Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1191

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 6p. 260-261).

1191. À SA NIÈCE CAROLINE.
[Croisset]. Dimanche, 6 heures et demie [2 juillet 1871].
Mon Loulou,

Ta grand’mère a été désappointée, ce matin, de n’avoir pas de lettre de toi. Je ne sais pas ce que j’en ferai demain si nous n’en recevons pas. Elle s’imaginait que tu étais très malade, « morte » : j’ai entendu, à travers ma cloison, le dialogue avec Julie. Après quoi elle s’est imaginée que tu devais venir aujourd’hui à Rouen pour la location de ta maison. Et elle a envoyé ensuite à Rouen, tout exprès.

Nous avons eu tout à l’heure une lettre de Flavie, qui nous dit qu’elle viendra, mais sans nous préciser d’époque. Et toi, chérie, quand te revoit-on ? Tu ne m’as pas l’air d’aller très bien. Les rhumatismes et les migraines s’apaiseraient peut-être dans le pauvre vieux Croisset.

N’oublie pas d’envoyer chercher le livre chez Baudry et de m’expédier (si tu dois tarder à venir) ledit bouquin.

J’ai été aujourd’hui voter à Bapaume et je tombe sur les bottes naturellement, d’autant plus que je suis très fatigué depuis quelques jours ; j’ai la poitrine oppressée. Ça vient d’être depuis trop longtemps courbé sur ma table, et puis aussi d’être obligé de parler hors de ma voix à ta grand’mère pendant l’heure des repas.

Demain j’irai dîner à l’Hôtel-Dieu où je dois faire la connaissance du maire de Rouen !!! Mon ami Raoul-Duval pourrait très bien ne pas être élu. Il a fait une profession de foi peu noble, selon moi. Tu as dû recevoir deux billets pour la Chambre.

Mes deux députés commencent à m’embêter avec leurs retards infinis.

Adieu, ma pauvre chérie. Je t’embrasse bien fort.

Ton Vieux.