Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1038

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Louis Conard (Volume 6p. 44-45).

1038. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, vendredi soir [juillet 1869].

Comme vous êtes bonne de songer à moi, Princesse ! Vous faites bien, je vous l’avoue, car je suis extrêmement à plaindre ! Ma vie est bouleversée par cette mort-là ! et j’aurai du mal à revenir de l’ébranlement qu’elle m’a causé.

Il faut se roidir et continuer son chemin, cependant !

J’ai rendez-vous avec l’Odéon pour le 12 août, afin d’aviser à monter sa pièce[1]. Vers le mois de janvier, je publierai un volume[2] de ses vers, inédits et fort beaux.

Je relis maintenant mon roman pour en effacer les fautes de français et ôter à la critique malveillante le plus de prétextes possibles. Elle m’épargnera fort peu, néanmoins. Mais je m’en moque parfaitement.

Vous ne me dites pas comment vous allez. Êtes-vous toujours aussi triste ? Ah ! l’existence n’est pas drôle ! Et le soleil brille, l’eau continue à couler, le ciel est splendide.

Je vous envoie tout ce que j’ai de meilleur dans l’âme, je me mets à vos pieds, Princesse, je vous baise les deux mains et je suis

tout à vous.

J’espère vous aller voir dans dix à douze jours, puis, à partir du 1er septembre, ne plus bouger de Paris (sauf peut-être pendant une huitaine que je prendrai au mois de septembre, pour aller chez le père Cloquet, à Lamalque).

L’idée de vous voir bientôt, un peu longuement, est ma seule consolation présente.


  1. Mademoiselle Aïssé.
  2. Dernières Chansons.