Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0655

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Louis Conard (Volume 4p. 392-393).

655. À LOUIS BOUILHET.
Croisset, 2 septembre 1860.

Incontestablement, cette seconde sérénade[1] vaut mieux que l’autre. Elle est plus locale. Je n’y vois rien à redire. C’est plein de détails charmants et d’un ton excellent. Quant à la musique, ne t’en inquiète pas. Le principal, c’est que la pièce est bonne.

Je travaille maintenant assez raide. Ces deux jours passés à Fécamp vont bien me déranger, mais il le faut ! Je suis forcé.

J’arriverai, je crois, à avoir dix-huit pages à mon chapitre. Elles seront bourrées de faits. Ce qui n’empêche pas que le roman, l’histoire, n’avance guère. On se traîne éternellement sur la même situation ! Et pourtant c’est rapide, mais par parties, successivement et non d’ensemble.

Quels beaux détails je trouve dans l’Hygiène des Arabes du docteur Bertherand ! Cataplasmes de sauterelles, fiels de corbeau, etc. ; pour faire accoucher les femmes, des matrones leur montent sur le ventre et piétinent ; pour les rendre fécondes, on leur brûle sous le nez des poils de lion, et elles avalent la crasse qui est dans les oreilles des ânes, etc. C’est un livre des plus réjouissants que je connaisse.

À propos d’Arabes, j’ai reçu ce matin une lettre de Feydeau. Il s’en revient, ayant vu seulement la province d’Alger, et me disant que « je ne me doute pas » de la chaleur qu’il fait en Afrique. Il a été malade, et je crois qu’il en a assez, bien qu’il prétende le contraire.

Ce qui ne l’empêchera pas au retour d’être plus crâne que Barth et Livingstone réunis.

Adieu, vieux. Dors sur tes deux oreilles quant à la sérénade.


  1. Voir Dernières Chansons, édition Lemerre, p. 319.