Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 2/0310

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Louis Conard (Volume 2p. 369-370).

310. À LOUISE COLET.
Lundi soir, minuit [1er mars.]

Dans huit jours je pense être près de toi. Si tu ne me vois pas chez toi lundi, une fois passé 9 heures, ce sera pour le lendemain mardi. Je resterai jusqu’à la fin de la semaine.

Si tu vois Pelletan, tu peux, de toi-même, lui parler de Melaenis et qu’il fasse un article comme il l’entende, favorable bien entendu. Ce serait ce qu’il y aurait de mieux, puisque c’est lui qui fait les comptes rendus de la Presse. Mais je ne crois pas qu’il se charge de critiquer les vers.

Tâche de me savoir quelque chose quant à l’affaire Sainte-Beuve. Il a paru aujourd’hui dans la Revue de Paris des vers de Bouilhet ; procure-toi ce numéro.

Je suis en train de raboter quelques pages de mon roman pour m’arrêter à un point. Mais ça n’en finit [pas]. Cette première partie, que j’avais estimée devoir être finie à la fin de janvier, me mènera jusqu’à la fin de mai. Je vais si lentement ! Quelques lignes par jour, et encore !

Voilà que je recommence comme du temps de Saint Antoine ; je ne peux plus dormir. Je n’en éprouve aucune fatigue. Une fois que mon horloge [est remontée], elle va longtemps ; mais il ne faut pas qu’on l’arrête. Et pour la remonter, c’est avec des cabestans et des machines. Je ne lis rien, sauf un peu de Bossuet, le soir, dans mon lit ; j’ai quitté momentanément tout pour arriver en temps. Je voulais être libre à l’époque que j’avais dite.

Adieu donc, pauvre cher cœur, à bientôt ; je t’embrasserai effectivement et comme je t’aime, à bras serrés.

À toi.