Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1122
Si je ne vous ai pas écrit depuis longtemps, c’est que je vous croyais d’abord en Champagne, puis je ne sais où, depuis la guerre.
Quel renfoncement, hein ? Mais nous allons nous relever, il me semble ?
Je ne fais rien du tout. J’attends des nouvelles et je me ronge, je me dévore d’impatience. Ce qui m’exaspère, c’est la stupidité des autorités locales !
Mes pauvres parents de Nogent nous sont arrivés ici, et mon toit abrite maintenant seize personnes.
Je me suis engagé comme infirmier à l’Hôtel-Dieu de Rouen, en attendant que j’aille défendre Lutèce, si on en fait le siège (ce que je ne crois pas). J’ai une envie, un prurit de me battre. Est-ce le sang de mes aïeux, les Natchez, qui reparaît ? Non !… c’est l’em… de l’existence qui éclate. Ah ! bienheureux ceux que nous pleurons, mon pauvre ami !
Dès que tout sera fini, il faudra que vous veniez chez moi. Il me semble que nous avons bien des choses à nous dire. Et puis, je suis si seul ! Et vous, donc !
Si vous le pouvez, écrivez-moi et donnez-moi des nouvelles, de vous et du reste.
Je vous embrasse bien fort.