Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0902

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Louis Conard (Volume 5p. 280-281).

902. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, jeudi, 11 heures, 28 février 1867.

Mais, mon pauvre loulou, il me semble que la décence exigeait que ce fût la nièce qui écrivît d’abord à son oncle. Il est vrai que ton vieux ganachon ne tient pas beaucoup à la décence ! C’est là ce qui te justifie à mes yeux des reproches amers que tu m’envoies.

Je savais le voyage peu agréable de ton époux. L’important, c’est que la ferme est vendue et qu’on sera délivré des lamentations du gérant et du fermier.

Quant à ta grand’mère, ne crois pas qu’elle en sera plus tranquille. Il est dans sa nature de se tourmenter toujours. Quand les sujets d’inquiétude lui manquent, elle en invente : elle ne sait que s’ingénier pour se rendre malheureuse.

En fait de nouvelles « du Théâtre et des Arts », je ne puis t’en donner aucune. Je n’ai pas encore été à aucun spectacle et n’irai probablement de tout l’hiver que pour la première de Ponsard et la première de Dumas. Je m’occupe exclusivement de l’histoire de 48. Cela remplace les faïences. Mes courses principales sont finies, et j’aurai écrit à la fin de cette semaine deux pages, ce qui est beau. Il est probable que j’irai voir samedi prochain ce pauvre Bouilhet. Je partirai le matin et reviendrai le soir.

Pourquoi donc ces névralgies dans ta caboche, mon mimi ? Ce sont des migraines, n’est-ce pas ?

Tu ne me dis pas si j’aurai l’honneur et le plaisir de votre visite le mois prochain ?

Adieu, mon Caro. Écris-moi le plus souvent que tu pourras, au lieu de rêvasser au coin de ton feu, comme tu dis.

Ton vieil oncle qui t’aime.