Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 3/0402

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Louis Conard (Volume 3p. 245-247).

402. À LOUIS BOUILHET.
[Croisset, 23 juin 1853.]
My Dear,

Je me suis surembêté, ces jours-ci, d’une façon truculente. Il m’était impossible, tout l’après-midi, de secouer une torpeur de mastodonte qui m’accablait.

J’ai fait, ou à peu près, mon trio d’imbéciles… Il m’est impossible de l’écrire court. Il me ronge. N’oublie pas de m’apporter les renseignements suivants :

1o Si c’est… nous en donnerons de ferrugineux ; si au contraire nous avons affaire à… on pourrait en essayer d’oléagineux[1].

2o Comment appelle-t-on médicalement le cauchemar ? Il me faut un bon nom grec, à toute force.

3o Ma phrase de la chasse : car si la chasse, par malheur, eût été vive, il eût à cause de… perdu les deux pieds infailliblement.

Je viens de passer une heure à me chantonner les Fossiles (le Printemps et le Combat). Tu peux te réjouir en sécurité, c’est bon ! Si tu savais, moi, dans quelles bassesses je suis.

No news from the Muse, comme dirait Don Dick.

J’ai lu avant-hier l’Oiseau bleu[2]. Comme c’est joli ! Quel dommage qu’on ne puisse pas empoigner tout cela ! Ce serait plus amusant à écrire que des discours de pharmacien[3]. Les fétidités bourgeoises où je patauge m’assombrissent. À force de peindre les chemineaux j’en deviens un moi-même.

J’âpre-difficultés de style, mauvais temps. Tout ça, ainsi que ce que nous avons dit l’autre jour, m’embête.

Adieu, cher vieux bon, à dimanche.


  1. Voir Madame Bovary, p. 241 et suiv.
  2. Dans les Contes de Fées de Mme d’Aulnoy.
  3. Voir Madame Bovary, p. 106, 111, 247.