en prie, et ne mourez pas avant que nous n’ayons exécuté ce beau projet de voyage dont nous avons parlé. Voyez quel égoïste je suis ; vous dites que vous avez manqué d’aller dans l’autre monde ; je ne sais vraiment pas trop ce que je fais dans celui-ci.

Tout à vous de cœur.

Alfd de Mt.

Lundi.


LETTRE N° 5.

J’ai reçu Lélia. — Je vous en remercie, et bien que j’eusse résolu de me conserver cette jouissance pour la nuit, il est probable que j’aurai tout lu avant de retourner au corps de garde.

Si après avoir raisonnablement trempé vos doigts dans l’encre, vous vous couchez prosaïquement, je souhaite que Dieu vous délivre de votre mal de tête. — Si vous avez réellement l’idée d’aller vous percher sur les tours de Notre-Dame[4], vous serez la meilleure femme du monde, si vous me permettez d’y aller avec vous. Pourvu que je rentre à mon poste le matin, je puis disposer de ma veillée patriotique. Répondez-moi un mot, et croyez à mon amitié sincère.

Alfd de Mt.


LETTRE N° 6.

Vous êtes bien bonne et bien aimable de penser à moi ; je m’aperçois que le porteur de votre lettre s’est exalté sur la route, en sorte que, de peur de méprise, je prends la précaution du papier pour vous dire que je suis parfaitement libre, et que je vous remercie de votre aimable invitation.

Votre bien dévoué serr,
Alfd de Mt.

Sans date.


LETTRE N° 7.

Éprouver de la joie à la lecture d’une belle chose faite par un autre, est le privilège d’une ancienne amitié. — Je n’ai pas ces droits auprès de vous, madame, il faut cependant que je vous dise que c’est là ce qui m’est arrivé en lisant Lélia. — J’étais, dans ma petite cervelle, très inquiet de savoir ce que c’était. Cela ne pouvait pas être médiocre, mais enfin ça pouvait être bien des choses avant d’être ce que cela est. Avec votre caractère, vos idées, votre nature de talent, si vous eussiez échoué là, je vous aurais regardée comme valant le quart de ce que vous valez. Vous savez que malgré tout votre cher mépris pour vos livres, que vous regardez comme des espèces de contre-partie des mémoires de vos boulangers, etc., vous savez, dis-je, que pour moi, un livre, c’est un homme, ou rien. — Je me soucie autant que de la fumée d’une pipe, de tous les arrangements, combinaisons, drames, qu’à tête reposée, et en travaillant pour votre plaisir, vous pourriez imaginer et combiner. — Il y a dans Lélia des vingtaines de pages qui vont droit au cœur, franchement, vigoureusement, tout aussi belles que celles de René et de Lara. Vous voilà George Sand ; autrement vous eussiez été madame une telle faisant des livres.

Voilà un insolent compliment, je ne saurais en faire d’autres. Le public vous les fera. Quant à la joie que j’ai éprouvée, en voici la raison.

Vous me connaissez assez pour être sûre à présent que jamais le mot ridicule de — voulez-vous ? ou ne voulez-vous pas ? — ne sortira de mes lèvres avec vous. — Il y a la mer Baltique entre vous et moi sous ce rapport. — Vous ne pouvez donner que l’amour moral — et je ne puis le rendre à personne (en admettant que vous ne commenciez pas tout bonnement par m’envoyer paître, si je m’avisais de vous le demander), mais je puis être, si vous m’en jugez digne, — non pas même votre ami, — c’est encore trop moral pour moi — mais une espèce de camarade sans conséquence et, sans droits, par conséquent sans jalousie et sans brouilles, capable de fumer votre tabac, de chiffonner vos peignoirs[5] et d’attraper des rhumes de cerveau en philosophant avec vous sous tous les marronniers de l’Europe moderne. Si, à ce titre, quand vous n’avez rien à faire, ou envie de faire une bêtise, (comme je suis poli !) vous voulez bien de moi pour une heure ou une soirée, au lieu d’aller ces jours-là chez madame une telle, faisant des livres, j’aurai affaire à mon cher monsieur George Sand, qui est désormais pour moi un homme de génie. Pardonnez-moi de vous le dire en face, je n’ai aucune raison pour mentir.

À vous de cœur.
Alfd de Mt.

Mercredi.


LETTRE N° 8.

Mon cher George, vos beaux yeux noirs que j’ai outragés hier[6] m’ont trotté dans la tête ce matin. Je vous envoie cette ébauche, toute laide qu’elle est, par curiosité pour voir si vos amis la reconnaîtront, et si vous la reconnaîtrez vous-même.

Good night. I am gloomy to day.[7]
Alfd de Musset.


LETTRE N° 9[8].

Je crois, mon cher George, que tout le monde est fou ce matin ; vous qui vous couchez à quatre heures, vous m’écrivez à huit ; moi, qui me couche à sept, j’étais tout grand éveillé au beau milieu de mon lit, quand votre lettre est venue. Mes gens auront pris votre commissionnaire pour un usurier, car on l’a renvoyé sans réponse. Comme j’étais en train de vous lire et d’admirer la sagesse de votre style, arrive un de mes amis (toujours à huit heures), lequel ami se lève ordinairement à deux heures de l’après-midi. Il était cramoisi de fureur contre un article des Débats où l’on s’efforce, ce matin même[9], de me faire un tort commercial de quelques douzaines d’exemplaires. En vertu de quoi j’ai essuyé mon razoir (sic) dessus.

J’irai certainement vous voir à minuit. Si vous étiez venue hier soir, je voue aurais remercié sept fois comme ange consolateur et demi, ce qui fait bien proche de Dieu. J’ai pleuré comme un veau pour faire ma digestion, après quoi je suis accouché par le forceps de cinq vers et une (sic) hémistiche, et j’ai mangé un fromage à la crème qui était tout aigre.

Que Dieu vous conserve en joie, vous et votre progéniture, jusqu’à la vingt et unième génération.

Yours truly
Alfd de Mt.


LETTRE N° 10.

Mon cher George, j’ai quelque chose de bête et de ridicule à vous dire. Je vous l’écris sottement au lieu de vous l’avoir dit, je ne sais pourquoi, en rentrant de cette promenade. J’en serai désolé, ce soir. Vous allez me rire au nez, me prendre pour un faiseur de phrases dans tous mes rapports avec vous jusqu’ici. Vous me mettrez à la porte et vous croirez que je mens. Je suis amoureux de vous. Je le suis depuis le premier jour où j’ai été chez vous. J’ai cru que je m’en guérirais tout simplement en vous voyant à titre d’ami. Il y a beaucoup de choses dans votre caractère qui pouvaient m’en guérir ; j’ai lâché de me le persuader tant que j’ai pu ; mais je paye trop cher les moments que je passe avec vous. J’aime mieux vous le dire et j’ai bien fait, parce que je souffrirai bien moins pour m’en guérir à présent si vous me fermez votre porte. Cette nuit, pendant que[10]… j’avais résolu de vous faire dire que j’étais à la campagne, mais je ne veux pas vous faire de mystères ni avoir l’air de me brouiller sans sujet. Maintenant, George, vous allez dire : encore un qui va m’ennuyer ! comme vous dites ; si je ne suis pas tout à fait le premier venu pour vous, dites-moi, comme vous me l’auriez dit hier en me parlant d’un autre, ce qu’il faut que je fasse. Mais je vous en prie, si vous voulez me dire que vous doutez de ce que je vous écris, ne me répondez plutôt pas du tout. Je sais comme vous pensez de moi, et je n’espère rien en vous disant cela. Je ne puis qu’y perdre une amie et les seules heures agréables que j’ai passées depuis un mois. Mais je sais que vous êtes bonne, que vous avez aimé, et je me confie à vous, non pas comme à une maîtresse, mais comme à un camarade franc et loyal. George, je suis un fou de me priver du plaisir de vous voir pendant le peu de temps que vous avez encore à passer à Paris, avant votre départ pour l’Italie où nous aurions passé de si belles nuits, si j’avais de la force. Mais la vérité est que je souffre et que la force me manque.

Alfd Mt.


LETTRE N° 11.

S’il y a dans les feuilles que je viens de lire une page où vous ayez pensé à moi, et que je l’aie deviné, je vous remercie, George.

[11]

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je voudrais que vous me connussiez mieux, que vous voyiez qu’il n’y a dans ma conduite envers vous ni rouerie ni orgueil affecté, et que vous ne me fassiez pas plus grand ni plus petit que je ne suis. Je me suis livré sans réflexion au plaisir de vous voir et de vous aimer. — Je vous ai aimée, non pas chez vous, près de vous, mais ici, dans cette chambre où me voilà seul à présent. C’est là que je vous ai dit ce que je n’ai jamais dit à personne. — Vous souvenez-vous que vous m’avez dit un jour que quelqu’un vous avait demandé si j’étais Octave ou Cœlio, et que vous aviez répondu : tous les deux, je croîs. — Ma folie a été de ne vous en montrer qu’un, George, et quand l’autre a parlé, vous lui avez

répondu comme à[12]

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

À qui la faute ? À moi. Plaignez ma triste nature qui s’est habituée à vivre dans un cercueil scellé, et haïssez les hommes qui m’y ont forcé. Voilà un mur de prison, disiez-vous hier, tout viendrait s’y briser. Oui George, voilà un mur ; vous n’avez oublié qu’une chose, c’est qu’il y a derrière un prisonnier.

Voilà mon histoire toute entière, ma vie passée, ma vie future. Je serai bien avancé, bien heureux, quand j’aurai barbouillé de mauvaises rimes les murs de mon cachot ! Voilà un beau calcul, une belle organisation de rester muet en face de l’être qui peut vous comprendre, et de faire de ses souffrances un trésor sacré pour le jeter dans toutes les voieries, dans tous les égouts, à six francs l’exemplaire ! Pouah !

Plaignez-moi, ne me méprisez pas. Puisque je n’ai pu parler devant vous, je mourrai muet. Si mon nom est écrit dans un coin de votre cœur, quelque faible, quelque décolorée qu’en soit l’empreinte, ne l’effacez pas. Je puis embrasser une fille galeuse et ivre morte, mais je ne puis embrasser ma mère.

Aimez ceux qui savent aimer, je ne sais que souffrir. Il y a des jours où je me tuerais : mais je pleure ou j’éclate de rire, non pas aujourd’hui, par exemple. Adieu, George, je vous aime comme un enfant.




DEUXIÈME SÉRIE

1834

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1re . — De Lui.
Sans date. — Écrit de Venise à Venise

Adieu, mon enfant — Je pense que tu resteras ici. — Quelle que soit ta haine ou ton indifférence pour moi, si le baiser d’adieu que je t’ai donné aujourd’hui est le dernier de ma vie, il faut que tu saches qu’au premier pas que j’ai fait dehors avec la pensée que je t’avais perdue pour toujours, j’ai senti que j’avais mérité de te perdre, et que rien n’est trop dur (pour) moi. S’il t’importe peu de savoir si ton souvenir me reste ou non, il m’importe à moi, aujourd’hui que ton spectre s’efface déjà et s’éloigne devant moi, de te dire que rien d’impur ne restera dans le sillon de ma vie où tu as passé, et que celui qui n’a pas su t’honorer quand il te possédait, peut encore y voir clair à travers ses larmes et t’honorer dans son cœur, où ton image ne mourra jamais. — Adieu mon enfant.


1re . — Réponse d’Elle.
(Réponse au crayon sur le verso.)


Al Signor A. de Musset,
In gondola, alla Piazzetta.

Non ! ne pars pas comme ça. Tu n’es pas assez guéri.

Je ne veux pas que tu partes seul. Pourquoi se quereller, mon Dieu ? Ne suis-je pas toujours le frère George, l’ami d’autrefois ?

2me . — De Lui.

Tu m’as dit de partir, et je suis parti ; tu m’as dit de vivre et je vis. Nous nous sommes arrêtés à Padoue ; il était huit heures du soir et j’étais fatigué. Ne doutes pas de mon courage. Écris-moi un mot à Milan, frère chéri, George bien-aimé !


2me . — Réponse d’Elle.
(Dimanche.)


À M. A. de Musset,
Poste restante, à Milan.

Je voulais te suivre de loin, mon enfant. En rentrant à Venise je devais partir pour Vicence avec Pagello et savoir comment tu as passé ta première et triste journée. Mais j’ai senti que je n’aurais pas le courage de passer la nuit dans la même ville que toi sans aller t’embrasser encore le matin. J’en mourais d’envie mais j’ai craint de renouveler pour toi les souffrances et l’émotion de la séparation. Et puis j’étais si malade en rentrant chez moi que je craignais de n’en avoir pas la force moi-même. M. Rebizzo est venu me chercher et m’a emmenée malgré moi coucher chez lui. Ils ont été très bons pour moi et m’ont parlé de toi avec beaucoup d’intérêt, ce qui m’a fait un peu de bien. À présent je t’écris de Trévise. Je suis partie de Venise ce matin à six heures. Je veux absolument être à Vicence ce soir et aller à l’auberge où tu as couché. J’y dois trouver une lettre d’Antonio à qui j’ai recommandé de me laisser de tes nouvelles. Je suis forcée de m’arrêter ici une heure ou deux parce que Pagello a une visite à faire et m’a priée de prendre cette route qui n’est pas plus longue que l’autre à ce qu’il dit. Je ne serai tranquille que ce soir, et encore quelle tranquillité ! Un voyage si long, et toi si faible encore ! Mon Dieu, mon Dieu ! Je prierai Dieu du matin au soir. J’espère qu’il m’entendra. Je trouverai ta lettre demain à Venise. J’arriverai presque en même temps qu’elle. Ne t’inquiète pas de moi. Je suis forte comme un cheval, mais ne me dis pas d’être gaie et tranquille. Cela ne m’arrivera pas de sitôt. Pauvre ange, comment auras-tu passé cette nuit ? J’espère que la fatigue t’aura forcé de dormir. Sois sage et prudent, et bon comme tu me l’as promis. Écris-moi de toutes les villes où tu coucheras, ou fais-moi au moins écrire par Antonio, si cela t’ennuie. Moi je t’écrirai à Genève ou à Turin, selon la route que tu prendras et dont tu m’informeras, à Milan.

Adieu, adieu, mon ange. Que Dieu te protège, te conduise et te ramène un jour ici, si j’y suis. Dans tous les cas, certes, je te verrai aux vacances. Avec quel bonheur, alors ? Comme nous nous aimerons bien, n’est-ce pas, n’est-ce pas, mon petit frère, mon enfant ? Ah ! qui te soignera, et qui soignerai-je ? Qui aura besoin de moi et de qui voudrai-je prendre soin désormais ? Comment me passerai-je du bien et du mal que tu me faisais ? Puisses-tu oublier les souffrances que je t’ai causées et ne te rappeler que les bons jours ! Le dernier surtout qui me laissera un baume dans le cœur et en soulagera la blessure. Adieu, mon petit oiseau. Aime toujours ton pauvre vieux George.

Je ne te dis rien de la part de Pagello, sinon qu’il te pleure presque autant que moi et que quand je lui ai redit tout ce dont tu m’avais chargée pour lui, il a fait comme avec sa femme aveugle. Il s’est enfui en colère et en sanglottant.

Datée de Trévise, 30 mars.


3me . — De Lui.
Portant le timbre de Genève 5 avril 1834.

Vendredi 4 avril.

Mon George chéri, je suis à Genève. Je suis parti de Milan sans avoir trouvé de lettre de toi à la poste. Peut-être m’avais-tu écrit ; mais j’avais retenu mes places tout de suite en arrivant et le hasard a voulu que le courrier de Venise, qui arrive toujours deux heures avant le départ de la diligence de Genève, s’est trouvé en retard cette fois. Je t’en prie, si tu m’as écrit à Milan, écris au directeur de la poste de me faire passer ta lettre à Paris ; je la veux, n’eût-elle que deux lignes. Écris-moi à Paris, mon amie, je t’ai laissée bien lasse, bien épuisée de ces deux mois de chagrin ; tu me l’as dit d’ailleurs, tu as bien des choses à me dire. Dis-moi surtout que tu es tranquille, que tu seras heureuse. Tu sais que j’ai très bien supporté la route. Antonio doit t’avoir écrit. Je suis fort, bien portant, presque heureux. Te dirai-je que je n’ai pas souffert, que je n’ai pas pleuré bien des fois dans ces tristes nuits d’auberge ? Ce serait me vanter d’être une brute, et tu ne me croirais pas.

Je t’aime encore d’amour, George. Dans quatre jours, il y aura trois cents lieues entre nous, pourquoi ne parlerai-je pas franchement ? À cette distance là il n’y a plus ni violences ni attaques de nerfs ; je t’aime, je te sais auprès d’un homme que tu aimes, et cependant je suis tranquille. Les larmes coulent abondamment sur mes mains tandis que je t’écris, mais ce sont les plus douces, les plus chères larmes que j’aie versées. Je suis tranquille ; ce n’est pas un enfant épuisé de fatigue qui te parle ainsi. J’atteste le soleil que j’y vois aussi clair dans mon cœur, que lui dans son orbite. Je n’ai pas voulu t’écrire avant d’être sûr de moi ; il s’est passé tant de choses dans cette pauvre tête ! De quel rêve étrange je m’éveille !

Ce matin, je courais les rues de Genève, en regardant les boutiques ; un gilet neuf, une belle édition d’un livre anglais, voilà ce qui attirait mon attention. Je me suis aperçu dans une glace, j’ai reconnu l’enfant d’autrefois. Qu’avais-tu donc fait, ma pauvre amie ? C’était là l’homme que tu voulais aimer ! Tu avais dix ans de souffrance dans le cœur, tu avais, depuis dix ans, une soif inextinguible de bonheur, et c’était là le roseau sur lequel tu voulais t’appuyer ! Toi m’aimer ! mon pauvre George ! Cela m’a fait frémir. Je t’ai rendue si malheureuse ! et quels malheurs plus terribles n’ai-je pas encore été sur le point de te causer ! Je le verrai encore longtemps, mon George, ce visage pâli par les veilles qui s’est penché dix-huit nuits sur mon chevet ! Je te verrai longtemps dans cette chambre funeste où tant de larmes ont coulé.

Pauvre George ! Pauvre chère enfant ! Tu t’étais trompée ; tu t’es crue ma maîtresse, tu n’étais que ma mère ; le ciel nous avait fait l’un pour l’autre ; nos intelligences, dans leur sphère élevée, se sont reconnues comme deux oiseaux des montagnes, elles ont volé l’une vers l’autre, mais l’étreinte a été trop forte ; c’est un inceste que nous commettions.

Eh bien, mon unique amie, j’ai été presque un bourreau pour toi, du moins dans ces derniers temps ; je t’ai fait beaucoup souffrir, mais Dieu soit loué, ce que je pouvais faire de pis encore, je ne l’ai pas fait. Oh ! mon enfant, tu vis, tu es belle, tu es jeune, tu te promènes sous le plus beau ciel du monde, appuyée sur un homme dont le cœur est digne de toi. Brave jeune homme ! Dis-lui combien je l’aime, et que je ne puis retenir mes larmes en pensant à lui. Eh bien, je ne t’ai donc pas dérobée à la Providence, je n’ai donc pas détourné de toi la main qu’il te fallait pour être heureuse ! j’ai fait peut-être en te quittant la chose la plus simple du monde, mais je l’ai faite, mon cœur se dilate malgré mes larmes. J’emporte avec moi deux étranges compagnes, une tristesse et une joie sans fin. Quand tu passeras le Simplon, pense à moi, George ; c’était la première fois que les spectres éternels des Alpes se levaient devant moi, dans leur force et dans leur calme. J’étais seul dans le cabriolet, je ne sais comment rendre ce que j’ai éprouvé. Il me semblait que ces géants me parlaient de toutes les grandeurs sorties de la main de Dieu. Je ne suis qu’un enfant, me suis-je écrié, mais j’ai deux grands amis, et ils sont heureux.

Écris-moi, mon George. Sois sûre que je vais m’occuper de tes affaires. Que mon amitié ne te soit jamais importune. Respecte-la, cette amitié plus ardente que l’amour, c’est tout ce qu’il y a de bon en moi, pense à cela, c’est l’ouvrage de Dieu. Tu es le fil qui me rattache à lui ; pense à la vie qui m’attend.


3me . — Réponse d’Elle.
Datée, en tête, du 15 avril, et, à la fin, du 17.

J’étais dans une affreuse inquiétude, mon cher ange, je n’ai reçu aucune lettre d’Antonio. J’avais été à Vicence, exprès pour savoir comment tu aurais passé cette première nuit. J’avais appris seulement que tu avais traversé la ville dans la matinée. J’avais donc pour toutes nouvelles de toi les deux lignes que tu m’as écrites de Padoue et je ne savais que penser. Pagello me disait que certainement au cas où tu serais malade, Antonio nous écrirait, mais je sais que les lettres se perdent ou restent six semaines en route dans ce pays-ci. J’étais au désespoir. Enfin j’ai reçu ta lettre de Genève. Oh ! que je t’en remercie mon enfant ! Qu’elle est bonne et qu’elle m’a fait du bien. Est-ce bien vrai que tu n’es pas malade, que tu es fort, que tu ne souffres pas ? Je crains toujours que par affection, tu ne m’exagères cette bonne santé. Oh ! que Dieu te la donne et te la conserve ! mon cher petit. Cela est aussi nécessaire à ma vie désormais que ton amitié. Sans l’une ou sans l’autre, je ne puis pas espérer un seul beau jour pour moi.

Ne crois pas, ne crois pas, Alfred, que je puisse être heureuse avec la pensée d’avoir perdu ton cœur. Que j’aie été ta maîtresse ou ta mère, peu importe. Que je t’aie inspiré de l’amour ou de l’amitié ; que j’aie été heureuse ou malheureuse avec toi, tout cela ne change rien à l’état de mon âme à présent. Je sais que je t’aime et c’est tout. (Ici trois lignes rayées.) Veiller sur toi, te préserver de tout mal, de toute contrariété, t’entourer de distractions et de plaisirs, voilà le besoin et le regret que je sens depuis que je t’ai perdu.

Pourquoi cette tâche si douce et que j’aurais remplie avec tant de joie, est-elle devenue peu à peu si amère et puis tout à coup impossible ? Quelle fatalité a changé en poison les remèdes que je t’offrais ? Pourquoi, moi qui aurais donné tout mon sang pour te donner une nuit de repos et de calme, suis-je devenue pour toi un tourment, un fléau, un spectre ? Quand ces affreux souvenirs m’assiègent (et à quelle heure me laissent-ils en paix !) je deviens presque folle. Je couvre mon oreiller de larmes. J’entends ta voix m’appeler dans le silence de la nuit. Qu’est-ce (sic) qui m’appellera, à présent ! Qui est-ce qui aura besoin de mes veilles ? À quoi emploierai-je la force que j’ai amassée pour toi, et qui maintenant se tourne contre moi-même ? Oh ! mon enfant, mon enfant ! que j’ai besoin de ta tendresse et de ton pardon ! Ne parle pas du mien, ne me dis jamais que tu as eu des torts envers moi. Qu’en sais-je ? Je ne me souviens plus de rien, sinon que nous avons été bien malheureux et que nous nous sommes quittés. Mais je sais, je sens que nous nous aimerons toute la vie avec le cœur, avec l’intelligence, que nous tâcherons, par une affection sainte (ici un mot rayé) de nous guérir mutuellement du mal que nous avons souffert l’un pour l’autre.

Hélas non ! ce n’était pas notre faute. Nous suivions notre destinée, et nos caractères plus âpres, plus violents que ceux des autres, nous empêchaient d’accepter la vie des amants Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/73 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/74 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/75 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/76 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/77 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/78 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/79 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/80 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/81 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/82 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/83 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/84 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/85 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/86 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/87 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/88 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/89 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/90 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/91 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/92 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/93 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/94 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/95 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/96 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/97 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/98 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/99 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/100 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/101 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/102 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/103 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/104 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/105 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/106 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/107 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/108 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/109 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/110 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/111 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/112 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/113 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/114 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/115 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/116 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/117 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/118 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/119 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/120 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/121 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/122 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/123 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/124 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/125 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/126 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/127 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/128 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/129 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/130 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/131 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/132 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/133 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/134 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/135 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/136 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/137 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/138 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/139 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/140 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/141 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/142 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/143 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/144 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/145 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/146 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/147 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/148 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/149 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/150 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/151 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/152 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/153 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/154 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/155 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/156 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/157 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/158 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/159 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/160 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/161 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/162 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/163 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/164 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/165 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/166 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/167 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/168 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/169 ni qu’une chute peut briser. Tu n’es pas destiné à ramper sur la boue de la réalité. Tu es fait pour créer ta réalité toi-même dans un monde plus élevé, et pour trouver tes joies dans le plus noble exercice des facultés de ton âme. Va, espère, et que ta vie soit un poème aussi beau que ceux qu’a rêvés ton intelligence. Un jour tu le reliras avec les saintes joies de l’orgueil. Tu verras peut-être derrière loi bien des débris ; mais tu seras debout et sans tache, au milieu des trahisons, des bassesses et des turpitudes d’autrui. Celui qui s’est toujours livré loyalement et généreusement peut avoir à souffrir, mais à rougir, jamais ; et peut-être que la récompense est là toute entière. Jésus disait à Madeleine : « il te sera beaucoup remis, parce que tu as beaucoup aimé. »

Vois combien tu te trompais quand tu te croyais usé par les plaisirs et abruti par l’expérience ! Vois que ton corps s’est renouvelé et que ton âme sort de sa chrysalide. Si, dans son engourdissement, elle a produit de si beaux poèmes, quels sentiments, quelles idées en sortiront maintenant qu’elle a déployé ses ailes ? Aime et écris, c’est ta vocation, mon ami. Monte vers Dieu, sur les rayons de ton génie, et envoie ta muse sur la terre, raconter aux hommes les mystères de l’amour et de la foi. Et n’aie pas peur. Dirige mieux ton orgueil, ne l’étouffe pas, tu n’en as pas trop, et à voir quels buts puérils tu lui donnais, j’ai souvent cru que tu n’en avais pas assez. Mais il n’était qu’endormi, ce juste orgueil qui te fait dire maintenant : Je vais me livrer, je vais me risquer. Oui, cela est beau et grand. Tous les sots ont l’orgueil de dire : Je ne me risque pas, moi ! — Ils tiennent à leur repos comme les inutiles à la vie. Un homme comme toi n’est complet que lorsqu’il s’est livré.

T’ai-je dit que j’avais fait mes adieux à l’enthousiasme ? Si je l’ai dit, j’ai voulu parler de cet enthousiasme des premières années de la carrière, qui a besoin d’être si ardent pour en couvrir les difficultés. Mais cette force que j’avais pour fermer les yeux, afin d’y conserver le rayon de mon soleil, alors même qu’il s’éteignait, je n’en al plus besoin. Je contemple, les yeux toujours ouverts, une lumière toujours éclatante et pure. Tu m’as fait de grandes et belles prédictions, dans les élans de ta plus vive amitié, alors qu’elle était déjà assez forte pour faire taire les intérêts de l’amour. Tu m’as dit qu’il était temps pour moi de recueillir le fruit de toute une vie de fatigue et que le dernier amour d’une femme était le plus beau. Tes prédictions se réalisent, mon enfant, et j’oublie jusqu’au nom des souffrances que je croyais autrefois inévitablement liées à l’affection. Je souffre encore souvent et beaucoup, mais jamais par lui. N’ayant pas une petite pièce de monnaie pour m’acheter un bouquet, il se lève avant le jour et fait deux lieues à pied pour m’en cueillir un dans les jardins des faubourgs. Cette petite chose est le résumé de toute sa conduite. Il me sert, il me porte et il me remercie. Oh, dis-moi que tu es heureux et je le serai.

Ce mot si beau des deux êtres qui s’aiment sur la terre et qui font un ange dans le ciel est de Delatouche. Tu le trouveras imprimé dans la Reine d’Espagne, une comédie qui a été sifflée outrageusement, quoi qu’elle méritât tout le contraire. À cette phrase si belle et si sainte, un monsieur du parterre a crié : Oh ! quelle cochonnerie ! et les sifflets n’ont pas permis à l’acteur d’aller plus loin.

C’est comme cela que le public de France comprend. Ces bons Italiens sont tout le contraire. Ils applaudissent tout, ils pleurent, ils rient, ils trépignent, ils s’émeuvent, ils s’exaltent. Le bon, le mauvais, tout leur va. Pourvu qu’on touche leur fibre sensitive, peu importe que ce soit avec un sceptre ou avec un balai… (deux mots effacés) leur plairait excessivement, et pourtant ils pleurent très à propos à un mot simple et touchant de Kotzebue. Hier je voyais jouer une détestable traduction du… (mot effacé) ; au milieu des éternelles déclamations morales et philosophiques, il y eut un mot de rien qui fut très goûté et avec raison, par le plus grossier public du monde. Un vieux capitaine, jovial, bon et beau parleur, tend la main à un jeune aveugle en lui disant : Et toi, mon pauvre Cupidon ? C’est un de ces mots qui plaisent sans qu’on puisse dire pourquoi, et que nous aimions tant à rencontrer parce qu’ils nous frappaient tous deux en même temps, t’en souviens-tu, mon bon petit ?

À quelle époque vas-tu à Aix ? Arrange-toi, je t’en prie, de manière à ce que je sache où tu seras afin que si je ne te trouve pas à Paris, je te rencontre, du moins, en route. Dis-moi, toi qui as fait le voyage par Genève, combien il me faut d’argent pour le faire seule, afin que j’ordonne mes affaires en conséquence.

Adieu, mon bon enfant chéri. Je t’ai prié d’aller voir mon fils, cela t’a peut-être contrarié ; j’étais si inquiète que je ne savais à quel saint me vouer. Enfin, Papet m’a donné de lui d’excellentes nouvelles. Adieu, cher ange, porte-toi toujours bien. Pagello me dit qu’il est en train de t’écrire un sermon sur le vin de Champagne. Sois sûr que s’il en avait sous la main, il en boirait une bouteille à chaque point de son discours. Sois sûr aussi que tu es bien aimé. Adieu, adieu, voilà l’heure du courrier. Écris-moi beaucoup. Si tu savais quels bons jours sont ceux qui m’apportent une lettre de toi.




Lettre du docteur Pagello
à Alfred de Musset [13]

Caro Alfredo,
Venezia, 15 Ginguo 1834.

Non ci abiamo scritto ancora ne l’uno ne l’altro, forse perche l’uno ne l’altro volea esser primo. Questo non tolse pero quella muta corrispondanza d’affetti che ci iegherà sempre di nodi, sublimi per noi, e incomprensibili agli altri. Godo di sentirvi sano di corpo e forte di spirito. Io ho sempre vaticinato bene della vostra salute, tuttoché voi abbiate Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/177 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/178 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/179 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/180 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/181 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/182 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/183 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/184 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/185 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/186 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/187 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/188 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/189 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/190 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/191 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/192 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/193 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/194 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/195 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/196 était fondé le juste remords qui m’a saisi à cet article de votre lettre. Mais je vous promets que jamais, jamais je ne boirai plus de cette maudite boisson, — sans me faire les plus grands reproches.

George me mande que vous hésitez à venir ici avec elle ; il faut venir, mon ami, ou ne pas la laisser partir. Trois cents lieues sont trop longues, pour une femme seule. Je sais bien qu’elle vous dira à cela qu’elle est forte comme un Turc. Mais je vous dirai moi, à l’oreille, et tout bas, que le plus petit Turc est plus fort que la plus forte femme d’Europe ; croyez-m’en, moi qui ne suis pas Turc et venez. Je vous promets de vous montrer, si vous êtes curieux de le voir, un de vos meilleurs amis.

Alfd de Mt.




TROISIÈME SÉRIE

Paris et Baden
1834

c

Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/203 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/204 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/205 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/206 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/207 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/208 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/209 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/210 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/211 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/212 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/213 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/214 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/215 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/216 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/217 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/218 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/219 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/220 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/221 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/222 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/223 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/224 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/225 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/226 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/227 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/228 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/229 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/230 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/231 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/232 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/233 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/234 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/235 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/236 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/237 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/238 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/239 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/240

Ainsi, un mot ; dis-moi ton heure. Sera ce soir ? demain ? Quand tu voudras ; quand tu auras une heure, un instant à perdre. Réponds-moi une ligne. Si c’est ce soir, tant mieux. Si c’est dans un mois, j’y serai. Ce sera quand tu n’auras rien à faire ; moi, je n’ai à faire que de t’aimer.

Ton frère Alfd.




QUATRIÈME SÉRIE

Paris
Hiver de 1834-1835

Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/244 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/245 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/246 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/247 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/248 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/249 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/250 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/251 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/252 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/253 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/254 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/255 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/256 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/257 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/258 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/259 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/260 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/261 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/262 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/263 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/264 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/265 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/266 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/267 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/268 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/269 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/270 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/271 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/272 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/273 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/274 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/275 Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/276

Pour en finir au plus vite avec le chapitre des explications, je crois pouvoir affirmer qu’on s’est trompé en me supposant gratuitement de l’humeur, à propos d’une lettre que tu ne m’aurais pas écrite. Je ne sais ce que cela veut dire. Je me souviens d’avoir été brisée ; je ne me souviens pas d’avoir eu du dépit ou du mécontentement sur quoi que ce soit. Je me souviens de m’être éveillée à Nohant couverte de taches hépathiques de la tête aux pieds, et de n’avoir pas cessé depuis ce jour-là d’avoir mal au foie. C’est bien assez des maux réels sans y joindre des piqûres d’amour-propre. Je t’avoue qu’il n’y avait pas place en moi pour les petites choses à cette heure solennelle et décisive de ma vie.

J’approuve tout à fait ton idée relativement à nos lettres. Il m’eût été fort amer de te rendre les tiennes ; et si je pouvais croire que les miennes ont le même prix à tes yeux, je ne te les réclamerais pas. Mais tout cela est bien Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/278 poste de la Châtre. Si tu aimes mieux attendre la réception du tien, fais comme tu voudras.

Adieu, mon enfant. Dieu soit avec toi.

G.
autographe signé G

V. — VERS.

Vers d’Alfred de Musset, écrits sous sa dictée PAR George Sand, en revenant de Chatterton.

Quand tous aurez prouvé, messieurs du Journalisme,
Que Chatterton eût tort de mourir ignoré,
Qu’au théâtre français on Ta défiguré.
Quand tous aurez crié sept fois à l’athéisme.

Sept fois au contresens, et sept fois au sophisme.
Vous n’aurez pas prouvé que je n’ai pas pleuré,
Et si mes pleurs ont tort devant le pédantisme,
Savez-vous, moucherons, ce que je vous dirai ?

Je vous dirai : sachez que les larmes humaines.
Ressemblent en grandeur aux flots de l’océan ;
On n’en fait rien de bon en les analysant ;

Quand vous en puiseriez deux tonnes toutes pleines,
En les faisant sécher, vous n’en aurez demain
Qu’on méchant grain de sel dans le creux de la main.

Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/284
Paris, le 16 mai 1904.
DIRECTION
DE LA

BIBLIOTHÈQUE

NATIONALE

L’Administrateur général,
À Monsieur Félix DECORI,
avocat à la Cour d’appel.
Monsieur,

Je m’empresse de vous accuser réception du paquet cacheté, contenant des documents originaux intéressant l’histoire littéraire du XIXe siècle, que vous avez remis entre mes mains, pour en faire don à la Bibliothèque nationale. Le pli sera ouvert aussitôt que vous m’en aurez donné l’autorisation, et les documents seront incorporés dans les collections du Département des manuscrits, après que votre don aura été accepté par M. le Ministre de l’Instruction publique au nom de la Bibliothèque.

Veuillez agréer, je vous prie, Monsieur, avec les remercîments de la Bibliothèque, l’expression de mes sentiments de haute considération et d’entier dévouement.

L. DELISLE.

TABLE




pages.
Préliminaires.
 1
 17
 125
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  1. La 1re  lettre de George Sand à Alfred de Musset est datée de Venise. Aucune de celles qu’elle a pu lui écrire précédemment ne m’a été remise. Aucune n’avait été copiée, ni même vue par M. Aucante.
    George Sand tenait surtout à se justifier d’avoir été la maitresse de Pagello, alors qu’elle aurait encore été celle de Musset. C’est pourquoi elle a dû regarder comme étant sans intérêt les réponses qu’elle a pu faire à ce dernier dans les débuts de leur liaison.
  2. C’était un fragment inédit de Rolla.
  3. Il avait eu des crampes d’estomac jusqu’à s’évanouir.
  4. C’était pour voir un feu d’artifice, probablement celui de la fête du roi, où elle a été en effet sans lui.
  5. Il s’était habillé en pierrot et avait mystifié une personne qui n’était pas, comme on l’a raconté et imprimé, Mr de la Rochefoucauld.
  6. Il avait fait la charge de plusieurs personnes, la sienne, celle de G. S., celle de Buloz, etc. Il dessinait remarquablement.
  7. Bonsoir, je sais triste aujourd’hui.
  8. L’en-tête de cette lettre est orné d’un dessin à la plume représentant une dame vue de dos et tenant par la main deux enfants qui portent des joujoux.
  9. N° du 28 juillet 1833.
  10. Ces deux derniers mots biffes à la plume par G. Sand, et la ligne suivante coupée aux ciseaux.
  11. Coupure aux ciseaux, faite par A. de M.
  12. Partie du verso enlevée par la coupure. Alf. de M. semble avoir voulu couper tout ce qui contenait des noms propres.
  13. Cher Alfred,
    Venise, 15 Juin 1834.

    Nous ne nous sommes écrit encore ni l’un ni l’autre, peut-être parce que ni l’un ni l’autre ne voulait être le premier. Ceci pourtant n’empêche pas la muette correspondance d’affection qui nous liera toujours de ses nœuds, sublimes pour nous, incompréhensibles pour les autres.